Si tu débutes ton internat lundi…

J’ai fini mon internat vendredi. Après 2 ans de pré-externat à arpenter les hôpitaux, 3 ans d’externat à côtoyer des internes pédagogues ou distributeurs de missions, puis 3 ans d’internat à essayer de faire partie de la première catégorie (essayer) sans jamais céder à l’esclavagisme d’externes, je vais poursuivre avec grand plaisir une activité libérale et universitaire.

Lundi, de nouveaux internes vont arriver dans les hôpitaux. Pour les accueillir, Thoracotomie a proposé sur son blog les 10 commandements de l’interne. J’avais envie d’ajouter un peu de poésie à votre vie d’interne, en adaptant très légèrement le célèbre poème de Rudyard Kipling, « If » (que je mets également en fin d’article).

Bon courage à tous les nouveaux entrants – nouveaux internes, nouveaux externes, nouveaux chefs de cliniques, nouveaux assistants/attachés/praticiens…

TU SERAS UN BON INTERNE…

Si tu peux garder la tête froide, accrochée,
Quand ceux autour de toi l’ont perdue et t’en blâment (1),
Ou croire en toi malgré un acte reproché (2),
En sachant tenir compte des reproches et blâmes,
Si tu sais patienter et survivre à tes gardes,
Si tu sais être berné(e) sans goût de vengeance (3),
Si tu sais enseigner sans humeur revancharde (4),
Sans être trop bon(ne), agir avec bienveillance…

Si tu sais rêver, sans chauffer tes ailes aux astres,
Si tu sais penser, sans faire des pensées ton but,
Si tu sais croiser le Triomphe et le Désastre,
Et fuir ces deux mensonges comme le scorbut,
Si tu peux supporter d’entendre tes propos
Changés par transmissions, et n’en être abusé(e),
Regarder ton travail s’élimer en copeaux,
Et le refonder avec tes outils usés (5)…

Si tu peux ne faire qu’un seul tas de tes victoires,
Et toutes les risquer sur un lancer de dé (6),
Si tu peux tout perdre et tout remettre en mémoire,
Sans jamais te plaindre de tes choix décidés (7),
Si tu peux forcer ton cœur, tes nerfs, tes tendons,
A te servir encore, malgré toute fatigue,
Et, quand il n’y a plus rien en toi, tenir bon,
Partir et ressourcer ton énergie prodigue (8)…

Si tu peux soigner les gens sans les abaisser,
Donner aux pauvres et aux riches le même accès,
Si nul ami ou rival ne peut te blesser,
Si tous les patients comptent pour toi, sans excès,
Si tu peux remplir les minutes successives
Par soixante secondes de chemin franchi,
Alors tes volontés seront compréhensives,
Et tu seras un bon interne, mon ami !

(1) Utile aux urgences !
(2) Il y aura toujours une voie veineuse centrale que vous aurez refusé de faire poser, un bilan hépatique mal surveillé…
(3) Vous tomberez au moins une fois sur un urgentiste qui voudra placer un patient âgé pour bilan de confusion, sans en faire le minimum syndical – parfois même en n’ayant uniquement fait confiance à l’externe débutant…
(4) Nous avons tous eu des internes terribles, qui nous donnaient des missions pénibles, nous prenaient pour leurs secrétaires, ne nous apprenaient rien, étaient perpétuellement stressés par l’image qu’ils renvoyaient d’eux… Ca ne sert à rien de faire subir la même chose aux externes qu’on encadre. Vraiment. Ne faites pas faire ce que vous détestiez qu’on vous impose. Vous pouvez trier vos bilans biologiques tout seul – à moins qu’il n’y ait un vrai intérêt pédagogique derrière…
(5) C’est quasiment une allégorie des tours professoraux hebdomadaires… ou de la thèse aussi.
(6) En gros, ne pas s’asseoir sur ses acquis, mais Kipling écrit ça bien mieux que je n’aurais su le faire…
(7) Une spécialité, ça se choisit, ça se droitauremordise pendant les 2 premières années ; l’exercice ultérieur, libéral ou hospitalier, se choisit aussi, ainsi que les horaires…
(8) Pendant l’externat, on se promet d’avoir une vie meilleure pendant l’internat. Cette promesse a tendance à s’effilocher au fil des semestres… Il ne faut pas oublier d’en profiter !

Version originale de If :

If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you.
But make allowance for their doubting too;
If you can wait and not be tired by waiting.
Or being lied about, don’t deal in lies,
Or being hated, don’t give way to hating,
And yet don’t look too good, nor talk too wise:

If you can dream -and not make dreams your master
If you can think -and not make thoughts your aim
If you can meet with Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear to hear the truth you’ve spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools.
Or watch the things you gave your life to broken,
And stoop and build’em up with worn-out tools:

If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them: « Hold on! »

If you can talk with crowds and keep your virtue,
Or walk with Kings -nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute,
With sixty seconds’ worth of distance run.
Yours is the Earth and everything that’s in it,
And -which is more- you’ll be a Man, my son!

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