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#PlanSante2022 : numerus clausus, CPTS et assistants médicaux

Le 18 septembre (hier), le président, la ministre de la santé et la ministre de l’enseignement supérieur ont présenté le Plan Santé 2022. Ca m’a agacé, et j’ai (trop) tweeté sur le sujet. Ca m’a gâché une pièce de théâtre qui me donnait envie à la télé. Ca m’a agacé toute la matinée, alors plutôt que continuer à m’agacer sur un réseau social par petites touches, je vais m’agacer ici de façon plus claire et longue, et comme ça, je pourrai complètement passer à autre chose.

Prêts ? Allons-y pour un petit résumé bref et partial :

  • actuellement, il y a 224 000 médecins dont 106 000 en ville (dont 60 000 généralistes), dont certains sont dans 1000 maisons de santé et 2000 centres de santé (dixit le rapport).
  • selon le résumé (page 10), le système est inadapté car il ne répond pas aux attentes des patients, nourrit le mécontentement des professionnels de santé, et confronte l’état/l’assurance maladie à des tensions financières. Il n’y est pas question de qualité des soins dans les problématiques (peut-être en partie parce qu’objectivement, les soins en France sont de qualité).
  • les premières solutions proposées : faire de la certification qualité et décloisonner avec du lien ville-hôpital. Ca ne répond déjà à aucune des problématiques sus-cités, c’est bien fait comme rapport.
  • supprimer le numerus clausus… vous voyez mon billet sur la suppression des ECNi ? Bah c’est pareil. C’est une mesure populaire car tout le monde (moi le premier) déteste la P1/PACES : tous ceux qui y sont passés, tous ceux qui l’ont obtenue, tous ceux qui ont été recalés, et à peu près toutes les familles de toutes ces personnes… On perd un concours destructeur, détestable, aliénant mais équitable (QCMs anonymes)… qu’allons-nous gagner ? A priori une sélection sur 3 ans, avec probablement une sélection drastique quand même (parce que les facs qui sont déjà pleines d’étudiants ne vont pas pouvoir subitement augmenter le nombre de reçus : comme dit le président de l’Ordre, « il ne faut pas aveugler les étudiants »…) La vraie différence c’est que la faute sera jetée localement sur les facs au lieu d’être rejetée plus haut, sur le numerus clausus. Après le merveilleux changement APB -> ParcoursSup, vivement le passage PACES -> SélectionSup, ça va faire remonter le cours du pop-corn.
  • Notons que cette mesure est assortie ici d’un magnifique mensonge (page 15) : « à plus long terme, effets de la RÉFORME DU NUMERUS CLAUSUS ». C’est non. L’effet qu’on va voir sera dû à la remontée du numerus clausus à partir de 2004 environ, où il est passé du simple au double ; ça a été fait trop tardivement, d’où une démographie médicale en berne pour les 15 ans encore à venir. Mais ça ira mieux ensuite par ce qui a été fait à l’époque de Jacques Chirac (!) ; les actions sur le NC aujourd’hui sont inutiles pour la démographie médicale.

Quelques preuves visuelles : 

D'après Alternatives Economiques : le creux du numerus clausus se décale de 10 ans (durée de formation), donc nous sommes dedans jusqu'en 2030.

D’après Alternatives Economiques : le creux du numerus clausus a entraîné la pénurie de médecins. Et rien d’autre. Calculer des ETP sur des histoires de 2 patients qui ne viennent pas au rendez-vous, c’est parler de la présence de pissenlits dans une pelouse qu’on vient de traverser avec un tractopelle.

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D’après le rapport DREES, le creux est prévu (au moins) jusqu’en 2033… à noter qu’on mélange ici tout médecin, pas seulement les généralistes (et sans tenir compte des généralistes qui s’orientent vers des exercices particuliers comme l’acupuncture etc.)

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Et parallèlement, la population vieillissante va demander de plus en plus de soins…

(Merci à @turbuha1 pour ces deux dernières sources). 

  • mesurer la satisfaction des patients… J’espère qu’à ce stade, quand on voit les courbes ci-dessus, on se rend bien compte de l’inanité de cette mesure. Je sais que le monde est aujourd’hui gouverné par les « questionnaires de satisfaction » mais franchement, quel est l’objectif de cette mesure ? Suivre la satisfaction des patients, pour chercher ensuite à l’augmenter ? S’ils sont mécontents parce qu’on refuse des antibios sur une rhino ou parce qu’on prescrit du Sterimar non remboursé au lieu du Pivalone (corticoïdes) remboursé, on fait quoi : on change nos pratiques au nom du sacro-saint indicateur ? A part nous inciter à devenir des distributeurs pour avoir une bonne note, je ne comprends pas l’objectif derrière cette mesure. Ca doit être une de ces #PenséesComplexes.
  • créer un espace santé pour tous les patients, avec notamment les vaccins. C’est très très bien ! Bon, alors évidemment, ça va nous obliger à prendre des notes dans ce nouvel outil, EN PLUS du DMP (ahah), du carnet de santé papier (parce que les 2 co-existeront de longues années) et de notre dossier personnel (j’ai déjà dit pourquoi le DMP c’était pas tellement faisable à mon sens, tant que ça n’est pas fiable, couplé à un vrai logiciel de prescription, couplé à notre comptabilité…).
  • lancer les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). En gros c’est ce qui existe déjà naturellement, mais en ajoutant des réunions pour organiser les prochaines réunions (rhooooo, comment je suis mauvaise langue) (mais bon, c’est quand même un peu vrai). L’une des missions va par exemple être de savoir comment limiter l’accès aux urgences pour les soins non urgents. C’est sûr qu’une bonne réunion, ça devrait régler rapidement le problème.
  • on ne le dit jamais assez mais pour augmenter le temps de soins, il faut bah… augmenter le temps de soins. Faire des réunions n’augmente pas le temps de soin, elle le réduit. On ne veut pas de télémédecine, pas de droit de pub, pas de réunions obligatoires.

  • dans le développement du numérique, il y a aussi la notion de prendre les rendez-vous en ligne uniquement, avec une assertion sortie de nulle part comme quoi les plateformes limiteraient de 2 à 5 fois les lapins… (je n’imagine même pas les conflits qu’il peut y avoir avec des grosses boîtes telles que Doctolib pour récupérer des données médicales coûte que coûte).  Le tout avec des calculs fumeux qui sortent un 100 millions du chapeau (430 lapins par an par médecin, soit 10 par semaine !), puis disent qu‘un équivalent temps plein de médecin, c’est 2700 consultations par an au lieu de 3900 en moyenne, tout spécialiste confondu ! Jugez vous mêmes… (psst, pour ceux qui me lisent sur Twitter, je m’étais trompé de paragraphe, j’avais fait le calcul avec les 2000 ETP « sauvés » grâce aux assistants dont on parle plus bas -_- Mea culpa.)
100 M de RDV non honorés, soit 25 M d'heures (à 15 min le rendez-vous). Si 37 000 ETP = 25 M d'heures, alors 1 ETP = 676 heures de travail par an, soit 19 semaines de 35h.

Si 100 M de RDV non honorés = 37 000 ETP, alors 1 ETP = 2700 consultations par an (la moyenne étant à 3900), soit un médecin bossant 30 % de moins que la moyenne quoi. Ca semble arranger un peu les calculs, alors on va pas s’embêter.

  • Quant à l’identifiant unique qui a pour but de blacklister partout les patients qui ne se présentent pas aux rendez-vous, sans tenir compte de leur parcours ou leurs arguments, c’est hautement méprisable (j’ai en tête un patient ayant une dépendance à l’alcool qui me demandait des RDV qu’il n’honorait, parce qu’il reportait le moment de son sevrage…).
  • juste pour l’anecdote : je suis en cabinet seul, sans secrétariat présentiel, téléphonique ou en ligne, c’est-à-dire que je réponds à tous les appels. Je reçois 120 appels de 30 secondes à 1 minute en moyenne par semaine, soit 1 à 2h au total. Les plus longs échanges sont avec les pharmacies ou EHPAD que j’aurais de toute façon. Et j’ai 0 à 2 lapins par semaine les pires semaines. Une prise de RDV en ligne me permettrait d’augmenter mon nombre de patients (ce que je ne veux pas) et mon nombre de lapins, c’est sûr (je peux difficilement faire moins). Peut-être que ce « facteur 2 à 5 » correspond à des RDV pris chez des spécialistes qui donnent uniquement des rendez-vous à 3 ou 6 mois.
  • les infirmiers de parcours avancé et les projets hospitaliers… ça me concerne moins, je ne détaille pas.
  • et enfin, créer 4000 postes d’assistants médicaux… Alors, ça c’est sous conditions bien sûr.
Projet et conditions de vente

Projet et conditions de vente des assistants. On note que cette fois ils vont libérer 2000 ETP de temps médical, pour 4000 structures. Si 1 ETP = 676 heures, ça va libérer 338 heures par an pour ces structures ?

Donc je résume : si un médecin est inscrit dans un CPTS (= faire des réunions), exerce dans un cabinet d’au moins 3 médecins, il aura un financement pour pouvoir augmenter le nombre de patients suivis (on sait déjà que le financement sera temporaire, et sera remplacé ensuite par les « patients gagnés »).

La mesure prévoit de faire gagner l’équivalent de 2 000 ETP de temps médical (sur 106 000 médecins, soit 2 %, et uniquement dans les zones sous-dotées mais suffisamment grandes pour avoir 3 médecins sous le même toit – donc pas les campagnes a priori). Il faudra aussi définir ETP, parce qu’en l’état, c’est légèrement problématique, si 1 ETP = 676 heures de travail effectif (2 ministères et le Président qui signent ce rapport, quand même, et personne qui refait le calcul de 100 millions de rendez-vous / 37000 ETP = 2700 RDV/an au lieu des 3800 en moyenne).

Enfin, ces assistants médicaux vont avoir des tâches qui ont été définies par des politiques. C’est dommage, parce qu’il n’y a pas longtemps, j’ai publié un article dans la revue d’épidémiologie de santé publique (version intégrale ici) sur les préférences des médecins généralistes libéraux en France métropolitaine quant à la délégation des tâches médico-administratives aux secrétaires assistant(e)s médico-social(e)s. Et ce que veulent les médecins c’est ça, dans l’ordre :

Par ordre décroissant de préférence : gestion du planning, des dossiers, de la comptabilité, entretien du cabinet, prise d'initiative, avoir une formation spécifique...

Par ordre décroissant de préférence : gestion du planning, des dossiers, de la comptabilité, entretien du cabinet, prise d’initiative, avoir une formation spécifique…

L’aide logistique – soit l’argument de vente principal du rapport (prendre les constantes, etc.) – était le dernier truc cité pour la plupart des médecins. Ca ne les intéresse pas d’avoir quelqu’un pour de la logistique comme ça… Drôle, non ? Ca s’appelle la science, et c’est vachement bien pour déterminer les mesures qui sont réclamées par les médecins 😉 

Aaaaaah.

Ca va mieux.

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