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Thomas Fatôme et les assistants médicaux : des erreurs d’interprétation aux fakenews

En ce moment, je radote les mêmes tweets…

1 – Il faut supprimer du temps administratif (lien vers le billet de blog) aux médecins et des solutions existent

2 – pourtant, François Braun n’a proposé que des pseudo-mesures ridicules (lien vers le billet de blog), qui ne feront pas gagner de temps et qui ne sont que de la communication…

https://twitter.com/mimiryudo/status/1623416367138455552?s=20

3 – Parmi les tâches, nous devons (via les CPTS) nous déclarer médecin traitant à tous, surtout les fameux 600 000 patients en ALD prétendument sans médecin traitant (d’après des données nazes de juin 2021, dont on ignore si les patients ne sont pas déjà suivis avec oubli de déclaration, ou en EHPAD suivi au quotidien par des équipes soignantes, ou juste avec un médecin retraité depuis 1-2 mois…). Nous devons donc perdre notre temps pour réparer les données nazes de l’Assurance Maladie.

4 – Bref : nous avons toujours la même charge administrative, mais en plus nous devons réparer les données foireuses de l’Assurance Maladie.
En face, leur seule proposition, l’Assurance Maladie ne propose rien d’autre que prendre des assistants médicaux…

C’est ce dernier fil que je vais détailler ici (les autres ont déjà leurs billets, ce sont les liens dans les titres).

Mes 3 sources

Les assistants médicaux ont fait l’objet de rapports de l’Assurance Maladie en juin et octobre 2022. Ils sont accessibles sur Egora ou sur Le Quotidien du médecin :

  • Egora juin 2022 : « Plus de patients grâce aux assistants médicaux : la Sécu dévoile les premiers résultats »
  • Le Quotidien du médecin juin 2022 : « Assistants médicaux, ça décolle : 3 112 contrats signés, un demi-million de patients ont trouvé un médecin traitant »
  • Egora octobre 2022 : « Assistants médicaux : jusqu’à dix jours de travail gagnés pour les médecins »

Les titres sont amusants : on voit bien ce sur quoi l’Assurance Maladie a axé sa communication malhonnête face aux journalistes présents. Je vous en propose une lecture critique.

Primo, la Sécu ment si elle prétend qu’un demi-million d’assurés ont trouvé un assistant « grâce » aux assistants médicaux

Voilà ce qu’on apprend dans ces articles :

  • 2439 contrats signés par des MG en juin 2022
  • dont 1937 par des « vieux installés » et 502 par des MG « nouveaux installés » (21 %)
  • au total, ils suivaient 2 349 681 patients avant et 511 930 en plus après (soit 18 %).

Première conclusion : en augmentant de 21 % les installés, on augmente de 18 % les patients suivis ! Le titre « assistants médicaux : 1/2 million de patients ont trouvé un médecin traitant » est donc trompeur.

Et donc ça, les génies l’Assurance Maladie disent que c’est grâce aux assistants. BAH NON C’EST GRÂCE AU FAIT QUE VOUS ANALYSEZ DES NOUVEAUX INSTALLÉS !

Ces données auraient dû être présentées avec ces gros drapeaux rouges qu’ils ne veulent rien dire. La CNAM a quand même analysé un sous-groupe d’installés avant 2016 (pour analyse en 2019, donc installés depuis 3 ans ou plus), et là il n’y avait plus que 305 médecins… Ca confirme bien que les chiffres précédents sont juste inutilisables (liés au fait qu’un MG néo-installé augmente sa patientèle, bravo les artistes).

Notons enfin qu’un(e) assistant(e) médical(e) peut faire la tâche… administrative de vérifier les déclarations médecin traitant et rattraper les oublis.

Deuxio, la file active des MG les plus motivés augmente pendant que la démographie médicale diminue

Et là donc sur 305 médecins : + 5,3% de file active entre juin 2019 et décembre 2021… sans comparaison avec un groupe sans assistant !

Sachant qu’entre 2019 (58 748 MG libéraux en exercice) et 2022 (57 033), on a perdu 3 % des MG… et oui, on voit les patients des MG retraités, quelle surprise ! D’ailleurs, « entre 2017 et 2019, la file active des MG a progressé de 2,6 % » par évolution de la démographie médicale, dixit la CNAM dans un autre document d’avril 2022. Une information qu’ils ont dû oublier de présenter en juin 2022…

Néanmoins, 5,3 % de file active en plus, c’est mieux que 2,6 %… sauf que :

  • le sous-groupe comprend des gens installés en 2016 ou 2015 pour une analyse en 2019… potentiellement, il s’agit d’une augmentation « naturellement » élevée (c’est un peu mon cas d’ailleurs, installé fin 2014 ; en 2019, j’ai vu 4750 patients contre 4518 en 2018, soit +5,1 % sans assistant !) (Je serais donc curieux de voir ce qu’il se passe quand on déplace un peu le curseur, en ne choisissant pas un seuil à 2016 mais à 2015 ou 2014… avant de vouloir imposer dans la convention des assistants pour tous, ça serait bien d’avoir des données ouvertes non ?)
  • nous sommes dans un groupe « MG avec assistant médical » DONC s’étant engagé à augmenter sa file active. Un MG qui va réduire pour x raisons (familiales notamment) ne va pas s’amuser à prendre un assistant médical.
  • il est probable que les MG avec assistant médical soient plus souvent en MSP (où il y a plus d’intérêt à avoir un assistant médical) et donc une file active volontiers plus importante (parce qu’ils voient les patients des collègues de la même maison, avec secrétariat partagé). Ca pose d’ailleurs la question : est-ce une amélioration de la qualité ou l’accès des soins d’avoir une grosse file active ?

Deuxième conclusion : est-ce que l’embauche d’un assistant médical permet d’augmenter la file active ? Au maximum de 3 % par rapport à l’évolution naturelle MAIS très probablement juste biaisé par le fait qu’on ait sélectionné des MG souhaitant augmenter leur file active.

Au passage, voici la réponse de Thomas Fatome lors d’un tchat organisé par le Quotidien du Médecin en décembre 2022. Quels chiffres présentent-ils à votre avis ? Oui, les premiers chiffres sur l’ensemble des contrats, complètement bidons puisqu’ils ont intégré 23 % de leur effectif qui concernent des médecins qui venaient de s’installer et qui « grâce à l’assistant médical » ont augmenté depuis 0 patient, de façon totalement inattendue (soit ce sont des politiciens malhonnêtes, soit ce sont des clowns – options non mutuellement exclusives, bien sûr).

Tertio, l’assistant médical qui s’auto-finance est un mythe et l’Assurance Maladie ne peut pas l’ignorer.

Aujourd’hui les assistants médicaux sont financés par @Assur_Maladie pour l’instant, mais le projet était (est encore ?) qu’ils « s’auto-financent » grâce au fait que le MG travaille davantage… (c’est pour ça que c’est une contrepartie à l’accueil d’un assistant).

En gardant un optimiste +3% de file active (de 1700), ça fait 51 patients vus sur l’année, soit 4 par mois. Admettons que ces patients soient vus 3 fois chacun dans l’année, ça ferait 12 par mois.

On nous propose d’embaucher un assistant à mi-temps, qui permettent de voir au mieux 12 patients supplémentaires par mois à 25€ brut pour le financer… 400€ de recettes (200€ de bénéfice donc à la louche) contre l’embauche d’un assistant à temps plein. LES CALCULS SONT PAS BONS KEVIN !

C’est sans doute pour ça que maintenant, les aides pour l’emploi d’un assistant médical sont « pérennes : pour être plus précis, elles sont majorées pendant les trois premières années puis s’ajustent mais continuent d’être versées au médecin dès lors que les objectifs en termes de file active et de patientèle médecin traitant sont respectés » (toujours Thomas Fatôme dans le tchat de décembre 2022).

Pérenne DÈS LORS QUE LES OBJECTIFS… Tout à fait rassurant.

En pratique, « pour être plus précis » comme dirait le Directeur Générale de la CNAM, voici le tableau d’Ameli. Le « reste à charge » pour le MG employant un assistant à mi-temps est de 7 500€ par an… il faut donc voir 300 patients à 25€ en plus chaque année (en recettes brutes pour compenser les dépenses brutes qui sont évidemment déductibles). Avec une augmentation de file active de 51 patients par an, ça implique donc soit de voir plus fréquemment nos patients habituels (… un bon moyen de transformer la médecine en commerce), soit de voir 6 fois chacun nouveau patient qui se présente ponctuellement à nous.

Dans la nouvelle convention, c’est même plus clair… et relisez bien le message « pour être bien précis » de Thomas Fatôme pour comprendre que la course à l’échalote ne pourra mener qu’à l’arrêt de l’aide dans quelques années avec la réaugmentation de démographie médicale (prévue vers 2025-2026). C’est d’autant plus pervers que la diminution d’activité (pour x raisons, personnelles, familiales ou autre) va s’accompagner d’une perte de la prime d’aide à l’emploi de 10 000 à 20 000€ la même année !

Vous avez bien augmenté votre patientèle de 1831 à 2009 patients MAIS votre file active est passée de 2587 à 2500 parce que vous avez eu moins de soins urgents cette année ? Dommage, vous perdez 20 000€.

Notez que même l’augmentation très optimiste de 5,1 % de file active n’est rien par rapport au + 20% demande avec un assistant à temps complet à un médecin au 50eme percentile (311/1514). On se demande aussi comment il peut imposer + 19 % en patientèle médecin traitant alors que leurs chiffres donnent +10%. Ça va souvent propratiser… jusqu’à ce que l’un des chiffres atteigne son pic, et couic.


Quarto, les assistants ne permettent pas d’augmenter la patientèle de 5 à 10 %, contrairement à ce que raconte Thomas Fatôme (décidément…)

Toujours dans le sous-groupe de 305 MG installés depuis plus de 3 ans et avec assistant médical, l’Assurance Maladie explique que ce contrat aurait « permis d’augmenter de 9,9 % le nombre de patients ayant un médecin traitant (entre le 30 juin 2019 et le 31 décembre 2021), mieux que les 7,1 % attendus ». Je comprends (peut-être à tort) comme : 7,1% pour les MG sans assistant soit finalement +2,8% ?

Là encore, admettons qu’on soit à un petit + 2,8 %… DANS UN GROUPE DE GENS QUI SE SONT ENGAGÉS À AUGMENTER LEUR PATIENTÈLE (pour respecter le contrat, le fameux « pérenne dès lors que les objectifs… »), et qui ont une personne dédié à faire de l’administratif tel que la déclaration médecin traitant.

Mais même ce 2,8 %, j’en doute.

Regardons un peu les chiffres pour tout MG confondu en France…

  • en 2019, les MG suivaient 960 patients en moyenne (selon l’Assurance Maladie)
  • en 2021, ils en suivent 1060

Soit sur la période d’étude…. + 10,4 %, et non pas « 7,1 % attendus ».

Ah…

Donc entre 2019 et 2021, nos patientèles ont augmenté de 10,4 % en moyenne (parmi les 50 500 MG en exercice libéral) et de 9,9 % dans le groupe de 305 MG installés depuis plus de 3 ans avec assistant médical d’après les données sourcées (CNAM) que je présente.
Sans doute que la CNAM n’utilise pas ses propres sources, peut-être qu’ils incluent les enfants < 16 ans d’un côté et et pas dans l’autre : c’est le problème de n’avoir accès qu’à des rapports parfois imprécis. La confiance aveugle, je veux bien… le jour où ça sera réciproque. Ca n’est clairement pas le cas (on en a déjà parlé…)

Donc dire « un assistant médical permet de faire gagner 5 à 10 % de patientèle » est donc une joyeuse fakenews de @ThomasFatome dans sa vidéo de février 2023… Les patientèles augmentent à cause de la chute de la démographie.

Quinto, la mauvaise foi n’a aucune limite à la CNAM

Bon le dernier point, c’est mon préféré, mon chouchou.

Admettons que vous ayez envie de prendre les gens pour des cons. Vous êtes même expert en ça, vous vous appelez Thomas F. par exemple.

En décembre 2022, vous poursuivrez l’essorage des données (pas du tout aussi flatteuses qu’attendu, comme précisé ci-dessus) obtenues auprès des 305 MG installés depuis plus de 3 ans, et là vous dites ceci : « le temps de travail initial des médecins signataires s’élevait à 254 jours par an ; il est aujourd’hui de 252 (…) Le gain est particulièrement important chez les médecins de plus de 60 ans, qui passent de 257 à 251 jours de travail (-2.3%) (…) et chez les médecins ayant les patientèles les plus importantes : ceux qui sont au percentile 90 (soit plus de 1.844 patients MT) gagnent ainsi 10 jours de travail (-3.9%) »

Alors, en fait, ça s’appelle la RETRAITE ! Je sais que c’est un concept avec lequel ce gouvernement a du mal, mais quand même…

Visiblement, les moyennes ça leur échappe aussi (sur un groupe de 305 MG, vous en mettez 2 à la retraite et plouf ça fait une moyenne à 252 ; vous en mettez 4 qui se mettent en association et bossent à 50 %, même résultat…).

Par ailleurs, c’est juste normal que le nombre de jours moyen diminue SURTOUT QUAND ON EST À 254 JOURS PAR AN (ce qui implique 5 jours par semaine x 51 semaines par an – la 52ème pouvant correspondre aux jours fériés)… Ca peut aussi être lié à des difficultés pour se faire remplacer (évidemment on n’est pas ouvert 254 jours par an, la moyenne est à 227 jours d’après la CNAM, le reste est donc fluctuant selon l’offre des remplaçants – déjà occupés vu que la démographie médicale baisse pour rappel).

Mais donc ce qui est magnifique, c’est que l’Assurance Maladie lie ça… aux assistants médicaux !!! J’en ai vu des foutages de gueule dans ma vie, mais là on touche au sublime. J’imagine que chez les MG qui ont une patientèle de 1900, c’est l’assistant médical qui les relaie seul au cabinet 10 jours par an du coup ^^

Est-ce que l’embauche d’un assistant médical permet d’augmenter l’accès aux soins ? Non, il a même été associé à une réduction du nombre de jours d’ouverture, en particulier chez les +60 ans… ce qui n’est qu’un artéfact de la moyenne avec quelques pré-retraite / association / retraite / difficultés de trouver un remplaçant. Il faut une malhonnêteté en titane renforcé pour présenter ça comme un « impact positif » des assistants médicaux : cette malhonnêteté, Thomas Fatôme la porte en justaucorps.

Quand l’Assurance Maladie présente une diminution de nombre de jours d’ouverture des cabinets médicaux comme un progrès pour l’accès aux soins qu’on doit aux assistants médicaux, c’est que la conclusion est écrite avant les résultats, pour répondre à l’idéologie macroniste « un assistant pour chaque MG ».

Les vrais résultats de cette expérimentation sur 305 MG sont les suivants :

  • la CNAM a dépensé environ 20 000€ par assistant par an et signé 4000 contrats, soit 80 millions d’euros par an
  • au mieux, en faisant abstraction des biais (les MG concernés sont ceux qui se sont engagés – parce qu’ils le pouvaient – à augmenter leur file active ou leur patientèle), ça a permis d’augmenter la file active de 51 patients par an, soit 4 par mois.
  • ce qui prouve bien que les MG sont déjà très efficients.

Si demain, d’un coup de baguette magique législative on remplaçait les arrêts de travail < 3 jours par des auto-déclarations sur le modèle vécu pendant la COVID :

  • la CNAM gagnerait à la louche (car les données n’existent pas) 1 consultation par jour par MG, soit en comptant très bas 200 millions d’euros par an
  • cela libérerait 250 créneaux par an par médecin ; et ça ne toucherait pas que ceux qui s’engagent à augmenter leur file active mais bien tous les MG, y compris ceux qui sont sous l’eau
  • ce qui prouve bien que la CNAM n’est vraiment pas efficiente, que le MEDEF a bien trop d’importance dans les décisions politiques, et qu’aucun élu dans ce pays – de quelque parti que ce soit – ne fait suffisamment confiance dans les salariés pour soutenir ce projet pourtant évident…

Néanmoins, pour conclure ce (long) billet par une note positive : les assistants médicaux peuvent être utiles aux MG pour réduire leur temps de travail invisible (comptabilité, gestion du cabinet…). Je sais un peu de quoi je parle quant aux attentes des MG, j’ai publié un article sur leurs préférences quant à la délégation de tâches aux assistants médicaux en 2018 (avant l’avènement de Doctolib et consorts avec le COVID, qui a simplifié les tâches de prises de RDV). Plutôt que bidonner et survendre des chiffres comme l’a fait Thomas Fatôme, il aurait été plus malin d’interroger médecins et patients sur l’apport concret des assistants médicaux à leur fonctionnement.
Pour l’heure, c’est surtout une façon d’avoir un secrétariat financé en partie par la CNAM.
Les assistants médicaux pourraient éventuellement améliorer la qualité des soins, par exemple en augmentant le taux de réalisation de quelques actes techniques tels que les ECG, IPS, spirométries… mais je doute que ça soit fréquemment fait. C’est aussi une façon de les « rendre rentable » et diminuer notre efficience pour gagner plus (exemple : consultation J0, ECG J1 par l’assistant, interprétation et explications J2 par le médecin… ça évite de faire consult avec ECG à J0 comme c’est le cas actuellement, beaucoup trop efficient !)

Enfin, rappelons que quand on projette de financer à hauteur de 15 000€ avec l’argent des assurés des assistants médicaux dans tout le pays, le minimum serait de rendre mieux accessibles les données (anonymisées) concernant les 305 MG…

(EDIT du 2 avril : j’ai modifié le titre « plus menteur, tu meurs » en « des erreurs d’interprétation aux fakenews » parce que lors que je lui ai évoqué ces problèmes au CMGF, il semblait découvrir de bonne foi que c’est faux. Il ne semblait pas ouvert à modifier son propos — qui deviendra alors un mensonge volontaire ou une absence de remise en question…)

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Est-ce que les médecins laissent 600 000 patients en ALD sans suivi ?

Dans ses voeux aux soignants prononcés le 6 janvier 2023 (que j’ai commentés ici), le Président Emmanuel Macron a dit ceci :
« Pourquoi on a aujourd’hui 6 millions de nos compatriotes qui n’ont pas de médecin traitant ?
Alors, pour les plus jeunes, pour certains, c’est un choix.
Mais la vraie difficulté dans ce chiffre, c’est qu’on a 600 000 patients avec des maladies chroniques qui n’ont pas de médecin traitant.
Et ça, c’est un vrai problème parce que c’est une perte de chance, parce que ce sont beaucoup d’entre eux que vous allez retrouver après dans des situations plus graves dans vos services (…)
Aujourd’hui, ce qu’il y a, c’est que vous avez des gens en situation de maladies chroniques, qui ont des infections (sic) de longue durée, qui sont dans des territoires qui n’ont pas accès à un médecin qui du coup, compte tenu des rigidités de notre système, ne peuvent même pas se faire renouveler une ordonnance auprès de l’infirmier ou de l’infirmière ou auprès du pharmacien.
Ça, c’est absurde et on n’a pas le droit de le faire. On doit sortir de ce face-à-face. Donc on doit dire, il y aura toujours des médecins référents, généralistes et spécialistes dans ces coalitions d’acteurs de territoires. C’est à eux de s’organiser pour trouver le temps (…)
Concrètement, quand on n’a pas de médecin traitant ou quand celui-ci n’est pas disponible, un patient qui, en cherche un avec urgence, doit pouvoir appeler le 15. Et en fonction de son état de santé, il sera orienté soit aux urgences, soit vers un médecin identifié par ce service. Les appels ont beaucoup augmenté vers, justement, ces fameux SAS, ces services d’accès aux soins.« 

Très franchement, il n’y a rien qui va dans tout ça… (et encore, je vous fais un Reader’s Digest là… pour ceux qui ont envie de se faire du mal, n’hésitez pas à aller lire cette partie dans le premier lien de l’article, ou lire le bloc à la fin).

Faisons un rapide survol phrase par phrase :

« Pour les plus jeunes, pour certains, c’est un choix (de ne pas avoir de médecin traitant) » : pardon, mais qui ? Je n’ai JAMAIS entendu une personne qui souhaite NE PAS avoir de médecin traitant, sous prétexte qu’elle est jeune… C’est éventuellement une absence de besoin (médecin parti en retraite ou déménagement, et pas de besoin de santé ressenti, donc pas de recherche de médecin traitant) mais pas un choix de ne pas avoir de médecin traitant… Les mots ont un sens, dans un discours présidentiel qui a normalement été réécrit et relu plusieurs fois.

« On a aujourd’hui 6 millions de personnes sans médecin traitant dont 600 000 patients avec des maladies chroniques qui n’ont pas de médecin traitant ».

D’où viennent ces chiffres ? Apparemment, ce sont les données de Marguerite Cazeneuve (directrice déléguée de l’Assurance Maladie et conseillère d’Emmanuel Macron)… en date du 30 juin 2021. Donc soit les chiffres n’ont pas évolué en 1 an 1/2 malgré la baisse de démographie médicale, soit ils n’ont pas réactualisé pour les voeux du Président de la République pour les soignants (qui basse une stratégie nationale sur des chiffres datés de 18 mois ?! Franchement, la CNAM se moque d’Emmanuel Macron…)

Par ailleurs, il est certain que ces chiffres masquent énormément de choses :

  1. le turn-over des départs en retraite.
    • Comme dit dans l’autre billet, il y a environ 60 000 MG en exercice libéral en France (et non pas 100 000 comme le dit le PR – qui a intégré dedans les MG qui exercent à l’hôpital ou ailleurs — ouais, je sais, normalement réécrit et relu plusieurs fois…). Et même parmi les 60 000, il y en a qui ne font pas ou peu de suivi (médecins généralistes qui se sont orientés vers l’allergologie ou la médecine vasculaire pour tout ou partie de leur activité, par exemple).
    • En utilisant les chiffres de la DREES, il y avait 64 142 MG en exercice libéral exclusif en 2012, 63 059 en 2013 (…) et 57 033 en 2022… soit en moyenne 700 MG libéral en moins par an (ce qui est cohérent avec la perte de 800 MG par an selon les prévisions du CNOM 2018).
    • Selon l’Assurance Maladie, il y a environ 10 millions de personnes en ALD en France (11,4 millions en 2019 mais certains peuvent cumuler plusieurs ALD). Pour 60 000 MG en exercice, cela représenterait donc environ 170 patients en ALD par médecin… il est toutefois probable que ce nombre soit un peu sous-estimé pour les raisons sus-évoquées (à titre personnel, j’en ai 432 en ALD – 341 en ALD vs 905 sans ALD chez les 7-79 ans, et 91 en ALD vs 18 sans ALD chez les octagénaires et plus, sur 1400 patients). Enfin, un médecin généraliste qui part en retraite est a priori un médecin ayant plutôt une patientèle élevée avec un nombre plus important d’ALD…
    • Partons donc sur 200 patients en ALD par MG libéral en fin de carrière (estimation basse à mon sens) x 700 MG libéral en moins par an, soit 140 000 nouveaux patients en ALD sans MT par an.
    • Et même dans une zone où un accès aux MG est faisable, il est normal pour un patient en ALD d’attendre la fin de son ordonnance (3 ou 6 mois) avant de consulter, et il est aussi possible que le MG et le patient ne décident pas de faire la déclaration à la fin de la première consultation, mais à la 2ème (pas mon cas, mais j’ai des confrères qui font ça)… bref, quand on fait un état des lieux transversal, il y a dedans des patients qui ont déjà trouvé un nouveau médecin…
    • … et vous savez qui pourrait déterminer avec précision le nombre de patients laissés sur le carreau chaque année en raison du départ en retraite de leur médecin, et le taux de patients qui retrouvent un médecin (avec le délai) ? La CNAM.
  2. les patients suivis mais pour qui la déclaration n’a pas été faite.
    • parce que le MG n’est pas ou peu informatisé (et que les déclarations papiers ont tendance à se perdre ou n’être jamais envoyées)
    • parce que son logiciel n’indique pas facilement qui est le médecin traitant…
    • parce que la déclaration a été faite… mais a sauté (au cours d’un déménagement, d’un changement de caisse ou autre)
    • … le nombre est dur à estimer, mais pour avoir déjà eu des cas localement, il n’est pas à 0… et avec 60 000 MG en exercice, il suffit d’un oubli par MG en moyenne pour que ça représente tout de suite des nombres conséquents…
    • Vous savez qui pourrait déterminer avec précision ce nombre (et poser un bon diagnostic) ? La CNAM, en identifiant les médecins qui ont reçu de façon exclusive plusieurs fois par an les 2 dernières années les patients identifiés sans médecin traitant.
    • Comme les médecins bénéficient d’un forfait « patientèle médecin traitant », et que les patients sont moins bien remboursés en cas d’absence de médecin traitant, il n’y a pas trop d’intérêt pour l’Assurance Maladie à relancer de cette façon. (Néanmoins, l’Assurance Maladie envoie normalement des courriers aux patients sans médecin traitant, pour les inciter à en déclarer un).
    • Prenons un territoire de 50 000 habitants, avec 50 MG. C’est ma CPTS. Il y a 900 patients sans médecin traitant. Il suffit d’1 seul MG sur 50 non informatisé qui se fiche de déclarer en MT et a 500 patients déclarés mais 1000 suivis pour expliquer la moitié du nombre… Et avant de dire que c’est impossible, rappelons que 11 % des MG n’utilisaient pas de dossier médical informatisé selon la DREES en 2019 (3 % chez les < 50 ans, 21 % chez les > 60 ans)
  3. les patients en EHPAD
    • environ 30 % des EHPAD sont à budget global : c’est-à-dire que les MG sont payés par l’EHPAD et n’ont jamais accès à la carte vitale de leurs résidents. Dans ce cadre, les déclarations de médecin traitant sont non faites, ou faites par papier et envoyées à la caisse primaire (on ne peut pas adresser simplement à celle du coin : parfois c’est un patient affilié à la SNCF, à la MSA ou ailleurs… bref, de multiples occasions de perdre le papier)
    • On a donc un pseudo-problème : des résidents en EHPAD, suivis au quotidien par des professionnels de santé, sous l’égide d’un médecin coordinateur, potentiellement suivis en plus par un médecin généraliste…. mais qui, pour des raisons purement administratives, se retrouvent « sans médecin traitant » (je viens de passer en EHPAD cette semaine : sur 60 patients, 23 étaient sans médecin traitant officiellement, suivis par le médecin coordinateur…)
    • Il y avait, en 2015 selon la DREES, 730 000 patients accueillis dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées. Combien parmi eux sont concernés par ce pseudo-problème ?
    • Il y a aussi 32 790 patients accueillis en unité de long séjour. Ce serait intéressant de savoir combien parmi eux sont « sans médecin traitant » sur leur carte vitale… alors qu’ils sont suivis comme dans un service hospitalier (et qu’il n’est d’ailleurs pas possible d’avoir un médecin généraliste qui y intervient de l’extérieur).
    • … Savez-vous qui pourrait identifier les patients en EHPAD parmi la liste des patients « en ALD sans médecin traitant » ? Oui, la CNAM… Et on pourrait aussi imaginer que les médecins coordinateurs qui font ce suivi de patients puissent bénéficier d’une revalorisation d’ailleurs.
  4. de façon plus anecdotique sûrement, des patients en ALD qui permettent de ne pas avoir de médecin généraliste traitant :
    • patients hospitalisés longtemps dont le MG est parti en retraite (soins de suite et réadaptation, etc.)
    • patients qui ont un suivi rapprochés (patients hémodialysés – environ 50 000 en France -, suivis à l’hôpital tous les 2 jours et qui voient régulièrement leur néphrologue qui renouvelle tout le traitement)
    • patients en ALD qui ont une ordonnance longue pour 1 an (hémochromatose par exemple)
    • patients qui ont une ALD mais pas de traitement et vont consulter de façon erratique (troubles cognitifs notamment)
    • ... mais qui pourrait bien fournir le détail des ALD des patients avec et sans médecin traitant ? Oui, la CNAM !
  5. et effectivement des gens vraiment en ALD mais sans médecin traitant depuis plusieurs années, qui se font renouveler des vieilles prescriptions comme ils peuvent, appellent le 15 quand ils n’ont pas le choix, etc. Ca existe aussi bien sûr et c’est sur ça qu’il faut se concentrer !

Et attention, JE NE DIS PAS QU’IL N’Y A PAS 600 000 PATIENTS EN ALD SANS MÉDECIN TRAITANT. J’en sais rien. Je pense que les 600 000 sont surévalués pour les raisons sus-mentionnées… MAIS en parallèle, il y a aussi un large sous-diagnostic de beaucoup de pathologies. Par exemple, il y a 368 800 patients en ALD15 (maladie d’Alzheimer et autres démences) alors que 1,2 millions de patients seraient concernés, soit un ratio de 1/3 déclaré en ALD (non-diagnostic par le médecin et le patient, diagnostic par le médecin mais patient réticent à faire des tests ou anosognosique, diagnostic par le médecin et le patient mais pas de déclaration car non souhaité par le patient ou patient déjà en ALD pour une autre cause et absence d’intérêt concret pour la déclaration…).

Et un autre truc subtil : on a des patients en ALD avec médecin traitant déclaré… mais qui n’ont pas vraiment de médecin traitant ! C’est le cas notamment en EHPAD, où les patients arrivent, les médecins ne poursuivent plus leur suivi MAIS restent déclarés sur la carte parce que le médecin coordinateur ne fait pas de déclaration.

En tout cas, pour moi, il y a déjà un gros problème de diagnostic et la CNAM a fourni au Président de la République des données datées de 18 mois, sans aucune précision, pour fonder sa stratégie nationale d’accès aux soins. (J’imagine que ce sont les mêmes qui lui ont vendu que le SAS était un grand succès « qui a permis de tenir cet été » alors que ça a représenté 21 000 actes sur 30 millions – soit 0,07 % des actes – en juillet-août 2022).

Le problème, c’est qu’après, il faut trouver des solutions sur ce « diagnostic », dont on ignore tout de la qualité
Concrètement, dans la CPTS où j’exerce, nous avons selon la CPAM 900 patients en ALD sans médecin traitant, sur 9000 ALD (environ 10 % d’ALD sans MT contre 6% au niveau national), sur un bassin de 50 000 habitants (soit 18 % d’ALD contre 10 % au niveau national, parce que milieu défavorisé avec grosses prévalences de cancers, pathologies liées à tabac et alcool notamment). Et là dessus, il faut « réduire » le nombre pour satisfaire l’ARS. OK. Sauf que nous sommes plusieurs à accepter encore les nouveaux patients, qu’il y a même des nouveaux installés… et surtout, ni les infirmiers, ni les pharmaciens n’ont connaissance de patients en ALD qui n’arriveraient pas (durablement) à trouver de MG sur notre territoire (même quand c’est compliqué, ça se résout en quelques appels…).

Garbage in, garbage out…

Je poursuis brièvement pour la fin de l’analyse de ces paragraphes du discours : « Et ça, c’est un vrai problème parce que c’est une perte de chance, parce que ce sont beaucoup d’entre eux que vous allez retrouver après dans des situations plus graves dans vos services (…) »

Il y a un côté « c’est grave parce que ça surcharge les hôpitaux », comme si l’absence de médecin généraliste n’était pas un problème suffisant en lui-même… Même quand ça parle de la ville, il faut que tout soit ramené à la ville (à l’inverse, quand on parle de l’hôpital, la seule pensée pour la ville n’est pas « ohlala ça va faire des patients complexes à suivre » mais « les généralistes ont des droits et des devoirs, ils doivent prendre leur part »).

« Aujourd’hui, ce qu’il y a, c’est que vous avez des gens en situation de maladies chroniques, qui ont des infections (sic) de longue durée »

Oui, c’est le COVID long, et c’est lié à votre politique de prévention complètement nulle, mais on en a déjà suffisamment parlé.

Les fameuses « infections de longue durée » : c’est ballot de ne pas corriger 19 jours après… personne ne lit en fait ?

« (…) qui sont dans des territoires qui n’ont pas accès à un médecin qui du coup, compte tenu des rigidités de notre système, ne peuvent même pas se faire renouveler une ordonnance auprès de l’infirmier ou de l’infirmière ou auprès du pharmacien.« 

OK, délégation de tâches, IPA, tout ça… C’est effectivement une des pistes, mais comme dit après, ça ne permet pas de se dispenser de médecins…

« Ça, c’est absurde et on n’a pas le droit de le faire. On doit sortir de ce face-à-face. Donc on doit dire, il y aura toujours des médecins référents, généralistes et spécialistes dans ces coalitions d’acteurs de territoires. C’est à eux de s’organiser pour trouver le temps (…)
Concrètement, quand on n’a pas de médecin traitant ou quand celui-ci n’est pas disponible, un patient qui, en cherche un avec urgence, doit pouvoir appeler le 15. Et en fonction de son état de santé, il sera orienté soit aux urgences, soit vers un médecin identifié par ce service. »

C’est le pompon sur la cerise là, l’apothéose de gloubi-boulga pour dire « oh bah merde, il manque de médecins généralistes ». Ca va de « c’est aux médecins de trouver du temps » à « quand le médecin n’est pas disponible, il faut que le patient appelle le 15 qui va trouver un médecin disponible ». Super, merci.

Vous voulez qu’on s’organise pour trouver du temps ? Virez-nous ce qui est inutile, et ça tombe bien, on n’arrête pas d’en parler en médecine générale : dans cette tribune de 2022, dans cette tribune de 2023, et si vous voulez, je vous trouve plus vieux encore

Encore faudrait-il prêter un peu l’oreille à ceux qui ont une expérience des soins de ville, plutôt que n’avoir d’ouïe que pour des gens qui vous filent des données imprécises vieilles de 18 mois qui vont faire suer toutes les CPTS du pays pour résoudre un problème qui est purement administratif (utiliser du temps médical à résoudre ces conneries de la CNAM… c’est utiliser du temps à ne pas accepter de nouveaux patients).

Oh, et bonus track : je disais que nous perdons 800 médecins généralistes en moyenne par an, selon les chiffres de la DREES et les projections du CNOM en 2018. C’est à mon sens un pôle important pour expliquer le nombre de patients en ALD laissés sur le carreau. Mais en novembre 2026, on aura une promotion entière (4000 internes de médecine générale) qui ne sortiront pas de leurs études pour s’installer ou remplacer, mais seront les premiers à entamer une 4ème année d’internat où, a priori, ils ne pourront pas accepter de nouveaux patients en ALD n’ayant plus de médecin traitant.

Projection du CNOM en 2018. Tout va bien, la population vieillit en parallèle, mais tout va bien.

TL;DR : je n’en sais rien ! Il y a une sous-déclaration des affections longue durée… et une sous-déclaration des déclarations en tant que médecin traitant (oubli, patients en EHPAD, transition après un départ en retraite…).
Quoiqu’il en soit, les chiffres sont datés de juin 2021, n’ont pas été réactualisés, et manquent cruellement de précision pour essayer de les comprendre au niveau national.
C’est sur la base de ce diagnostic imprécis (et daté de juin 2021) que la politique nationale se décide quand même, avec notamment une obligation pour les professionnels de santé sur les territoires, via les CPTS, de comprendre et résoudre ce problème localement… alors qu’il pourrait être résolu en grande partie au niveau national par la CNAM.

Les CPTS n’ayant pas vocation à être des escape game, il serait de bon ton que toutes les caisses (ou la CNAM) puissent fournir régulièrement aux professionnels de santé de leurs territoires les réponses à ces questions – qui ne sont pas publiquement disponibles – : parmi les patients en ALD sans médecin traitant sur le territoire X :

  • quel est le nombre de patients laissés sur le carreau chaque année en raison du départ en retraite de leur médecin, et le taux de patients qui retrouvent un médecin (avec le délai) ?
  • existe-t-il des patients suivis régulièrement (> 2 fois par an) par le même médecin généraliste pour leur pathologie en ALD, sur les 2 dernières années ? Si oui, est-ce que la non-déclaration est un choix ou un oubli du MG et/ou du patient ?
  • combien sont en EHPAD, en résidence autonomie, en unité de long séjour, où il y a a priori un suivi médical et paramédical rapproché ?
  • existe-t-il certaines ALD plus concernées que les autres par l’absence de médecin traitant déclaré (hémodialyse, troubles cognitifs…) ?
  • … et bien sûr des informations sur les tranches d’âge, le sexe, les villes et les professionnels de santé consultés par ces patients (infirmiers, pharmaciens, etc.) qui pourraient les aider à les orienter.

Ca me semble la base que devrait réclamer la commission « accès aux soins » de chaque CPTS à leur(s) CPAM, à défaut d’une action de la CNAM.

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Affiche pour salle d’attente à propos des masques en lieux clos après le 14 mars 2022

Pourquoi cette fiche ?

Le masque ne sera plus obligatoire dans les lieux clos à partir du 14 mars 2022. C’est une décision dont vous connaissez probablement mon avis, sinon il est disponible ici ou dans ce fil Twitter :

(En résumé : une décision de merde, histoire de couper l’herbe sous le pied de la plupart des autres candidats qui avaient tout misé sur « on va retirer le masque et le pass » et n’ont ainsi plus aucune idée à proposer sur la pandémie, parce que dire « on va remettre le masque » n’est pas assez populaire à leur goût).

Donc, pour informer les patients, je mettrai la fiche suivante en salle d’attente à partir de lundi. Il y a 1 page simple et 5 pages de questions/réponses fréquentes.

La fiche en question

Vous pouvez la télécharger au format DOCX ci-dessous (et la modifier, en faire ce que vous voulez).

Le contenu est reproduit ci-dessous :

A propos du masque en lieu clos

Au 14 mars 2022, le masque reste obligatoire dans les cabinets médicaux, en pharmacie et dans tous les établissements de santé (et les transports en commun).

En pratique, je vous recommande fortement de le conserver dans tous les lieux clos où il peut l’être (commerces, administrations, bureaux, travail…)

Le port du masque chirurgical (sur la bouche et le nez) en lieux clos est un geste altruiste qui nous permet de protéger les gens fragiles, immunodéprimés ou non vaccinés dans ce contexte de pandémie.

Limiter les contaminations par le port du masque en lieux clos, c’est aussi limiter les symptômes prolongés (fatigue, essoufflement, etc.), l’absentéisme à l’école ou au travail, la surcharge du système de santé en ville et à l’hôpital et les dépenses sociétales sur la pandémie.

En raison des messages divers (et parfois contraires) entendus sur la pandémie, je vous apporte quelques informations avec des sources que vous pouvez vérifier.

N’hésitez pas en cas de questions.

Réponse aux questions fréquentes sur la COVID-19

Est-ce que la pandémie est finie ?

Non.

Est-ce que l’épidémie régresse / progresse actuellement ?

QR Code vers le site du gouvernement (courbe de R)

Sur cette courbe, l’épidémie régresse si le taux de reproduction est inférieur à 1 (1 personne en infecte 0 à 1 en moyenne) et elle progresse si le taux est supérieur à 1.

Attention, ce taux veut rapidement fluctuer : par exemple, il a été au plus bas le 21 juin 2021 (0,54) avant de refranchir le seuil de 1 le 2 juillet 2021…

Combien y a t-il de cas / d’hospitalisations / de décès liés au COVID-19 actuellement en France ?

Vous pouvez par exemple retrouver ces données sur :

  • l’appli AntiCovid (section Infos > Autres chiffres clés > Epidémio)
  • ou en tapant « Covid France » sur Google (exemple page suivante)
  • ou sur le site du gouvernement
  • ou sur OurWorldInData (pour comparer entre pays)
QR Code du site du gouvernement
QR Code de OurWorldInData

Que signifie un taux d’incidence à 300 (par exemple) ?

Cela signifie : 300 personnes sur 100 000 ont été testées positif sur les 7 derniers jours (soit 3 personnes sur 1000).

En considérant une population de 70 millions d’habitants en France, cela représente donc environ 30 000 personnes positifs chaque jour (soit 4 patients positifs par semaine pour chacun des 50 000 médecins généralistes du pays).

Sur une population de 14 000 habitants (Outreau), un taux d’incidence à 300 implique donc 42 personnes positives sur les 7 derniers jours.

Au Danemark, ils ont tout retiré, et ça se passe bien, non ?

Non.

Malgré un taux de vaccination plus élevé qu’en France, la levée du masque les mène à leur plus fort taux de mortalité par COVID-19 depuis le début de la pandémie.

Est-ce qu’avec Omicron, c’est un rhume ou une grippe ?

Non.

Omicron est aussi virulent que la souche de mars 2020. Il est moins virulent que le variant delta.

En janvier-février 2022, la COVID-19 a tué 14 000 personnes, malgré les précautions (masque, incitation au télétravail, vaccination).

Sans ces précautions dans les années 2010-2019, la grippe tuait en moyenne 9 000 personnes par an selon Santé Publique France (en moyenne en France, 1 650 personnes décèdent chaque jour de toute cause, soit 600 000 par an).

Par ailleurs, la grippe est saisonnière (novembre à mars) ; pour la COVID-19, nous avons vécu des vagues de décès en mars-mai 2020 (30 000 décès), octobre 2020-juin 2021 (80 000 décès), novembre 2021 à mars 2022 (22 000 décès – en cours).

3 grandes vagues de décès liés à la COVID-19 depuis mars 2020

Est-ce que la vaccination est efficace ?

Le vaccin est très efficace pour diminuer les formes graves, et donc pour éviter le confinement de la population.

Début 2021, environ 15 000 cas par jour entraînaient 300 décès par jour. Grâce à la vaccination, ce nombre de 300 décès n’a plus été atteint qu’avec 300 000 cas par jour début 2022 (20 fois plus).

La majorité de la population est vaccinée : 93 % des adultes (ou 78 % de la population en comptant les enfants).

Pour illustrer l’efficacité, vous pouvez aller sur l’appli AntiCovid > section Infos > Autres chiffres clés > Vaccination > Comparer. Exemple de graphiques :

Le vaccin 2 doses réduit environ de 90 % les formes graves (courbe rouge à gauche) et le rappel augmente l’efficacité (courbe rouge à droite)

Est-ce que le vaccin diminue les contaminations ?

Oui. Il réduit d’environ 30-40 % le risque d’être positif et le risque de contaminer ensuite.

Les courbes rouges précédentes montraient l’efficacité sur les formes graves, mais vous pouvez également tester sur l’appli avec les tests positifs.

Est-ce qu’il y aura une 4ème dose ?

Probablement non pour les vaccins actuels, mais possiblement oui pour d’autres vaccins à venir…

La 3ème dose semble apporter une réponse immunitaire importante et durable. Des vaccins plus spécifiques sur certains variants devraient être commercialisés en 2022 et seront sans doute recommandés.

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Actes gratuits : bilan de janvier 2022

Mi-octobre, j’ai écrit une tribune sur « comment redonner du temps médical aux médecins » (c’était des idées déjà développées en partie dans ce billet de juillet 2020). Elle a été publiée début janvier 2022 dans le Figaro (pour les abonnés) et vous pouvez la lire ici en entier, sous forme de fil Twitter à dérouler.

Cette tribune rappelle que nous sommes en situation de pénurie de temps médical, et propose des alternatives au classique, démagogique, populiste et inutile « y’a qu’à obliger les médecins à venir dans les déserts » (parce qu’il est impossible de forcer des gens à faire ce qu’ils ne veulent pas, alors qu’ils croulent sous les offres d’emploi à côté…)

Parmi les 10 idées évoquées, il y a surtout la notion de ne plus utiliser les médecins généralistes comme des contrôleurs (que les patients ne fraudent pas avec les congés enfants malades ou leurs assurances, que les pharmaciens ne fraudent pas en prescrivant des substituts nicotiniques, que les infirmiers ne fraudent pas en cotant des toilettes chez des personnes âgées dépendantes, que les kinésithérapeutes ne fraudent pas, que les ambulanciers ne fraudent pas, etc.)

Afin d’illustrer les propos de ma tribune, j’ai souhaité fournir des chiffres. Pour ça, depuis le 1er janvier 2022, je tiens un tableur de ce que j’appelle des « actes gratuits ».

Définition et précisions.

J’entends par « acte gratuit » les demandes par téléphone, sms, mail de patients (ou collègues de travail) nécessitant un avis médical, une ordonnance, un document administratif, etc. et ne relevant donc pas de la compétence seule d’une secrétaire (hors formation spécifique).

Détaillons les deux termes : « actes », puis « gratuits ».

Les vrais « actes gratuits » nécessitant normalement une consultation — mais l’avènement de la téléconsultation et surtout le remboursement des téléconsultations téléphoniques quelques mois en 2020 ont un peu reposé la question de « qu’est-ce qu’une consultation / un acte ? »

Malgré ce terme de « gratuit » dans cette appellation, j’insiste sur le fait qu’il n’y a aucune réclamation financière dans la tribune sus-mentionnée et dans ce billet de blog (et dans le blog ou dans ma tête en fait…). Il s’agit d’améliorer la qualité de travail, de redonner du temps aux médecins pour qu’ils puissent faciliter l’accès aux soins de leurs patients et leur éviter une surcharge mentale permanente (et souvent inutile).

Par souci de transparence, rappelons (ou apprenons) que chaque patient dont nous sommes « médecin traitant » nous « rapporte » de l’argent chaque année, à travers le « forfait patientèle médecin traitant ».

Par exemple avec ma répartition des 1400 patients décrite plus loin, cela implique un « forfait patientèle médecin traitant » de 26 000€ (super-bruts) par an, qu’on peut considérer comme une groooosse rémunération des « actes gratuits ». Je répète donc qu’il ne s’agit nullement de réclamation financière pour ma part mais de pouvoir regagner du temps.

Forces de cette analyse.

C’est un sujet important, parce que la pénurie de médecins va encore s’aggraver et tout ce qui occupe les soignants limite l’accès aux soins (quand on crée des CPTS, qu’on fait des projets, ça peut avoir une vertu positive à long terme — et c’est pourquoi on le fait — mais à court terme, c’est du temps qui n’est pas utilisé pour soigner…)

De plus, il n’y a pas de données dessus à ma connaissance, et évidemment ce sont des informations qui n’existent pas pour l’Assurance Maladie et encore moins pour les parlementaires (députés et sénateurs) prompts à dire « yakadéplacélémédecin » sans comprendre qu’ils ont de multiples leviers d’action à disposition mais qui leur demanderait un peu plus de travail que recopier des conversations de bistro en faisant passer ça pour un « rapport ».

Je cote autant que possible au fil de l’eau ou le soir, limitant les biais de mémorisation.

Je suis mon propre secrétaire : je prends tous les appels ou messages vocaux laissés par les patients (à de rares exceptions où j’ai un télésecrétariat mais par exemple, pas utilisé en janvier). En pratique, lorsque j’ai le télésecrétariat actif, j’ai l’impression autant de « notes » correspondant à ces « actes gratuits ». Il n’y a donc que moi qui classe en « acte gratuit », donc a priori pas d’erreur de « codage » malgré une notion un peu floue comme on le verra au paragraphe suivant.

Limites de cette analyse.

Il s’agit d’un avis personnel sur ma situation, avec mon exercice, en 2022. Janvier a été un mois EXCEPTIONNEL, notamment en raison d’une circulation très importante du SARS-CoV-2 (en raison d’une inaction du gouvernement de patates qui est le nôtre).

Je travaille dans une ville indice 5/5 de « défavorisation » (EDI) ; en pratique, c’est la 167ème ville métropolitaine de +1000 hab la plus pauvre de France, limitrophe de Boulogne-sur-mer, 15ème du classement.

Mon exercice a aussi beaucoup changé à cause de la pandémie : par exemple il y a 2 ans, très peu de patients avaient mon adresse mail, mais la nécessité de communiquer rapidement des informations claires aux patients a impliqué que tout le monde l’a désormais… Globalement, ça a bien altéré « l’éducation à la santé » des patients, qui ont aussi découvert qu’on pouvait faire du dégradé (appels téléphoniques, téléconsultations, mails en pharmacie…) et ce n’est pas si simple pour les 1440 patients de s’en défaire totalement…

Enfin, « avis gratuit » n’est pas très codifié. Il y a une zone grise entre la simple demande de RDV et la demande complète d’un avis sans RDV… En effet, il peut s’agir :

  • d’une demande de RDV et d’avis concomitant,
  • d’une demande d’avis qui se transforme en RDV
  • d’une demande de RDV qui se transforme en avis…

Mais comme dit plus haut, je réponds tout le temps, et donc il y a une homogénéité dans ma classification.

J’ai coté aussi en « acte gratuit » 2 appels de confrères… mais finalement, la classification des courriers (et bilans biologiques) pourrait aussi entrer dans ce cadre, ou les appels des laboratoires d’analyse… La différence que j’ai retenu est que je cote les « actes gratuits » qui sont donc une démarche « active » d’un patient, et pas la réception « passive » d’un bilan, indépendante de la volonté du patient. Idéalement, il faudrait donc compter toutes les demandes, en consultation et hors consultation (« acte gratuit ») pour mieux apprécier, mais c’est trop de travail… J’insiste un peu là-dessus aussi : je ne fais pas une cartographie de notre exercice, je dessine juste une petite partie inconnue de l’iceberg de notre activité.

De la même façon, il va de soi qu’un patient en consultation qui demanderait une prescription médicale de transport par exemple n’est pas considérée comme un « acte gratuit » — toutefois, supprimer ces aberrations administratives permettrait aussi de redonner du temps médical pour des sujets plus intéressants au sein même des consultations.

Une autre solution (non retenue) aurait été de ne parler que des « ordonnances sans consultation » (par opposition aux consultations sans ordonnance), mais c’était se défaire des nombreux avis médicaux, notamment sur les conduites à tenir en cas de COVID-19 (finalement des « avis sans consultation et sans ordonnance »).

Enfin, ces « actes gratuits » ne sont pas l’alpha et l’omega : réduire les consultations par une meilleure « pédagogie à la santé » (via des enseignements scolaires, des émissions en prime time…), et les « sur-soins » doit aussi être un axe important pour améliorer l’accès aux soins, mais on ne va peut-être pas réinventer la médecine générale française dans un billet de blog.

Disons qu’il s’agit d’un « travail préliminaire », une « preuve de concept » ou tout ce que vous voudrez pour dire que c’est pas top, mais ça a le mérite d’exister.

Mode d’exercice et patientèle.

Je travaille en solo, les lundi, mardi, jeudi et vendredi (fermé mercredi, samedi et dimanche donc).

Dans ma patientèle, créée progressivement à partir de mars 2015, j’ai environ 1440 patients : environ 230 mineurs, 180 de 18 à 29 ans, 150 trentenaires, 180 quarantenaires, 180 quinquagénaires, 230 sexagénaires, 180 septuagénaires et 110 octagénaires et plus…

Ma répartition est plus précise que ce que donne la CPAM… qui a permis d’estimer plus haut le forfait patientèle médecin traitant

En janvier, j’ai été absent du 1er au 9 (vacances en décalé) et en préparation de congrès le vendredi 28 janvier. Au 30 janvier (date de début de rédaction de ce billet), j’ai donc travaillé 11 jours, à raison de 9-10h par jour en moyenne.

Au total, il y a eu 551 actes réalisés, dont :

  • 35 vaccinations à 9,60€ (rappel de vaccin seul sans consultation – j’ai davantage vacciné, mais les vaccinations pendant la consultation normale sont à 25€…) ;
  • environ 144 actes réalisés par mon interne en SAPSAS (6 jours x 24 consultations) (notons que bien sûr, ces consultations sont débriefées, et ces 6 jours travaillés représentent donc environ 5h de débriefing).

Cela m’amène à une moyenne de 34 actes (consultation, visite ou acte technique) et 3 rappel vaccinal par jour travaillé, sur 9-10h de travail par jour.

« Il suffit de… »

Je sais qu’il peut être tentant de trouver des pistes pour changer mon mode d’exercice, mais ça n’est pas du tout le sujet de ce billet ^^ Il y a des raisons personnelles, familiales, professionnelles à cette organisation.

Je réponds juste à 3 questions :

  • pourquoi ne pas ouvrir le mercredi ou le samedi ? Parce qu’il est facile d’ouvrir, mais difficile de fermer ensuite. Parce que c’est sympa de passer du temps en famille. Parce que 36-40h de travail au cabinet par semaine c’est suffisant. Parce que l’accès aux soins me préoccupe réellement, mais être en épuisement professionnel n’aidera personne. Parce qu’il faut du temps pour la comptabilité, l’auto-formation, la direction de thèse, les publications, le reviewing, l’écriture de trop longs billets de blogs, pour tweeter…
  • pourquoi ne pas prendre un secrétariat ? Parce que je redonne mes RDV de suivi à l’avance, qu’il y a Doctolib, et que je peux répondre moi-même : le temps « secrétariat » pur est au maximum de 15 minutes par jour, éparpillé toute la journée (même si on ajoute des actions comme « aller récupérer toutes les semaines les flacons de vaccins à la pharmacie », « faire du ménage », « faire la comptabilité » c’est insuffisant pour salarier quelqu’un en exercice solo). Le passage en « télésecrétariat » ne réduit pas les « actes gratuits » : ça en fait des notes à consulter en fin de journée, au lieu de les traiter au fil de l’eau toute la journée, et finalement je trouve ça plus angoissant de devoir lire les notes régulièrement sur une discussion entre patient-télésecrétaire, plutôt que la vivre au moment donné ou en écoutant un message vocal.
  • pourquoi des sms ? Je rappelle toujours depuis mon portable, et certains patients gardent mon 06 (je sais qu’on peut masquer le numéro, mais flemme de faire les manips à chaque fois quand pour rappeler je peux me contenter de cliquer sur le numéro affiché, procrastination d’avoir une double sim, etc.). C’est évidemment une minorité, mais un petit pourcentage de 1440 personnes, ça finit toujours par représenter une petite population non négligeable ! (et ça m’arrange parfois de répondre par sms, il s’agit parfois de gens que je connais hors cabinet, etc.)

Une autre information aussi, c’est que je traite rapidement les demandes « au fil de l’eau », parce que j’ai une bonne vitesse de frappe, sur clavier AZERTY, à 85 mots par minute environ (d’après 2 tests que je viens de faire ^^)…

Je m’appelle « Votre beau nom » selon Rataype !
Quasi la même selon Tap’Touche malgré des exercices peu naturels.

Je n’incite évidemment personne à choisir mon mode d’exercice. Il existe et me convient. Et quelque soit mon mode d’exercice, il y aura toujours des demandes médicalement inutiles, comme décrit dans la tribune mentionnée en haut du mail, contre lesquelles il faut lutter… Alors après cette loooongue introduction, passons à ce qui nous intéresse : les « actes gratuits » de ce mois !

Analyse des actes gratuits de janvier 2022.

Combien ?

254 actes gratuits de 2 minutes 30 secondes en moyenne (écart-type 54 secondes), avec une médiane à 2 minutes et des extrêmes à 1 et 15 minutes (une télé-expertise informelle autour d’un patient).

Ces actes ont eu lieu sur 27 jours (il n’y a que le dimanche 2, le samedi 8, le dimanche 30 janvier où j’ai eu 0 demande !) (mais c’est un mois vraiment particulier, avec un nombre de positifs COVID complètement dingue et des consignes débiles émanant d’un gouvernement absurde).

Au total, j’ai estimé ça à environ 629 minutes d’actes gratuits sur le mois, soit 21 minutes par jour (sur 30) ou 57 minutes par jour ouvré (sur 11).

Quand ?

Sur les 254 actes gratuits du mois de janvier 2022 :

  • 62 un lundi (dont 3 un lundi fermé) (154 minutes)
  • 56 un mardi (dont 2 un mardi fermé) (117 minutes)
  • 28 un mercredi (dont 28 un mercredi fermé) (70 minutes)
  • 45 un jeudi (dont 2 un jeudi fermé) (127 minutes)
  • 52 un vendredi (dont 11 un vendredi fermé) (126 minutes)
  • 7 un samedi (dont 7 un samedi fermé) (16 minutes)
  • 4 un dimanche (dont 4 un dimanche fermé) (19 minutes)

Soit 197 actes gratuits sur jour ouvré (489 minutes) et 57 sur jour fermé (140 minutes).

On peut discuter 2 points intéressants :

  • les appels du dimanche sont les plus longs en moyenne, probablement parce que ce sont des moments où les demandeurs savent que c’est fermé… et n’appellent donc que pour des problèmes plus complexes.
  • certes je peux ne rien lire/écouter et différer les « actes gratuits » du week-end, mais ce serait reporter sur le lundi, qui est déjà LA journée des actes gratuits… le mercredi semble « éponger » un peu les demandes du jeudi.

Comment ?

Sur les 254 demandes :

  • 162 appels (429 minutes)
  • 44 mails (95 minutes)
  • 25 sms (60 minutes)
  • 6 patients « accompagnant » (15 minutes)
  • 14 patients « absents » (demande pour le conjoint, fils…) (24 minutes)
  • 1 courrier (2 minutes)
  • 2 fois, c’est moi qui ai contacté (4 minutes – en vrai probablement plus, mais je n’avais pas initialement pensé à coter ça ici…)

En croisant un peu les données :

  • sur les 57 demandes de jours fermés : 25 mails (44 %), 20 appels, 10 sms, 1 patient absent, 1 accompagnant (cabinet fermé mais moi présent…)
  • sur les 197 demandes de jours ouverts : 142 appels (72 %), 19 mails, 15 sms, 13 patients absents, 5 accompagnants

Mini-conclusion : avoir l’adresse mail du médecin en fait un mode de communication pendant les jours fermés.

Qui ?

Les 254 actes gratuits émanent de 203 patient(e)s différents :

  • 163 avec 1 demande,
  • 34 avec 2 demandes,
  • 4 avec 3 demandes,
  • 0 avec 4 demandes,
  • 1 avec 5 demandes
  • 1 avec 6 demandes.

(En cas de sms, mails ou appels multiples dans la journée, je compte 1 seul et j’augmente la durée. Autrement dit, il ne peut pas y avoir plus d’un « acte gratuit » par jour par patient).

Les 254 actes gratuits concernent :

  • 166 femmes (413 minutes)
  • 88 hommes (216 minutes)

(Notez qu’il s’agit bien du sexe du patient concerné et pas du demandeur : ce n’est pas en lien avec la charge mentale plus importante des femmes dans les familles. Par exemple si une femme demandait pour son mari, c’était noté « homme » et vice-versa ; par contre on verra juste après qu’elles demandent plus que les pères pour les enfants).

Si on creuse par date, les demandes de week-end concernent plutôt des hommes :

  • Samedi : 1 femme (2 min) – 6 hommes (14 min)
  • Dimanche : 2 femmes (5 min) – 2 hommes (14 min)

Sur les 254 demandes :

  • 138 étaient le fait du patient pour lui-même (54 % seulement !),
  • 31 des demandes par le conjoint, 15 par des aidants (enfants, petits-enfants, neveu…)
  • 34 demandes de mères, 6 demandes de pères,
  • 27 des avis rapides entre professionnels de santé (1 cardiologue, 1 ophtalmologue, 2 kinés, 4 IDE d’EHPAD, 14 IDE libérales, 5 pharmacies)

Quoi ?

Parmi les 254 demandes :

  • 101 étaient un avis (305 minutes)
    • 47 pour une « conduite à tenir devant COVID-19 » (rythme des autotests, comment avoir un arrêt de travail, comment garder les enfants, etc.), soit 109 minutes
    • 43 pour un avis médical (dont 3 avec photos), soit 154 minutes
    • 3 étaient pour discuter autour d’un patient, soit 27 minutes
    • 8 étaient pour des avis divers (interprétation de bilans), soit 15 minutes
  • 2 étaient pour obtenir un duplicata perdu (3 minutes)
  • 151 étaient pour demander un document / une ordonnance (320 minutes)
    • 51 pour un médicament (108 minutes)
    • 44 pour un document administratif (98 minutes)
    • 24 pour un bilan paraclinique (53 minutes)
    • 14 pour du matériel médical (29 minutes)
    • 11 pour des renouvellements d’IDE (20 minutes)
    • 3 pour des renouvellements de kiné (6 minutes)

Sur les 254 demandes, 11 ont été refusées et 243 acceptées par ma part.

Les médicaments demandés étaient 4 fois un contraceptif (notamment ordonnances perdues ou avant RDV en urgence…), 2 fois un hypnotique (suivi chronique), 3 fois un traitement de cystite bien décrite, 1 fois le vaccin à faire, et le reste globalement des renouvellements justifiés (une ventoline, de la nerisone pour de l’eczéma, un anti-allergique…) ; il y avait aussi parfois du doliprane, du spasfon où c’est plus rapide sur du court terme d’accepter (et je rappelle que je suis dans un lieu globalement défavorisé).

Les principaux documents administratifs étaient des prescriptions médicales de transport (8 fois), 4 journées enfant malade dans un contexte COVID (jamais fait sans consultation avant ce mois où je les analyse -_-), 2 créations d’ALD, 4 Cerfa de cure thermale (discuté avant en consultation mais il manquait le lieu choisi)…

Et donc… comment améliorer ?

Je ne sais pas si je vous ai parlé de ma tribune dans le Figaro que vous pouvez lire ici ?

Sans surprise, la plupart des idées développées sont celles que je vais retranscrire ici. En pratique, voici ce qui m’aurait fait gagner au moins 10 minutes « d’actes gratuits » dans le mois :

  • Avoir des consignes plus claires sur la COVID-19 : 53 actes gratuits, soit 123 minutes (notez que ces 2h auraient majoritairement pu être réglées par un secrétariat bien formé, mais là encore, il me semble peu efficient de payer 140h de secrétariat que je passerais 1h à former pour pouvoir gagner 2h in fine)
  • Autonomisation des pharmaciens (remboursement de médicaments de premiers recours pouvant être délivrés au comptoir) : 32 actes, soit 65 minutes (on parle ici de crème dermocorticoïdes chez un patient suivi pour eczéma/psoriasis, de dépanner d’une boîte d’antidiarrhéique, de paracétamol, d’avancer un traitement chronique, etc.)
  • Remboursement des tests COVID-19 sans ordonnance : 17 actes, soit 36 minutes (tests avant examen hospitalier chez des non-vaccinés, tests salivaires chez des parents réticents à l’écouvillonage nasopharyngé)
  • Arrêter de prendre les MG pour des contrôleurs des IDE : 15 actes, soit 28 minutes
  • Arrêter de prendre les MG pour des contrôleurs des ambulanciers : 7 actes, soit 14 minutes (ça pourrait aussi être réglé si les autres spé qui font déplacer les patients vers eux s’intéressaient à comment ils viennent)
  • Arrêter de prendre les MG pour des contrôleurs de parents employés (journées enfant malade) : 5 actes, soit 13 minutes (je n’en fais quasi jamais en « acte gratuit » habituellement, mais là c’était un mois horrible, et la plupart pour garder un enfant COVID-19+ sans se mettre en chômage partiel pour des raisons économiques)
  • Arrêter de prendre les MG pour des contrôleurs des fournisseurs de matériel médical évident (lit médicalisé, etc.) : 5 actes, soit 12 minutes
  • Arrêter de prendre les MG pour des contrôleurs des kiné et orthophonistes : 5 actes, soit 10 minutes
  • Meilleure communication ville-hôpital sur les ordonnances : 3 actes, soit 13 minutes
  • Avoir davantage d’assistantes sociales en ville et en faire des partenaires identifiés par les patients : 2 actes, soit 15 minutes

Donc sur les 629 minutes « d’actes gratuits », 329 sont donc évitables par ces 10 mesures… qui relèvent des compétences de nos parlementaires. Plutôt que nous dire où on doit aller, voici ce que vous devez faire chers élus : légiférer pour redonner du temps médical aux médecins. Et encore une fois, il ne s’agit « que » des actes gratuits : si demain on supprime les prescriptions médicales de transport, ce ne sera pas 14 minutes par MG gagnées dans le mois, mais évidemment plus puisque c’est aussi du temps qui s’insinue dans nos consultations au quotidien !

Dernier point : comme dit plus haut, il va de soi que beaucoup de consultations de médecine générale sont médicalement inutiles, ainsi que beaucoup de soins qu’on prodigue (surprescription d’antibiotiques et de médicaments au sens large, d’examens paracliniques, etc.). Une meilleure « éducation à la santé » permettrait de diminuer largement les consultations, et donc d’améliorer l’accès aux soins tout en réduisant les coûts.

Voilà ! Désolé pour la longueur du billet un peu en vrac !

J’essaierai de reproduire un exercice similaire mois par mois pendant 2022… sans la longue introduction la prochaine fois ! Je mise sur une diminution des « actes gratuits » à venir (d’ailleurs, ce lundi 31 janvier, il n’y a eu « que » 7 demandes contre 18 à 22 les 3 précédents lundi…). Un très grand nombre d’appels ont été pour une « conduite à tenir COVID-19 » ; ça se calmera forcément malgré l’inaction gouvernementale, et le protocole sanitaire scolaire ne devrait plus changer aussi vite que 4 fois entre le 1er et le 11 janvier, favorisant cette déstabilisation en ville.

(Image en avant par Geralt sur Pixabay)

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Cassandre avait raison

Cassandre : personne qui prédit une issue défavorable aux événements, au risque de déplaire ou de ne pas être crue (Larousse).

Dans la mythologie grecque, Cassandre est la fille de roi de Troie. Elle a reçu d’Apollon le don de dire l’avenir… et la malédiction que ses prédictions ne soient jamais crues, y compris de sa famille (parce qu’elle n’a pas voulu céder aux avances du dieu de la beauté masculine). Elle prédit que Pâris causera la perte de Troie, que le cheval des Grecs est un subterfuge, etc. Ses prédictions sont systématiquement justes et ignorées !

Pendant la pandémie à COVID-19, le gouvernement a usé et abusé de l’expression « jouer les Cassandre » pour discréditer les scientifiques… Sauf que de façon très ironique, ils l’ont utilisé pour critiquer ceux qui avaient raison et qu’ils n’ont pas écoutés.

Une brève requête « les Cassandre » sur Google Actualités permet de retrouver quelques sorties.

Je passerai sur ce billet de très mauvaise foi dans le Télégramme en juillet qui prétend que « les Cassandre ne proposent jamais rien » (bah si en fait, tout un tas de mesures POUR ÉVITER LES CONFINEMENTS, à base d’éducation aux gestes barrières, de protocoles d’aérations – et un appel dans Science -, de séparation des repas en communs en cantines d’écoles ou d’entreprise, avec des appels scientifiques dans le Lancet, des protocoles par le collectif citoyen Ecoles et familles oubliées relayé par La Croix…). Oh et cet article prétend aussi que les Cassandre ne proposent rien pour le climat !

Je passerai également sur les articles qui parlent de gens « jouant les Cassandre » (Agnès Buzyn en mai 2020, Olivier Véran en octobre 2020, Karine Lacombe en avril 2021, l’Institut Pasteur en avril 2021) ; concentrons-nous sur les sorties du gouvernement !

Début janvier, Cassandre a des propos réinventés

5 janvier 2021 : le ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, dit sur Europe 1 que « Parfois, certains refont les Cassandre à chaque retour de vacances ».

« Je me souviens des observations que j’avais avant la rentrée scolaire de septembre. Si j’avais écouté certains, on aurait là aussi reporté. La bonne décision a été prise, c’est-à-dire faire la rentrée à l’heure. Idem pour le retour des vacances de la Toussaint. »

Des propos réinventés, ne faites pas ça chez vous

Le contexte / la réalité : Pendant les vacances 2020, alors que la transmission du SARS-CoV-2 est bien connue depuis juillet (gouttelettes et aérosols principalement), Jean-Michel Blanquer décide de ne rien préparer de concret pour la rentrée car il croit – à tort – que les enfants ne sont pas moteurs de l’épidémie.
Dans ce contexte, le futur collectif Du Côté de la Science écrit une tribune dans le Parisien avec 4 propositions pour l’école : port du masque dès 6 ans – protocole d’aération – limitation des contacts en classe et cantines – tester et tracer. Aucun report n’était demandé, mais mentir est une deuxième passion pour certains. Le ministre répond d’ailleurs à cette tribune dans le bulletin paroissial le 29 août : « nous sommes préparés à tout ».
Devant l’augmentation incontrôlée du nombre de cas et les appels incessants, le masque est enfin instauré pour les enfants dès 6 ans à partir de novembre 2020. Début janvier 2021, le Ministre se vante d’avoir imposé ce masque à l’école…

Si le report des vacances de la Toussaint ou l’avancée des vacances de Noël ont par contre bien été réclamés par certains – dont je fais partie -, il semble difficile de nier aujourd’hui que l’impact sur la 2ème vague aurait été bienvenue. Pour en savoir plus, j’avais relu cette interview en avril dans ce fil Twitter…

Fin janvier, Cassandre casse les pieds

22 janvier 2021 : L’Élysée en colère contre les « Cassandre » favorables à un reconfinement.

Le contexte / la réalité : La 2ème vague débutée à la rentrée 2020 ne s’est jamais terminée au 22 janvier. Le 24 novembre, le Président a annoncé un seuil de 5 000 cas par jour avant d’entamer le déconfinement le 15 décembre. À la date, le nombre de cas quotidiens est de 11 700 cas : qu’à cela ne tienne, il décide de déconfiner avec couvre-feu maintenu.
Devant une ascension rapide du nombre de cas et un plateau de mortalité inadmissible autour de 400 morts par jour (soit 25 % de la mortalité quotidienne attendue en France hors pandémie), plusieurs scientifiques appellent à agréger les vacances scolaires et/ou confiner. Le conseil scientifique rend un avis le 29 janvier (rendu public tardivement) allant dans ce sens. Emmanuel Macron choisit de ne pas suivre cet avis et apparemment de les traiter de « connards du conseil scientifique« .
Finalement, l’Elysée reconfinera à partir du 2 avril, permettant (avec la vaccination) de contrôler la 2ème vague débutée en septembre 2020 et d’arriver au seuil de 5000 contaminations par jour entre le 11 juin et le 15 juillet 2021.

Nombre de cas confirmés de COVID-19 en France chaque jour (attention, avant mai/juin 2020, les données sont peu fiables en raison du manque de tests)
Nombre de morts confirmés du COVID-19 chaque jour en France, illustrant les 2 vagues
(Je suis loin d’être le seul à l’avoir réclamé, mais c’est juste plus simple de retrouver mes tweets…)

En février, Cassandre à la cour déplaît

Le plus grand article de lèche-bottisme écrit en France au XXIème siècle

10 février 2021 : des ministres préférant garder l’anonymat félicitent le Président et lui donnent raison de laisser mourir 300 personnes du COVID-19 chaque jour.

Le contexte / la réalité : la même chose que ci-dessus en fait… Toutefois, je ne pouvais pas passer à côté de cet article mémorable de ridicule.

« Il va finir épidémiologiste », s’amuse un ministre. « Les chiffres lui donnent raison. Le confinement, ç’eut été la solution de facilité, la mesure de confort. » Un autre ministre, participant aux Conseils de défense, ajoute : « Si on avait écouté tous les ‘Cassandre’, on serait en train de travailler avec nos enfants sur les genoux depuis trois semaines. »

X, Ministre, pourfendeur des confinements « de confort » et protecteur des genoux de parents devant l’Eternel.

Si par malheur vous êtes passé à côté de cet article, il faut à tout prix vous rattraper. Avec le recul (on n’en manque pas), c’est absolument incroyable. Et comme il n’y a pas de remaniement, ces idiots sont encore en poste.

« Macron s’est tellement intéressé au Covid », ajoute un conseiller du pouvoir, « qu’il peut challenger les scientifiques, poser la question qui les déstabilise ». « De toute façon, si vous ne rentrez pas dans le sujet », explique un ministre, « vous êtes infoutu de prendre une décision politique. Désormais, le Conseil scientifique n’est plus premier dans l’arbitrage. »

Les conseils du Conseil scientifique ne seront désormais plus utilisés, mais ils peuvent continuer leur mission car les épluchures de patates méritent le papier de qualité qu’ils nous fournissent.

Samuel Gontier a d’ailleurs fait un article dans Telerama pour rappeler tous ceux qui ont salué « le pari » d’Emmanuel Macron… Et Emmanuelle Bouland dans le journal de Saône-et-Loire a fait un beau billet aussi sur la stratégie de « Cassandrer » les scientifiques à des fins bêtement politiques. Et bien sûr, c’est moyennement bien passé auprès de scientifiques

En mars, Cassandre ne plait pas aux amateurs de farce

S’il y a un truc fantastique avec les sociétés savantes de pédiatrie pendant la pandémie, ça a été leur façon d’être toujours à contre-pied. Vraiment, si vous vouliez connaître la direction du sud en 2020/2021, il fallait leur demander le nord.

Le contexte / la réalité : Je ne sais même pas par où commencer. En octobre 2020, sur la base d’analyses scientifiques complètement pétées, ils étaient encore contre le port du masque pour les enfants et tentaient de discréditer ceux qui le recommandaient en faisant de l’argument d’autorité digne des années 1950 dans Ouest France. Lorsque le gouvernement l’a recommandé, ils ont applaudi la mesure comme « la bonne idée qui paraissait indispensable »... avant d’écrire sur leur site en février 2021 (!!) que le port du masque se justifiait « a posteriori » (belle mauvaise foi !)

Et donc cette mesure injustifiée mais justifiée mais a posteriori qui était une bonne idée indispensable, finalement en juin avec l’arrivée du variant delta, ils en prônaient le retrait pour la dernière semaine… Une inépuisable source de désespoiril y a des fils imbriqués dans le premier fil sur #BlanquerFactChecking.

Début mai, Cassandre réclame des objectifs chiffrés

3 mai 2021 : « Il y a toujours des Cassandre pour prédire le pire, mais il faut aussi faire preuve d’optimisme ! » abonde un conseiller ministériel, dans le Monde, « estimant que les critères de surveillance de l’épidémie sont loin d’être laxistes ».

Le contexte / la réalité : Aucun « Cassandre » refuse de faire preuve d’optimisme. Tous les « Cassandre » appellent justement à ce qu’on utilise ces critères de surveillance de l’épidémie pour prendre des mesures fermes à chaque fois que le taux d’incidence décolle. Mais devinez quoi… Emmanuel Macron a dit 1 mois avant qu’il ne conditionnait pas les réouvertures aux indicateurs sanitaires… et de façon générale, il n’a donné aucun objectif chiffré !

Emmanuel Macron, dit Epidémiologiste 1er, le Président qui ne pose aucun objectif et les atteint tous.

Autre exemple plus récent, dans son allocution du 12 juillet, alors qu’il évoquait un nouveau seuil de 200/100 000 (avant de ?), rien n’a été fait les jours suivants pour les EPCI qui dépassaient ce seuil…

Mi-mai, Cassandre ne doit plus être écoutée

17 mai 2021 : pour Gabriel Attal, Emmanuel Macron a eu raison de choisir un calendrier de déconfinement sur des dates et pas sur des seuils épidémiques, ce qui « donne tort à tous les prophètes de malheur ». Le 7 juillet, le même « rongeur d’os » alerte sur le risque de nouvelle vague sans se rendre compte que le problème est situé entre sa chaise et les micros qu’on lui tend.

Le contexte / la réalité : le gouvernement joue à alterner les phases « ce sont des Cassandre qu’il ne faut pas écouter » puis « c’est la merde, qui aurait pu prédire » puis « on s’en sort, c’est grâce à nous, les Cassandre faut pas les écouter ». Le jeu pourrait amuser si nous n’étions pas à plus de 110 000 morts en France... dont 80 000 lors de la 2ème vague, bien plus meurtrière que la première !

2 vagues de mortalité

La 1ère vague ne pouvait être prévenue aisément – même si son ampleur aurait pu être limitée en imposant des masques partout à l’époque, genre quand on allait faire nos courses en plein confinement sans masque…

Vous pouvez remonter ce thread si vous voulez voir la considération d’Auchan et de Carrefour pour leurs clients.

Mais si la 1ère vague pouvait bénéficier d’un « nous n’étions par prêt », il n’en est pas de même pour la 2ème. Le gouvernement a clairement une responsabilité énorme dans le choix de laisser circuler le virus, et des 80 000 morts (0,1 % de la population).

Voilà… comme vous le voyez, Gabriel Attal n’a pas utilisé « Cassandre » mais une formule détournée. De ce fait, je ne résiste pas à vous partager ce tweet qu’il faisait en 2018 pour vanter… Parcours Sup !

Que pense une Cassandre aujourd’hui ?

Les « Cassandre » ne sont pas un groupe défini bien sûr – ce n’est pas toujours les mêmes personnes qui sont visées. Il y a plein de « Cassandre » telles que définies par le gouvernement.

Globalement, ce que « je » prédis aujourd’hui, pour ce que ça vaut, c’est :

  • une explosion des contaminations via le variant delta – qui sera difficilement maîtrisée par le pass sanitaire à partir du 21 juillet (qui est une bonne mesure, mais qui arrive malheureusement à plus de 10 000 nouveaux cas par jour, cas qui vont transmettre en intra-familial là où le pass n’a pas cours… et dans les nombreuses exceptions prévues – restaurant d’entreprise, etc. puis par la rentrée scolaire d’enfants non vaccinés) (à noter que si le pass n’arrive pas le 21 juillet mais le 15 septembre, ça serait rapidement une catastrophe vu l’exemple du Royaume-Uni à notre stade le 9 juin mais avec une meilleure couverture vaccinale… il est inimaginable que l’option puisse même être évoquée).
  • une augmentation inévitable des hospitalisations avec un retard de 10 jours environ et des décès avec un retard de 25 jours environ (dans une moindre mesure par rapport aux contaminations, grâce à la vaccination priorisée pour les plus à risque)
  • donc possiblement 50-60 morts par jour vers le 10 août (on a 3 fois plus de cas qu’il y a 25 jours, et 20 morts par jour actuellement avec le même profil de population vaccinée… sans doute que ça va diminuer et peut-être qu’on sera à 40 morts par jour – doit-on s’en réjouir ?),
  • cette mortalité sera trop faible pour envisager de nouvelles mesures, de la part d’un gouvernement qui a accepté plus de 300 morts par jour pendant de longs mois,
  • une rentrée scolaire de septembre avec des enfants non vaccinés qui vont participer à propager le virus entre familles, en attendant la vaccination,
  • probablement des tribunes pendant l’été de gens qui réclameront le retrait du masque « parce que ce sont des pitchounes »,
  • une augmentation des viroses tout venant lors du retrait du masque annoncé par le ministre de la santé, rendant illisibles et inutilement complexes toutes les infections respiratoires en ville (PCR pour tous, isolement pour toute fièvre en attente de PCR, journées enfant malades, consultations médicales à gogo en plus des vaccinations…)
  • (avec un peu de chance, un port de masque de façon altruiste par les gens malades même quand le masque ne sera plus obligatoire – un élément sur lequel il faudra sûrement des appels citoyens et scientifiques)
  • et enfin la fin de la pandémie grâce à la vaccination – sauf surprise d’un nouveau variant avec échappement immunitaire.

C’est un avis purement personnel, mais je vois difficilement comment on pourrait y échapper. Je suis plutôt « optimiste » sur les hospitalisations / décès – d’autres n’ont pas mon optimisme. Je me dis au moins qu’on ne retrouvera plus le plateau de mortalité aussi long à 80 000 morts.

Est-ce que le pass sanitaire (associé à la vaccination) suffira pour freiner assez efficacement ? Peut-être car c’est vraiment une mesure utile qui a du sens, contrairement au couvre-feu à 21h ou 23h, ou au masque en extérieur.

Est-ce que le pic sera en août, ou aux vacances de la Toussaint ? Je n’en sais rien et en fait, ça importe assez peu pour l’instant. Rien n’est écrit. La vague à venir n’est « écrite » dans aucun livre – pas la peine d’aller à Lourdes. Son ampleur, sa durée, son plateau, sa décroissance ne dépendront que des décisions qui seront prises.

Ce qui compte, c’est la prévention pour limiter le nombre de cas. Parce que de grands nombre de cas, c’est plus d’hospitalisations, de réanimations… mais aussi plus de risque d’émergence d’un nouveau variant plus contagieux ou échappant à la vaccination… mais également le risque de découvrir dans x années que le virus puisse entraîner des effets retardés (personnellement je trouve qu’on manque de recul sur ce virus).

Ce qui compte, c’est prendre des mesures adaptées au moment adéquat. C’est donc se baser sur les indicateurs sanitaires et prendre des mesures fortes pour freiner afin d’avoir tous les EPCI (communautés d’agglomérations) avec un taux d’incidence sous le seuil d’alerte à 100/100 000 par exemple – seuil à définir collectivement sur ce qu’on accepte en contaminations, et sans doute à affiner par tranche d’âge et par taux de vaccination ! Nous avons les moyens d’avoir cette finesse ! Ou alors il faut avouer publiquement qu’on mise sur une immunisation hybride avec contamination des jeunes cet été pour économiser des doses de vaccins…

Pour freiner, ça n’implique ni masque en extérieur ni couvre-feu, comme ce qui a été prévu en Pyrénées, mais ça implique dans ces lieux où le virus circule au-delà du seuil d’alerte de s’appuyer sur ce qui fonctionne(ra) :

  • le masque en intérieur (maintenu jusqu’à ce qu’on sorte réellement de cette pandémie),
  • les incitations au télétravail pour les non-vaccinés,
  • le pass sanitaire dès mercredi 21 juillet et sans les exceptions,
  • les protocoles d’aération pour les lieux clos,
  • des nouvelles re-fermetures temporaires des lieux sans masque (restaurants en intérieur – y compris en entreprise -, salles de sport en intérieur, discothèque…)
  • … et idéalement anticiper, pour éviter de découvrir sur le tard qu’il y a une rentrée en septembre et un automne en octobre (en pleine vague, avoir des enfants sans masque qui font circuler des tas de virus, ce n’est pas raisonnable avec ce que ça implique en terme de surcharge du système de santé en ville, d’absentéisme, de tests PCR à répétition et de risques méconnus à long terme).

Mais bon, ce n’est qu’un avis de Cassandre…

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