Quel anti-émétique choisir en médecine ambulatoire pour une gastroentérite ?

Chez l’enfant, les vomissements sont stressants pour les parents, une cause de déshydratation et une cause d’échec du SRO (Soluté de Réhydratation Orale). Chez l’adulte, nausées et vomissements sont surtout gênants.

Il y a peu de preuve d’efficacité des antiémétiques dans le cadre d’une gastro-entérite aiguë, les symptômes s’amendant souvent spontanément en 24-48 heures.

Les antiémétiques les plus étudiés outre-Atlantique sont les anti-H1 de première génération, qui présentent l’inconvénient d’être sédatifs. Ils sont peu utilisés actuellement en France.

Les prokinétiques (métoclopramide PRIMPERAN, dompéridone MOTILIUM, métopimazine VOGALENE) sont les plus prescrits dans nos contrées. Ce sont des neuroleptiques cachés, pouvant rarement occasionner un syndrome extrapyramidal (surtout PRIMPERAN) ou une augmentation de l’espace QT (surtout MOTILIUM ?). L’augmentation de l’espace QT est un effet de classe connu des neuroleptiques ; il est donc probable que le dompéridone ne soit pas le seul responsable d’un tel effet, et il semble raisonnable de contre-indiquer les prokinétiques pour tout patient sous neuroleptique ou présentant un antécédent de QT long.

Le métopimazine VOGALENE est le prokinétique pour lequel le moins d’effets indésirables ont été décrits ; toutefois, son efficacité n’est pas démontrée…

En dehors d’un terrain à risque (personne âgée, insuffisant rénal…), l’attitude la plus raisonnable est donc d’attendre que les nausées cèdent, en réhydratant et resucrant (soluté de réhydratation orale chez l’enfant, eau ou coca ou ce-qu-il-veut chez l’adulte). En cas de gêne majeure, bien que son efficacité ne soit pas démontrée, la métopimazine VOGALENE est le prokinétique et l’antiémétique semblant avoir le meilleur profil de tolérance à l’heure actuelle.

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Plus en détail… Les principaux antiémétiques sont les suivants :

1. PROKINETIQUES (anti-dopaminergiques D2, « neuroleptiques » cachés)

  • Métoclopramide PRIMPERAN : action périphétique ET centrale, occasionnant un risque important de syndrome extrapyramidal (1 / 10 000).
  • Dompéridone MOTILIUM : 30 fois moins de dyskinésie, mais risque d’augmentation de l’espace QT (et troubles du rythme ventriculaire) (1). « L’efficacité de la dompéridone dans le traitement des nausées et vomissements des patients atteints d’une gastroparésie diabétique est bien établie. L’efficacité de la dompéridone dans les nausées et vomissements d’étiologies variables est mal établie »(2).
  • Métopimazine VOGALENE : efficacité peu démontrée, très mal évalué (études non comparatives avec des petits nombres de patients), risque d’effets parkinsoniens équivalent à celui du dompéridone (environ 0,3 / 100 000 versus 11 cas / 100 000 avec métoclopramide)(3-5).
  • Alizapride PLITICAN : peu étudié, aussi efficace…
  • Dropéridol DROLEPTAN : efficace… mais responsable d’allongement du QT importants(6).

2. ANTAGONISTES DES RECEPTEURS 5-HT3 :

  • Ondansétron ZOPHREN : aussi efficace que prométhazine, ni sédatif, et sans risque de syndrome extrapyramidal ; mais risque de diarrhées sous ZOPHREN et, surtout, délivrance hospitalière(7–9). Il s’agit d’un médicament d’exception, disponible en ville.
  • Granisétron KYTRIL : un peu moins étudié. Il donnerait moins d’allongement de l’espace QT que l’ondansétron.

3. ANTI-HISTAMINIQUES H1 :

  • Diphenhydramine / Diménhydrinate NAUTAMINE : traitement de référence en Allemagne et au Canada… Il est utilisé en France pour le mal des transports. Pas d’efficacité démontrée chez l’enfant(10).
  • Prométhazine PHENERGAN : traitement de référence aux USA, le plus étudié. Il est plus sédatif avec un risque de somnolence, voire de mort subite chez l’enfant, le contre-indiquant avant 1 ou 2 ans selon les pays(11).
  • Doxylamine DONORMYL : utilisé au Canada, traitement de référence pour les vomissements de la femme enceinte selon le CRAT. Comme les autres anti-H1 de première génération, il est sédatif. Pour la femme enceinte, le CRAT propose : doxylamine, ou métoclopramide, ou métopimazide, dompéridone, ou chlorpromazine, sulpiride, ou ondansétron.

4. ANTICHOLINERGIQUE

  • Scopolamine : pour mal des transports et encombrement. C’est un anti-cholinergique, avec les effets secondaires potentiels (sécheresse des muqueuses, mydriase, tachycardie, rétention urinaire, hallucinations, amnésie lacunaire antérograde…)

5. ANTAGONISTES RECEPTEURS NEUROKININE 1 SUBSTANCE P

  • Aprépitant EMEND : nouvel anti-émétique peu étudié, réservé aux vomissements des chimiothérapies.

6. AUTRES : GLUCOCORTICOIDES, CANNABIS, GINGEMBRE, Aromathérapie à l’alcool isopropylique (mieux que le placebo, moins bien que les traitements(12)) : soyons sérieux (pour le cannabis)… Mais si le/la patient(e) veut prendre du gingembre au lieu d’un médicament, grand bien lui en fasse ! La phytothérapie a une vraie action pharmacologique et un effet placebo (comme tout médicament).

Cet article mériterait d’être retravaillé, mais j’ai un article en cours de reviewing dans La Presse Médicale… J’y reviendrai donc !

 

BIBLIOGRAPHIE

1.         Rev Prescrire 2012 ; 32 (341) : 196-197. Dompéridone : des troubles du rythme ventriculaire et des morts subites (suite) [Internet]. [cited 2012 Dec 23]. Available from: http://www.prescrire.org/Fr/43978374CCE7DCD02FD712B80459A785/Download.aspx

2.         Avis de la commission de transparence HAS 11 mai 2005 MOTILIUM [Internet]. [cited 2012 Dec 23]. Available from: http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ct031818.pdf

3.         Rev Prescrire 2005 ; 25 (260) : 271. Métopimazine en pédiatrie : pourquoi prendre des risques injustifiés ? [Internet]. [cited 2012 Dec 23]. Available from: http://www.prescrire.org/Fr/D7971EB62CD1A7359206EA9D3A58AF98/Download.aspx

4.         Jolliet P, Nion S, Allain-Veyrac G, Tilloy-Fenart L, Vanuxeem D, Berezowski V, et al. Evidence of lowest brain penetration of an antiemetic drug, metopimazine, compared to domperidone, metoclopramide and chlorpromazine, using an in vitro model of the blood-brain barrier. Pharmacol. Res. 2007 Jul;56(1):11–7.

5.         Haute Autorité de Santé – VOGALENE 5 mg, suppositoire sécable (Boîte de 10) [Internet]. [cited 2012 Dec 23]. Available from: http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_400181/vogalene-5-mg-suppositoire-secable-boite-de-10

6.         Madej TH, Simpson KH. Comparison of the use of domperidone, droperidol and metoclopramide in the prevention of nausea and vomiting following major gynaecological surgery. Br J Anaesth. 1986 Aug;58(8):884–7.

7.         Barrett TW, DiPersio DM, Jenkins CA, Jack M, McCoin NS, Storrow AB, et al. A randomized, placebo-controlled trial of ondansetron, metoclopramide, and promethazine in adults. Am J Emerg Med. 2011 Mar;29(3):247–55.

8.         MINERVA Revue d’Evidence-Based Medicine > Articles [Internet]. [cited 2012 Dec 23]. Available from: http://www.minerva-ebm.be/fr/article.asp?id=2185

9.         Fedorowicz Z, Jagannath VA, Carter B. Antiemetics for reducing vomiting related to acute gastroenteritis in children and adolescents. Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. John Wiley & Sons, Ltd; 1996 [cited 2012 Dec 23]. Available from: http://onlinelibrary.wiley.com.doc-distant.univ-lille2.fr/doi/10.1002/14651858.CD005506.pub5/abstract

10.       Gouin S, Vo T-T, Roy M, Lebel D, Gravel J. Oral dimenhydrinate versus placebo in children with gastroenteritis: a randomized controlled trial. Pediatrics. 2012 Jun;129(6):1050–5.

11.       Patanwala AE, Amini R, Hays DP, Rosen P. Antiemetic therapy for nausea and vomiting in the emergency department. J Emerg Med. 2010 Sep;39(3):330–6.

12.       Sonia Hines, Elizabeth Steels, Anne Chang, Kristen Gibbons. Aromatherapy for treatment of postoperative nausea and vomiting [Internet]. [cited 2012 Dec 23]. Available from: http://onlinelibrary.wiley.com.doc-distant.univ-lille2.fr/doi/10.1002/14651858.CD007598.pub2/abstract

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