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100 consultations de médecine générale, dont 30 potentiellement évitables : un court recueil estival

(Pioufff, ça faisait un moment ! Désolé, mais j’ai été occupé à 2-3 autres trucs de vie familiale ou de loisirs, comme une saga pour le concours de l’été que vous pouvez écouter ici avec les autres ! J’essaierai de re-bloguer un peu plus fréquemment ;-))

 

Pour ceux qui suivent un peu, en février 2018, j’avais fait une semaine de recueil de données en médecine générale.

Pour donner une autre vision, plus estivale, j’ai refait un petit recueil récemment, en me limitant aux 100 premières consultations/visites (sur 115 en 4 jours), et en ne cherchant à répondre qu’à 4 grandes questions :

  • combien de motifs par consultation ?
  • combien de « consultations de renouvellements »… et dans ce cas, combien de modifications du traitement de fond ?
  • est-ce le motif de consultation est en lien avec le travail ?
  • est-ce que cette consultation aurait pu être évitée ? (comment ?)

 

Note avant ce qui va suivre

Comme la dernière fois, c’est uniquement une description (partielle) de MON activité, sur une semaine. Ca n’est donc même pas révélateur (pas un échantillon fiable en tout cas) de ma propre activité, donc ça n’a aucune vocation à être extrapolé au niveau de la ville, la région, la France ou le monde.

 

Combien de motifs par consultation en moyenne ? 

Evidemment, c’est difficile à compter :

  • est-ce qu’une simple question attendant une réponse simple est un motif ?
  • est-ce que les motifs créés par le médecin sont des motifs ? (« et maintenant, vérifions vos vaccins ; de quand date votre dernier frottis ; vous fumez toujours ; etc. »)

J’ai répondu non et compté assez bas. Au total, je trouve une moyenne de 1,7 motif par consultation « seulement ».

Les 100 consultations dans l’ordre : une alternance de consultations « mono-motif » et de consultations à plusieurs motifs…

Sur les 100 consultations, 14 avaient ce que j’ai appelé un « bonus track » (cette petite question qui n’a rien à voir avec la consultation, ou arrive en toute fin), notamment 1 courrier à la place d’un autre spécialiste, 5 prescriptions médicales de transport, 4 certificats de sport, 4 questions sur la prise en charge d’un enfant/conjoint…

 

Combien de consultations « de renouvellement » ?

C’est facile : 50 consultations ont eu comme motif un suivi avec renouvellement.

Combien de modifications du traitement de fond ? 

Parmi ces 50 consultations, le traitement a été modifié (en partie) dans 21, soit 42 % des consultations. (C’était sûrement beaucoup cette semaine).

Est-ce que ces patients venant pour un renouvellement avaient plus ou moins de motifs ? 

Ils avaient 1,8 motifs en moyenne, vs 1,6 pour ceux ne venant pour un suivi avec renouvellement… donc kif-kif.

 

Est-ce que le motif était en lien avec le travail ? 

81 patients n’étaient pas concernés (pédiatrie, gériatrie, chômage). J’ai eu 3 « expertises » (pour la fonction publique), donc directement liées avec le travail.

Pour les 16 autres patients, le travail était responsable de la consultation pour 7 d’entre eux, avec 2 infections liées à une réunion de travail (promis !) – pas d’arrêt – ; 1 burn-out, 1 accident de travail, 2 arrêts pour troubles musculosquelettiques, 1 arrêt pour deuil.

 

Est-ce que les consultations étaient évitables, et comment ? 

Comme pour les motifs, le caractère « évitable » ou non d’une consultation est particulièrement subjectif.

Dans l’absolu, quasi toute consultation est évitable d’une façon ou d’une autre (c’est même sûrement plutôt sain de ne pas s’imaginer indispensable…)

Une des modifications les plus évidentes est simplement d’espacer le plus les consultations, et faire des « renouvellements » de 6 mois… ce que je fais personnellement assez peu (4 fois plus de suivis trimestriels que semestriels).

A mon sens, 30 consultations étaient « facilement » évitables sur 100, notamment celles ayant pour « principal » motif :

  • 3 pour renouvellement mensuel d’opiacés : ça pourrait être évité en augmentant légalement les délais de délivrance pour les opiacés au long cours.
  • 7 pour problèmes d’éducation à la santé (douleurs sans prise d’antalgique ; rhino-pharyngite ; famille/autre professionnel de santé qui incite à reconsulter pour réentendre la même conclusion dans une lombalgie ; fièvre J1)
  • 2 pour faire le SAV en sortie d’hospitalisation pour les prescriptions de soins IDE, kiné… : meilleure préparation au retour à domicile (… la plupart du temps, ça se passe mieux).
  • 1 pour arrêt de travail non fait par l’urgentiste de la clinique : insister pour que les urgentistes fassent les arrêts (j’en ai déjà parlé…)
  • 2 pour suivi psychologique : ça pourrait être évité en remboursant les psychologues
  • 8 pour certificats de sport ou certificat pour avoir accès à un casier à l’école (bon, c’était la saison !) : arrêter le délire des certificats de sport…
  • 1 pour RQTH suite à une arthrodèse : simplifier les dossiers RQTH
  • 1 pour courrier pour voir un angiologue pour sclérothérapie : simplifier le recours aux angiologues dans ces indications
  • 1 pour prescription de semelles orthopédiques : autonomiser les podologues (franchement pour ce que c’est remboursé…)
  • 1 expertise pour entrée dans l’éducation nationale : typiquement le genre « d’expertise » qui a un très faible intérêt
  • 2 consultations pour arrêt de travail court avec un motif légitime et invérifiable : permettre aux gens de prendre un arrêt de travail sans avoir une (fausse) preuve coûtant du temps et de l’argent.
  • 1 burn-out : arrêter le harcèlement au travail (oui, je sais…) 

J’avais noté aussi « déléguer les vaccins » mais les 3 que j’ai fait étaient tous avec d’autres motifs de consultation (petite semaine par ailleurs, j’en avais fait 4 fois plus la semaine précédente avant la rentrée !)

 

Voilà ! Au total, quelques éléments que je retiens de cette petite semaine d’analyse : 

  • définir un motif, définir une consultation « évitable », c’est compliqué,
  • en fin de certaines journées, j’avais l’impression de n’avoir que des consultations à 3-4 motifs ; finalement, ce petit recueil me montre que j’ai une vision assez fausse, c’est intéressant ! Ca méritera d’être revérifié à l’occasion !
  • on pourrait probablement gagner 20 à 30 % du temps de consultation en limitant les recours ; plusieurs idées avaient été évoquées dans un précédent billet… Cela passe principalement par des modifications légales ou administratives, ou une meilleure éducation à la santé.
  • dans ma très locale expérience, je ne vois pas bien ce que les mesures prévues (CPTS notamment – sans en faire une obsession ^^’) vont améliorer : peut-être gagner 2-3 consultations en améliorant encore un peu la communication ville-hôpital… Le seul intérêt que j’y vois est de pouvoir améliorer l’éducation à la santé par des actions locales… mais, au prix de temps médical dédié à des réunions CPTS, le gain n’aurait même pas atteint les consultations gagnées par les modifications légales ou administratives, dans ma semaine décrite ici (avec toutes les réserves citées en début de billet sur la non-extrapolabilité de cette semaine).
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