Pour la première fois en grève ce mardi 14 février. La grève va être récupérée de toutes parts, mais mes revendications à moi sont celles-ci :
1 – que l’Assurance Maladie et les législateurs fassent leur travail pour nous supprimer des actes de faible intérêt, afin qu’on ait plus de temps pour le médical dans un contexte de pénurie de médecins (c’est l’objet d’une tribune qu’on a publié dans l’Express début janvier 2023, d’une autre en janvier 2022 dans le Figaro et d’autres fils Twitter déjà rappelés ailleurs).
Les principales mesures que nous réclamions étaient :
supprimer les arrêts de travail de moins de 3 jours (délai de carence) pour les remplacer par des autodéclarations (comme avec le COVID)
supprimer le certificat « enfant malade » pour le remplacer là aussi par une autodéclaration du parent employé.
supprimer les prescriptions de transport, de lit médicalisé, d’orthophoniste, de toilettes etc. en faisant SIMPLEMENT confiance aux professionnels de santé concernés (ambulanciers, pharmaciens, orthophonistes, infirmiers…) plutôt qu’en utilisant les médecins généralistes comme des « contrôleurs » anti-fraude.
2 – que le Ministre de la Santé arrête de nous vendre n’importe quoi pour la médecine générale, à laquelle il ne comprend manifestement pas grand-chose… Pour vous donner un ordre d’idée récent, par rapport aux mesures proposées ci-dessus, voici LUI ce qu’il a proposé la semaine passée pour « redonner du temps au médecin » selon ses dires…
3 – que l’Assurance Maladie arrête ses stupidités technocrates dans la convention 2023-2027 en cours de négociation…
Pour l’heure, il est prévu que les médecins doivent remplir 4 cases pour pouvoir coter des consultations « de niveau 2 ou 3 » (donc coter des consultations de pédiatrie, de gériatrie, de reprise de dossier complexe, etc.) A titre personnel, je valide les 4 cases parce que j’ai une grosse patientèle, je suis en secteur 1, je fais des gardes et participe au (récent) SAS, et je suis impliqué dans la CPTS Opale Sud… Mais il existe des lieux sans CPTS, des médecins qui couvrent un grand territoire peu peuplé qui n’ont pas de grosse patientèle mais rendent un énorme service, et puis des médecins qui par choix familial travaillent en temps partiel, ou ne font que de la pédiatrie… et sont tout aussi utiles que d’autres comme moi pour l’accès aux soins ! Ce genre de décision délirante et déconnectée de la réalité va les pénaliser et va dissuader toute future installation en libéral… et donc altérer gravement l’accès aux soins des patients !
Voilà les raisons de ma grève de mardi, et aucune autre !
Ma motivation principale est de préserver un accès aux soins malgré la diminution actuelle et prévue des médecins dans les années à venir… sans aggraver la situation avec une convention inique.
Malheureusement, on n’entendra sans doute que 2 trucs dans cette grève : la consultation à 50€ et l’opposition à l’accès direct aux infirmiers de pratique avancée (IPA) et kiné. JE NE SOUTIENS PAS CES DEUX DEMANDES, qui sont à mon sens opposées à l’accès aux soins pour lequel je fais grève (oui c’est une grève qui mélange tout…)
Concernant la consultation à 50€, il y a plein de professions où on peut doubler le salaire, mais pas les médecins ^^’
certains disent que c’est pour pouvoir embaucher des gens mais personnellement, je ne veux pas faire ça : si c’est pour améliorer l’accès à des psychologues, diététiciens, ergothérapeutes, je préfère que la sécu les rembourse plutôt que me filer des sous pour que je devienne employeur…).
quant aux assistants médicaux, je ne sais pas ce que j’en ferais… à part traiter de l’administratif inutile (non médical) dont la suppression ferait gagner du temps à tous ! La CNAM sait elle-même que les assistants n’apportent rien : en mai 2022, sur 3100 contrats signés (dont 700 concernant des nouveaux installés), l’augmentation moyenne de patientèle a été de 10% et la file active de 5%… sauf que si on a 700 nouveaux à 0 patient et 2400 qui suivent 1000 patients, ça fait en moyenne 774 patients/médecin ; si 1 an plus tard tout le monde est à 850 patients, la moyenne a bien fait + 10% mais au final il n’y a que les nouveaux qui bossent davantage et les autres moins… bref, vous voyez l’idée. Sur 305 contrats de plus de 30 mois, ils ont ensuite analysé les jours travaillés et ont trouvé que les médecins travaillaient des jours en moins notamment les plus de 60 ans… J’sais pas quoi ajouter, visiblement ils ont des difficultés avec le concept de moyenne…
D’ailleurs, ça m’a fait rédiger un fil Twitter ces articles…
En fait je n'avais pas lu les articles @leQdM et @EgoraInfo sur les assistants médicaux mais c'est sur la base de ces chiffres désastreux d'@Assur_Maladie que @ThomasFatome et @EmmanuelMacron survendent les assistants médicaux pour tous ?
Concernant les IPA, j’ai accueilli une IDE qui a repris des études d’IPA pendant 35 jours avec grand plaisir, et je suis évidemment favorable à l’accès des patients à tout professionnel de santé, qu’il soit médecin ou infirmier (spécialisé dans les soins d’urgence, ou dans le suivi de pathologie chronique stabilisée – c’est très spécifique !). Ce professionnel saura alors le prendre en charge ou l’adresser vers quelqu’un qui saura… L’épouvantail du « retard diagnostic » m’échappe : de toute façon, soit on est dans un lieu avec « concurrence » médecins / IPA et il n’y a pas de raison que les patients privilégient les IPA (ce qui est bien le problème les concernant pour se faire une place d’ailleurs), soit on est dans un lieu sans médecin et il faut être tordu pour préférer l’absence de soins à des soins par un(e) IPA… Par ailleurs les IPA sont surspécialisés : suivi de pathologie chronique stabilsée, soins d’urgences, suivi psychiatrique, etc. Ce qui veut dire SURTOUT qu’un patient consultant un(e) IPA pour son suivi de diabète MAIS qui a un trouble anxieux, qui a un trouble musculosquelettique ou autre… devra voir son médecin traitant.
Cette opposition à l’accès aux kiné et IPA est malheureusement soutenue (pour une raison qui m’échappe) par de nombreux syndicats et l’Ordre des médecins (qui n’arrive pas à s’opposer à la violation du secret médical par toutes les assurances du pays lorsqu’elles doivent indemniser leurs assurés… mais qui est prompt à limiter l’accès aux soins !).
Bref, je fais grève pour l’accès aux soins, je fais grève pour que l’Assurance Maladie de Thomas Fatome me compte parmi ceux qui s’opposent à ses négociations, je fais grève pour réclamer plus de temps et que nos législateurs (Jean-Pierre Pont chez moi) fassent leur travail de législateur pour redonner du temps aux médecins et sans que François Braun nous propose de la poudre de perlimpinpin en se fichant de nous. Je fais grève pour ça, et je sais que je vais regretter la récupération qui en sera très sûrement faite et qui ne représentera pas mes motivations à fermer le cabinet ce mardi 14 février…
Faisons le point sur chacune d’entre elles, pour découvrir que si le foutage de gueule devient une discipline olympique, on tient notre champion pour 2024 💪
Mesure 1 – Les règles en matière de certificats médicaux (crèche, écoles, employeurs, situation de handicap) seront clarifiées.
Ca existe déjà : ça a été fait en 2011 par @ordre_medecins@Assur_Maladie et les ministères du Travail, du Budget et de la Santé à l’époque.
Mesure 2 – Un point d’entrée unique sur service-public.fr pour les certificats médicaux « en ligne d’ici l’été 2023 »
OK. Le site est très bien, avec une recherche souvent assez simple, mais ce serait un plus. « D’ici l’été 2023 » pour créer une page sommaire… whaow, vous êtes des sacrés glandeurs @Sante_Gouv !
Mesure 3 – Des campagnes d’information régulières comme en septembre sur les certificats de sport inutiles.
OK. En fait, c’est une seule mesure que vous voulez faire, mais vous en comptez 3 quoi. On pouvait faire 5 mesures en détaillant « affichage public » et « campagne radio » 🤡
Et puis bon… vous allez faire des campagnes d’information grand public, ok. Sauf que si le responsable du club de pétanque de Saint-Trifouillis-De-L’oie-Sauvage réclame des certificats pour se couvrir, bah le patient a un papier à remplir ou il ne peut pas accéder à son loisir
Mesure 4 – Une solution fiable de transmission dématérialisée des pièces justificatives avant la fin 2023.
Ouais, les feuilles de soins dégradées. Ca existe déjà. Mais @Assur_Maladie veut un duplicata papier inutile : supprimez ça sans attendre fin 2023 !
J’ai déjà écrit un billet de blog sur ce sujet pour rappeler la totale stupidité de l’Assurance Maladie qui réclame un papier (inutile) pour un acte payé après télétransmission sans carte vitale (mode dégradé donc)… PAPIER QUI N’ÉTAIT PLUS DEMANDÉ DE MARS 2020 À JUILLET 2021, quand la même Assurance Maladie craignait de toucher du papier. Quelle bande de clowns quand même !
A partir du 1er juin, les feuilles de soins en dégradé (= électroniques sans carte vitale) devront à nouveau s'accompagner d'un envoi papier par le médecin. Cette idée administrative d'@ameli_actu (qui postule que médecin = fraudeur) avait été interrompue de mars 2020 à ce jour. pic.twitter.com/f0nneUKsjm
Mesure 5 – L’application carte vitale sur smartphone pour limiter les oublis.
Alors non : avoir une version smartphone va AUGMENTER les oublis. On aura donc un truc + chronophage… … et LE DÉGRADÉ EXISTE DÉJÀ SAUF QUE COMME DIT AU-DESSUS, L’ASSURANCE MALADIE EN FAIT UN TRUC DÉBILE…
Répétons-le : il existe un mode pour facturer qui on le souhaite sans papier, ça s’appelle le mode dégradé. Mais la sécu demande un papier inutile, qu’elle a arrêté de demander pendant 16 mois sans conséquence aucune avant de reprendre pour satisfaire un irrépressible besoin d’administratif. Et là ils nous disent que la solution c’est de créer un nouvel outil avant fin 2023 ou d’avoir des cartes vitales dématérialisées… Vous vous rendez compte à quel point ils méprisent les médecins généralistes en considérant qu’ils vont forcément frauder avec les feuilles dégradés ?
Mesure 6 – La révision des durées d’ALD pour qu’il n’y ait plus de limite pour certaines.
En pratique, ça existe déjà depuis quelques années : beaucoup d’ALD sont passées à 10 ans avec renouvellement automatique. C’est une mesure pour soulager les médecins conseils ça ?
Mesure 7 – Les fins de droits à l’ALD seront mieux anticipés en informant MG et patients 3 mois avant « d’ici l’été 2023 ».
Bonne nouvelle : ÇA EXISTE \o/ Promesse tenue avant d’être prononcée. Bon ok, vous allez modifier la recherche « 2 mois » par « 3 mois » « d’ici l’été » 😁
La page « affections longue durée » sur AmeliPro… On a la liste avec fin d’exonération de toutes les ALD, avec possibilité de trier par date, et éventuellement de ne sélectionner que celles arrivant à échéance dans 2 mois. Promesse tenue avant d’être prononcée : l’exploit des gens très compétents dans leur métier.
Mesure 8 – Les dernières caisses qui ne permettent pas la dématérialisation des ALD devront y passer (MGEN, CAMIEG…)
OK, c’est bien.
A la louche, je dois faire 1 ALD hors caisse générale tous les mois environ, avec un imprimé existant sur nos logiciels : en pratique, ça va donc plus vite que d’aller sur EspacePro, entrer le numéro de carte vitale du patient, valider, aller sur « ALD » puis « créer demande ALD » puis remplir et valider… MAIS le patient ne payera pas le timbre et ça fera gagner du temps… au médecin conseil !
Sinon, vous voulez faire mieux ? Supprimez toutes ces caisses, passez à une caisse unique. Ca, ça serait de la simplification, et des économies.
Mesure 9 – « Le déploiement d’un contenu enrichi sur le portail Ameli pro de l’Assurance maladie pour faciliter son utilisation et les interfaces avec les logiciels métiers utilisés par les médecins libéraux. »
Mettez un moulin devant @FrcsBraun, et décommandez 10 ans d’uranium.
Blague à part, sous @Prokov_Editions, on peut déjà télétransmettre des arrêts de travail, des déclarations médecin traitant… Avant on pouvait aussi faire les AT/MP mais @Assur_Maladie a changé les Cerfa du jour au lendemain donc on ne peut plus.
Ce qu’on pourrait améliorer : retélétransmettre les AT/MP, ouvrir les télétransmissions de prescriptions médicales de transport (ou mieux : les supprimer !), mieux lier les sorties et entrées de patientèle d’AmeliPro avec le logiciel métier… pas grand-chose d’autre à mon sens pour gagner du temps.
Mesure 10 – « L’accompagnement des médecins libéraux sera renforcé grâce à l’intervention des délégués du numérique en santé de l’Assurance maladie pour le déploiement du Ségur numérique. »
Ah ok, donc « les délégués numériques feront leur taf » c’est une mesure ça ?
Mesure 11 – « Un bilan complet et partagé sera dressé avec les médecins libéraux de la vague 1 du Ségur au premier trimestre 2023, pour intensifier les actions sur les différents sujets de difficultés identifiées. »
Mais c’est pas une mesure ça ! C’est un retour, un feedback, un truc normal quand on lance un projet d’ampleur… C’est quoi cette mission flash ?!
–> ah bah répondons à cette question : « François Braun a tenu à saluer l’important travail réalisé par la mission qui a conduit plus de 60 entretiens (de représentants de syndicats médicaux, présidents des conseils de l’Ordre, MEDEF et CPME, représentants de services de l’état) et analysé les contributions (par questionnaire en ligne) de plus de 900 médecins entre décembre 2022 et janvier 2023. »
Mesure 12 – « Une mobilisation accrue des éditeurs de logiciels, pour continuer à proposer aux médecins libéraux des produits ergonomiques et respectant le cahier des charges du Ségur. »
MAIS SAPERLIPOPETTE, C’EST ÇA QUE VOUS APPELEZ UNE MESURE ? Quel foutage de gueule @FrcsBraun : c’est juste le taf et la raison de vivre des éditeurs de logiciel qui, s’ils ne respectent pas le cahier des charges, vont juste devoir fermer leur boîte en fait !
Mesurette 13 – « Les médecins libéraux seront mieux associés aux différentes instances de pilotage du Ségur numérique, notamment s’agissant du déploiement des logiciels métiers. »
Qu’on bêta-teste plutôt qu’on fasse des retours assassins sur Twitter ? Bonne idée, je crois.
J'utilise "l'ordonnance numérique" depuis 2 semaines (ça se déploie sur le territoire progressivement) et franchement, il n'y a rien de réjouissant. @Assur_Maladie reporte son incompétence à gérer les (rares) fraudes sur les MG. Faisons le point sur ce truc un peu daubé… 1/20 https://t.co/cQbxD7mhOD
Micro-mesure 14 – « Le service médical de l’Assurance maladie sera plus accessible, grâce au déploiement de la messagerie sécurisée de santé et à des échanges individuels facilités ».
Ca existe déjà. Sauf que souvent on a ces réponses : « appelez le 3608 ». Inventez le téléphone avec des lignes directes (pour l’heure, quand la CPAM nous appelle, c’est 3646 qui s’affiche : on ne sait pas qui, on ne sait pas rejoindre la personne… et même les mails perso ont disparu en fin d’année… Nous sommes joignables, la CPAM non).
Mesure 15 – « Le recours accru aux appels ou e-mails sortants sur les sujets de facturation permettront de réduire drastiquement les envois de courrier »
La sécu va nous appeler pendant qu’on bosse pour moins nous déranger avec du courrier ? Et… et donc ça, c’est une mesure ?
LOL !
Assez rigolé avec ces mesures de merde
Vous voulez des mesures @FrcsBraun ? On en a proposé, plusieurs fois…. A titre personnel sous ces threads de 2020, 2021, 2022 et 2023…
On devrait créer un groupe #ChèvreDeLaSanté (on leur laisse Monsieur Ségur et on prend la chèvre). Allez je résume mes 10 (vieilles) attentes : 1. Caisse unique (CNAMTS). Aucun intérêt des caisses multiples qui font chier les soignants et les patients. 1/10
L'édition du @Le_Figaro du jour (dispo sur @cafeyn_fr par ex) comportait un dossier sur les déserts médicaux, et une tribune que j'avais écrite y a été publiée : "Dix idées pour redonner du temps médical aux médecins"…
Allez, je vous propose la #JournéeDuMGConcret en listant l’inutile et supprimable du jour. Vous jouez @FrcsBraun ? Je commence : – appel pour un cert enfant malade : la maman va garder son enfant qui « se vide ». ➡️ l’employeur ne peut pas lui faire confiance mais moi oui ? https://t.co/nThQfJzfen
Notre tribune est parue dans @LEXPRESS : "Sept exemples concrets de simplification pour redonner du temps médical" Nous sommes 210 médecins généralistes à appeler à supprimer des "actes inutiles, stupides ou insultants" pour regagner du temps médical.
Ce dernier thread est en fait la reprise d’une tribune publiée en janvier 2023 dans l’Express par 210 médecins généralistes. Il y avait 7 exemples, voici ceux que les mesures présentées par le ministre cochent : ❌ suppression des certificats enfant malades ❌ suppression des arrêts de travail courts ❌ suppression des prescriptions de transport ❌ suppression des prescriptions IDE inutiles (toilettes, insuline…) ❌ suppression des prescriptions de lit médicalisé ✅ limiter les certif de sports injustifiés ❌ suppression des certifs d’assureurs privés
(Sur ce dernier point, j’ai mon billet de blog fourre-tout… et plusieurs fils récents imbriqués ci-dessous)
Coucou @gpm_fr, sachez que vous êtes dans l’illégalité. J’espère que le jour où @ordre_medecins deviendra compétent, votre médecin conseil sera convoqué pour expliquer la violation de secret médical de milliers de patients parce que vous prenez vos assurés pour des fraudeurs. https://t.co/vGzK0YANaO
J’ai quand même peine à croire que sur les 900 MG interrogés par cette mission flash, ces points n’aient pas été abordés MAIS que certains réclamaient des réponses de l’@Assur_Maladie sous 24h en messagerie sécurisée, ou qu’on les appelle plutôt qu’envoyer des courriers.
Bref, cette tribune, @FrcsBraun, vous pouvez la relire ici — relire car comme vous l’avez dit à l’un des signataires, vous l’avez lue. Quel dommage que vous ayez décidé de rien n’en retenir…
PS. Aujourd’hui, j’ai pris la décision de faire grève mardi 14 février… J’ai hésité un temps, partagé entre l’envie de dire non à ce que l’Assurance Maladie prévoit en termes de convention… et la crainte d’être récupéré médiatiquement par des syndicats ou associations ou autres mouvements opposés à l’accès direct aux infirmiers de pratique avancée (je suis très en faveur de cette nouvelle profession, qui sera utile aux patients), ou réclamant forcément une consultation à 50€ (je veux bien qu’on m’augmente, pas de souci, mais je n’aurais pas fait grève pour ça — même si je comprends qu’on puisse, contrairement à la grève « contre » une autre profession de santé…). Et puis dans la journée, je me suis décidé, j’ai décalé mes patients, en me disant que je défendrais (d’une façon ou d’une autre) les idées déjà évoquées et mises en avant dans la tribune de l’Express — à mon petit niveau, difficile de faire autre chose. Je voulais profiter de la soirée pour écrire un billet de blog sur « pourquoi je fais grève », redire que ma motivation principale c’est qu’on redonne du temps médical et qu’on arrête de nous occuper avec des tâches inutiles voire méprisantes de contrôleur ou d’assureur de la santé… Et puis François Braun a diffusé son communiqué… Bah voilà, c’est pour tout ce qui est relayé dans ce billet que je fais grève. Je fais grève contre les incompétents qui nous dirigent et n’écoutent pas ce qu’on leur demande pour améliorer l’accès aux soins.
Et pour retrouver ce billet sous forme de thread Twitter, c’est ici :
Sur son blog, @Dr_Agibus a publié deux articles de synthèse très intéressants, sourcés, suite aux algorithmes produits par @DocTotoscope, dont je recommande ardemment la lecture :
Et du coup, suite à cette lecture, j’ai une interne en stage au cabinet qui m’a demandé quel était mon choix thérapeutique en pratique dans l’HTA.
Il se trouve que j’ai une vision centrée sur les effets indésirables dans mon choix d’anti-HTA (@Dr_Agibus en parle : « Bien évidemment, les molécules proposées sont à discuter avec les patients compte tenu de leurs effets indésirables (…) L’algorithme tend à privilégier l’efficacité plutôt que le risque d’effets indésirables non graves (la tolérance) car en tant que MG nous pouvons revoir les personnes traitées très rapidement pour adapter le traitement. »). Mes choix différent donc un peu là-dessus : c’est assez personnel, mais je vous partage les 3 règles assez simples que j’ai en tête lorsque je choisis…
si patients à risque d’oedèmes de membres inférieurs (insuffisance veineuse notamment, patient utilisateur de chaussettes de contention, etc.), j‘évite les inhibiteurs calciques en premier (et privilégie donc IEC ou diurétique thiazidique)
si patients à risque de toux chronique (asthme, BPCO, tabagisme ancien), j’évite les IEC en premier (et privilégie donc inhibiteur calcique ou diurétique thiazidique) — bien sûr, si pas d’indication nette de l’IEC par ailleurs (IDM, insuffisance cardiaque, protéinurie…)
si patient à risque d’insuffisance rénale, de carcinome épidermoïde ou ayant une dysfonction érectile, j’évite le diurétique thiazidique en premier (et privilégie IEC ou inhibiteur calcique)
Rien n’est figé évidemment… Je dis « j’évite » mais ça n’est pas non plus un repoussoir : c’est juste que je me vois avec le patient 1 mois plus tard, qui a des OMI majorés, qui tousse pendant 2 mois l’hiver, ou qui a une clairance passée à 50 où je me pose la question de lancer un bilan d’insuffisance rénale chronique qui est probablement favorisé par mon traitement. Mais rien de dramatique ou d’ingérable en médecine générale, où on peut revoir régulièrement les patients.
Pour les patients qui ont une découverte d’HTA, qui m’ont répondu « non, je n’ai jamais les jambes qui gonflent », qui ne sont ni asthmatiques ni BPCO ni insuffisant rénale modéré à sévère, qui n’ont pas de dysfonction érectile ni de carcinome épidermoïde… eh bien avant je mettais plutôt IEC, et maintenant je mets davantage d’indapamide, suite à la lecture de @Dr_Agibus principalement (c’était aussi la reco de Prescrire).
Je débute aussi généralement par une monothérapie, réévaluée à 1 ou 3 mois sur des choix individuels (en gros, automesure à 143/87 mmHg, ça ne me choque pas de mettre un traitement de 3 mois si ça correspond aux choix du patient) :
En IEC, je privilégie ramipril ; parfois enalaprilou perindopril en associations (ramipril+hydrochlorothiaide, enalapril+lercanidipine, perindopril+indapamide)
En ARA2 (si intolérance aux IEC), je privilégie valsartan (AMM la plus large)
En inhibiteur calcique, je préfère lercanidipine qui donne moins d’OMI qu’amlodipine ; si tendance à la tachycardie, je mets verapamil à la place (bradycardisant – donne aussi des OMI, mais on peut tenter quand même si OMI sous lercanidipine et amlodipine).
En diurétique thiazidique, ça dépend (je mets de plus en plus d’indapamide suite aux annonces de carcinome épidermoïde sous hydrochlorothiazide et aux lectures de Medicalement Geek)
La bithérapie d’emblée, je la réserve si la TA est > 160/100 à la maison (quand même rare qu’on n’ait rien introduit entre temps…) ou chez un patient complexe à suivre (marin, routier, etc.), et bien sûr si elle va être bien tolérée a priori (ça m’embête de balancer une bithérapie sur découverte d’HTA à 88 ans disons). Mais comme je suis assez orienté par la tolérance dans mes choix thérapeutiques dans l’HTA, j’évite aussi la bithérapie d’emblée, parce qu’en cas d’effet indésirable peu spécifique, on se prive potentiellement de 2 molécules !
Enfin, en cas d’intolérance à l’une des 3 classes (IEC/ARA2 – inhibiteur calcique – diurétique thiazidique ou apparenté), il y a soit la possibilité de mettre de la spironolactone… Lorsque l’ajout de spironolactone ne semble pas pertinent (ou mal toléré) et devant un patient avec des TA au plafond, je mettais parfois de la rilménidine (parce que me semblait mieux tolérée que les bêta-bloquants, notamment pour les efforts…) mais c’est vraisemblablement une erreur : mieux vaut tenter un bêta-bloquant qui a montré son efficacité sur la réduction de morbimortalité (métoprolol que les MG peuvent prescrire).
Voilà. Je ne détaille pas plus ; pour le choix sourcé sur l’efficacité, je vous renvois à nouveau sur l’article de @Dr_Agibus : Pour traiter l’HTA, tu fais quoi ? (et la fiche sur le diabète <3)
Commentaires fermés sur Et toi, dans l’HTA, tu fais quoi ?
dans l’atmosphère (puissant gaz à effet de serre, favorisé par les engrais azotés)
dans les flacons de MEOPA pour anesthésie (notamment aux urgences pédiatriques)
dans certains moteurs à combustion (kits NOS)…
Il est également en vente libre en tant que gaz de compression pour les cartouches de siphon (chantilly !). Plein de marques : « cream deluxe », « infusionmax », « Fastgaz », « Smilewhip »… Ce sont ces cartouches de siphon qui sont utilisées à visée récréative (drogue).
Il existe plusieurs modes de vente :
capsule métallique de 8g (qui jonche les rues des grandes villes) : 50 cents €
cartouches, bonbonnes (environ 80-100 cartouches) voire obus / « tank » depuis peu.
On trouve ça en vente sur internet pour un prix assez faible…
Les consommateurs vident le gaz dans un ballon de baudruche, puis l’inhalent. Un ballon est réalisé avec 8g environ (1 capsule) mais il existe vraisemblablement une marge importante lors de la vente « au ballon »…
Depuis quand le N2O est utilisé à visée récréative ?
Le N2O a été découvert en 1772, utilisé dans les foires comme « gaz hilarant« , puis en dentisterie au XIXème siècle comme anesthésiant. En 1961, il est utilisé pour la 1ère fois en obstétrique. Le 1er cas d’abus mortel date de 1960 (femme de 19 ans).
Entre 1999 et milieu des années 2000, le dispositif TREND (@OFDT) observe des usages de protoxyde d’azote dans le milieu festif techno-alternatif en France (ballons à 1-2€). Il disparait puis refait son apparition vers 2017 à Lille, Bordeaux, Paris.
Evidemment, la France n’est pas la seule touchée. Le début des signalements à Lille vers 2017 n’est sans doute pas étranger à la proximité avec les Pays-Bas et le Royaume-Uni, où c’est également une pratique en augmentation.
The supply of nitrous oxide as a recreational drug is illegal under the UK’s Psychoactive Substances Act, and yet N2O canisters or “whippets” are readily available to purchase on the internet. This #BMJOpinion looks at this puzzling loophole and its harms https://t.co/QlYcm5DZkx
Il est intéressant de voir que les tweets sur le sujet sont apparus vers 2011. L’un d’entre eux cite l’épisode de Nip/Tuck diffusé en 2011 où un perso « s’éclate » au protoxyde d’azote.
Apparition de la mode en 2011 sur TwitterDéjà évoqué en 2009 dans un épisode de Nip/Tuck
Courant 2016, une revue de littérature a fait le point sur les nombreux cas signalés et les conséquences de ces consommations de protoxyde d’azote. Bien sûr, ce ne sont « que » les cas publiés.
Comment ont évolué les consommations en France récemment ?
Les centres d’addictovigilance et de pharmacovigilance (@Reseau_CRPV) ont rendu plusieurs rapports à @ansm dont le dernier en date était de novembre 2021. Ces rapports ont conduit à des synthèses de l’ANSM, du DGS…
Ces rapports donnent une idée de la consommation en France :
47 cas en 2019, 254 en 2020 (évidemment sous-déclaré !)
68 % hommes – médiane 21 ans (de 14 à 53 ans)
de + en + régulier (30 % usage quotidien)
de + en + important (34 cas prenant > 100 capsules/jour !)
Pour le suivi, on peut voir sur Google Trends un certain cycle dans les requêtes (juillet-août et décembre).
Tendance sur Google
Enfin, outre Twitter, Google Trends et les circuits classiques (addictovigilance et publications), l’analyse des forums peut aussi être une piste pour faire de la « cyberpharmacovigilance » ou « cyberaddictovigilance ». C’est ce qu’on a fait sur un forum de bodybuilder sur le dopage…
Mais… si c’est juste un gaz hilarant, pourquoi empêcher les gens de s’amuser ?
Parce que le protoxyde d’azote a de nombreux effets indésirables graves !
Et cette drogue a le mauvais goût d’être addictive. Comme dit plus haut, certains consomment beaucoup (jusqu’à 400 capsules par jour !). C’est un point discuté dans l’édito de la lettre de pharmacovigilance de Lille en mai 2022.
euphorie, hilarité, distorsion des perceptions (« courses de moto / conduite automobile excitante »)
anxiolyse, défonce, planer, oublier (associé à alcool/cannabis)
antalgique (colopathie fonctionnelle…)
Cela s’explique par ses propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques qu’on peut résumer ici en 2 mots :
absorbé (en 5 min) et éliminé (en 30 min) par voie pulmonaire
ça passe dans le sang en 5 min (effets au niveau cérébral, sur les récepteurs morphiniques, dopaminergiques, etc.)
Pour en savoir plus…
Les risques immédiats sont :
asphyxie (oedème pulmonaire massif par irritation de voies aériennes)
perte de connaissance (surtout sur épilepsie apparemment, ou si polyconsommation)
accidents de la route
brûlures : doigts, bouche, cuisse si bonbonne (froid du gaz)
attaque de panique, délire, amnésie,
vertiges / sensation d’ébriété,
nausées, vomissements ; fausses routes (perte du réflexe de toux par le froid),
fatigue
troubles du rythme cardiaque, douleurs thoraciques
etc.
Il existe aussi des risques plus tardifs, dans le cadre d’un abus répété, dont :
perte de poids
fatigue persistante
insomnie
troubles de l’érection,
anémie, baisse des plaquettes et globules blancs
thromboses veineuses,
troubles neurologiques dont une perte de force et de sensibilité (picotements, engourdissements), un syndrome pyramidal (parésie spastique, comme après un AVC) et des troubles de l’équilibre Bref, un tableau de sclérose combinée de la moelle (combiné = pyramidal + cordonal postérieur)
Souvenirs de sémiologie neurologique
D’autres troubles neurologiques sont décrits : convulsions, tremblements… Pour visualiser, il y a ce récent témoignage via @afpfr ou celui-ci dans cet article du Point.
le N2O oxyde les ions cobalt de la vitamine B12, qui devient inactive
la B12 transforme l’homocystéine en méthionine normalement… donc le N2O augmente l’homocystéine (prothrombotique) et diminue la méthionine, essentielle à la myéline (donc démyélinisation).
Sociétale : depuis le 1er juin 2021, la vente est interdite aux mineurs, dans les débits de boissons et de tabac en France. Dans les actions qui pourront être menées, les centres d’addictovigilance (et @ansm) incitent à poursuivre le recueil et le suivi, informer, limiter l’accès.
En résumé, pour le médecin généraliste…
Devant des troubles neuro chez un jeune (ataxie proprioceptive, paresthésies…), penser à interroger sur la consommation de protoxyde d’azote.
Penser à doser B12 et homocystéine (parfois B12 préservée mais inactive !)
PS : Image mise en avant par MJ Jin de Pixabay. Ce billet a été publié sous forme de fil Twitter en mai 2022 :
Aujourd'hui, parlons du protoxyde d'azote et de ses dangers en tant que drogue récréative… Le protoxyde d'azote est l'oxyde nitreux (N2O, nitrous oxide en anglais), le "proto", le "gaz hilarant", les #Whippets ou #HippyCrack en anglais. #ProtoxydeDazote
Dans ses voeux aux soignants prononcés le 6 janvier 2023 (que j’ai commentés ici), le Président Emmanuel Macron a dit ceci : « Pourquoi on a aujourd’hui 6 millions de nos compatriotes qui n’ont pas de médecin traitant ? Alors, pour les plus jeunes, pour certains, c’est un choix. Mais la vraie difficulté dans ce chiffre, c’est qu’on a 600 000 patients avec des maladies chroniques qui n’ont pas de médecin traitant. Et ça, c’est un vrai problème parce que c’est une perte de chance, parce que ce sont beaucoup d’entre eux que vous allez retrouver après dans des situations plus graves dans vos services (…) Aujourd’hui, ce qu’il y a, c’est que vous avez des gens en situation de maladies chroniques, qui ont des infections (sic) de longue durée, qui sont dans des territoires qui n’ont pas accès à un médecin qui du coup, compte tenu des rigidités de notre système, ne peuvent même pas se faire renouveler une ordonnance auprès de l’infirmier ou de l’infirmière ou auprès du pharmacien. Ça, c’est absurde et on n’a pas le droit de le faire. On doit sortir de ce face-à-face. Donc on doit dire, il y aura toujours des médecins référents, généralistes et spécialistes dans ces coalitions d’acteurs de territoires. C’est à eux de s’organiser pour trouver le temps (…) Concrètement, quand on n’a pas de médecin traitant ou quand celui-ci n’est pas disponible, un patient qui, en cherche un avec urgence, doit pouvoir appeler le 15. Et en fonction de son état de santé, il sera orienté soit aux urgences, soit vers un médecin identifié par ce service. Les appels ont beaucoup augmenté vers, justement, ces fameux SAS, ces services d’accès aux soins.«
Très franchement, il n’y a rien qui va dans tout ça… (et encore, je vous fais un Reader’s Digest là… pour ceux qui ont envie de se faire du mal, n’hésitez pas à aller lire cette partie dans le premier lien de l’article, ou lire le bloc à la fin).
Faisons un rapide survol phrase par phrase :
« Pour les plus jeunes, pour certains, c’est un choix (de ne pas avoir de médecin traitant) » : pardon, mais qui ? Je n’ai JAMAIS entendu une personne qui souhaite NE PAS avoir de médecin traitant, sous prétexte qu’elle est jeune… C’est éventuellement une absence de besoin (médecin parti en retraite ou déménagement, et pas de besoin de santé ressenti, donc pas de recherche de médecin traitant) mais pas un choix de ne pas avoir de médecin traitant… Les mots ont un sens, dans un discours présidentiel qui a normalement été réécrit et relu plusieurs fois.
« On a aujourd’hui 6 millions de personnes sans médecin traitant dont 600 000 patients avec des maladies chroniques qui n’ont pas de médecin traitant ».
D’où viennent ces chiffres ? Apparemment, ce sont les données de Marguerite Cazeneuve (directrice déléguée de l’Assurance Maladie et conseillère d’Emmanuel Macron)… en date du 30 juin 2021. Donc soit les chiffres n’ont pas évolué en 1 an 1/2 malgré la baisse de démographie médicale, soit ils n’ont pas réactualisé pour les voeux du Président de la République pour les soignants (qui basse une stratégie nationale sur des chiffres datés de 18 mois ?! Franchement, la CNAM se moque d’Emmanuel Macron…)
Par ailleurs, il est certain que ces chiffres masquent énormément de choses :
le turn-over des départs en retraite.
Comme dit dans l’autre billet, il y a environ 60 000 MG en exercice libéral en France (et non pas 100 000 comme le dit le PR – qui a intégré dedans les MG qui exercent à l’hôpital ou ailleurs — ouais, je sais, normalement réécrit et relu plusieurs fois…). Et même parmi les 60 000, il y en a qui ne font pas ou peu de suivi (médecins généralistes qui se sont orientés vers l’allergologie ou la médecine vasculaire pour tout ou partie de leur activité, par exemple).
En utilisant les chiffres de la DREES, il y avait 64 142 MG en exercice libéral exclusif en 2012, 63 059 en 2013 (…) et 57 033 en 2022… soit en moyenne 700 MG libéral en moins par an (ce qui est cohérent avec la perte de 800 MG par an selon les prévisions du CNOM 2018).
Selon l’Assurance Maladie, il y a environ 10 millions de personnes en ALD en France (11,4 millions en 2019 mais certains peuvent cumuler plusieurs ALD). Pour 60 000 MG en exercice, cela représenterait donc environ 170 patients en ALD par médecin… il est toutefois probable que ce nombre soit un peu sous-estimé pour les raisons sus-évoquées (à titre personnel, j’en ai 432 en ALD – 341 en ALD vs 905 sans ALD chez les 7-79 ans, et 91 en ALD vs 18 sans ALD chez les octagénaires et plus, sur 1400 patients). Enfin, un médecin généraliste qui part en retraite est a priori un médecin ayant plutôt une patientèle élevée avec un nombre plus important d’ALD…
Partons donc sur 200 patients en ALD par MG libéral en fin de carrière (estimation basse à mon sens) x 700 MG libéral en moins par an, soit 140 000 nouveaux patients en ALD sans MT par an.
Et même dans une zone où un accès aux MG est faisable, il est normal pour un patient en ALD d’attendre la fin de son ordonnance (3 ou 6 mois) avant de consulter, et il est aussi possible que le MG et le patient ne décident pas de faire la déclaration à la fin de la première consultation, mais à la 2ème (pas mon cas, mais j’ai des confrères qui font ça)… bref, quand on fait un état des lieux transversal, il y a dedans des patients qui ont déjà trouvé un nouveau médecin…
… et vous savez qui pourrait déterminer avec précision le nombre de patients laissés sur le carreau chaque année en raison du départ en retraite de leur médecin, et le taux de patients qui retrouvent un médecin (avec le délai) ? La CNAM.
les patients suivis mais pour qui la déclaration n’a pas été faite.
parce que le MG n’est pas ou peu informatisé (et que les déclarations papiers ont tendance à se perdre ou n’être jamais envoyées)
parce que son logiciel n’indique pas facilement qui est le médecin traitant…
parce que la déclaration a été faite… mais a sauté (au cours d’un déménagement, d’un changement de caisse ou autre)
… le nombre est dur à estimer, mais pour avoir déjà eu des cas localement, il n’est pas à 0… et avec 60 000 MG en exercice, il suffit d’un oubli par MG en moyenne pour que ça représente tout de suite des nombres conséquents…
Vous savez qui pourrait déterminer avec précision ce nombre (et poser un bon diagnostic) ? La CNAM, en identifiant les médecins qui ont reçu de façon exclusive plusieurs fois par an les 2 dernières années les patients identifiés sans médecin traitant.
Comme les médecins bénéficient d’un forfait « patientèle médecin traitant », et que les patients sont moins bien remboursés en cas d’absence de médecin traitant, il n’y a pas trop d’intérêt pour l’Assurance Maladie à relancer de cette façon. (Néanmoins, l’Assurance Maladie envoie normalement des courriers aux patients sans médecin traitant, pour les inciter à en déclarer un).
Prenons un territoire de 50 000 habitants, avec 50 MG. C’est ma CPTS. Il y a 900 patients sans médecin traitant. Il suffit d’1 seul MG sur 50 non informatisé qui se fiche de déclarer en MT et a 500 patients déclarés mais 1000 suivis pour expliquer la moitié du nombre… Et avant de dire que c’est impossible, rappelons que 11 % des MG n’utilisaient pas de dossier médical informatisé selon la DREES en 2019 (3 % chez les < 50 ans, 21 % chez les > 60 ans)
les patients en EHPAD
environ 30 % des EHPAD sont à budget global : c’est-à-dire que les MG sont payés par l’EHPAD et n’ont jamais accès à la carte vitale de leurs résidents. Dans ce cadre, les déclarations de médecin traitant sont non faites, ou faites par papier et envoyées à la caisse primaire (on ne peut pas adresser simplement à celle du coin : parfois c’est un patient affilié à la SNCF, à la MSA ou ailleurs… bref, de multiples occasions de perdre le papier)
On a donc un pseudo-problème : des résidents en EHPAD, suivis au quotidien par des professionnels de santé, sous l’égide d’un médecin coordinateur, potentiellement suivis en plus par un médecin généraliste…. mais qui, pour des raisons purement administratives, se retrouvent « sans médecin traitant » (je viens de passer en EHPAD cette semaine : sur 60 patients, 23 étaient sans médecin traitant officiellement, suivis par le médecin coordinateur…)
Il y avait, en 2015 selon la DREES, 730 000 patients accueillis dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées. Combien parmi eux sont concernés par ce pseudo-problème ?
Il y a aussi 32 790 patients accueillis en unité de long séjour. Ce serait intéressant de savoir combien parmi eux sont « sans médecin traitant » sur leur carte vitale… alors qu’ils sont suivis comme dans un service hospitalier (et qu’il n’est d’ailleurs pas possible d’avoir un médecin généraliste qui y intervient de l’extérieur).
… Savez-vous qui pourrait identifier les patients en EHPAD parmi la liste des patients « en ALD sans médecin traitant » ? Oui, la CNAM… Et on pourrait aussi imaginer que les médecins coordinateurs qui font ce suivi de patients puissent bénéficier d’une revalorisation d’ailleurs.
de façon plus anecdotique sûrement, des patients en ALD qui permettent de ne pas avoir de médecin généraliste traitant :
patients hospitalisés longtemps dont le MG est parti en retraite (soins de suite et réadaptation, etc.)
patients qui ont un suivi rapprochés (patients hémodialysés – environ 50 000 en France -, suivis à l’hôpital tous les 2 jours et qui voient régulièrement leur néphrologue qui renouvelle tout le traitement)
patients en ALD qui ont une ordonnance longue pour 1 an (hémochromatose par exemple)
patients qui ont une ALD mais pas de traitement et vont consulter de façon erratique (troubles cognitifs notamment)
... mais qui pourrait bien fournir le détail des ALD des patients avec et sans médecin traitant ?Oui, la CNAM !
et effectivement des gens vraiment en ALD mais sans médecin traitant depuis plusieurs années, qui se font renouveler des vieilles prescriptions comme ils peuvent, appellent le 15 quand ils n’ont pas le choix, etc. Ca existe aussi bien sûr et c’est sur ça qu’il faut se concentrer !
Dans mon territoire de CPTS, on est à près d’1/4 d’ALD sans MT: la moitié des médecins sont partis en retraite en 2 ans, et ce chiffre n’est pas faux : ils ont des ordo avec de fausses dates pour les renouvellement, l’IDE assume ce qu’il peut et le 15 vient les chercher si besoin
Et attention, JE NE DIS PAS QU’IL N’Y A PAS 600 000 PATIENTS EN ALD SANS MÉDECIN TRAITANT. J’en sais rien. Je pense que les 600 000 sont surévalués pour les raisons sus-mentionnées… MAIS en parallèle, il y a aussi un large sous-diagnostic de beaucoup de pathologies. Par exemple, il y a 368 800 patients en ALD15 (maladie d’Alzheimer et autres démences) alors que 1,2 millions de patients seraient concernés, soit un ratio de 1/3 déclaré en ALD (non-diagnostic par le médecin et le patient, diagnostic par le médecin mais patient réticent à faire des tests ou anosognosique, diagnostic par le médecin et le patient mais pas de déclaration car non souhaité par le patient ou patient déjà en ALD pour une autre cause et absence d’intérêt concret pour la déclaration…).
Et un autre truc subtil : on a des patients en ALD avec médecin traitant déclaré… mais qui n’ont pas vraiment de médecin traitant ! C’est le cas notamment en EHPAD, où les patients arrivent, les médecins ne poursuivent plus leur suivi MAIS restent déclarés sur la carte parce que le médecin coordinateur ne fait pas de déclaration.
En tout cas, pour moi, il y a déjà un gros problème de diagnostic et la CNAM a fourni au Président de la République des données datées de 18 mois, sans aucune précision, pour fonder sa stratégie nationale d’accès aux soins. (J’imagine que ce sont les mêmes qui lui ont vendu que le SAS était un grand succès « qui a permis de tenir cet été » alors que ça a représenté 21 000 actes sur 30 millions – soit 0,07 % des actes – en juillet-août 2022).
Le problème, c’est qu’après, il faut trouver des solutions sur ce « diagnostic », dont on ignore tout de la qualité… Concrètement, dans la CPTS où j’exerce, nous avons selon la CPAM 900 patients en ALD sans médecin traitant, sur 9000 ALD (environ 10 % d’ALD sans MT contre 6% au niveau national), sur un bassin de 50 000 habitants (soit 18 % d’ALD contre 10 % au niveau national, parce que milieu défavorisé avec grosses prévalences de cancers, pathologies liées à tabac et alcool notamment). Et là dessus, il faut « réduire » le nombre pour satisfaire l’ARS. OK. Sauf que nous sommes plusieurs à accepter encore les nouveaux patients, qu’il y a même des nouveaux installés… et surtout, ni les infirmiers, ni les pharmaciens n’ont connaissance de patients en ALD qui n’arriveraient pas (durablement) à trouver de MG sur notre territoire (même quand c’est compliqué, ça se résout en quelques appels…).
Garbage in, garbage out…
Je poursuis brièvement pour la fin de l’analyse de ces paragraphes du discours : « Et ça, c’est un vrai problème parce que c’est une perte de chance, parce que ce sont beaucoup d’entre eux que vous allez retrouver après dans des situations plus graves dans vos services (…) »
Il y a un côté « c’est grave parce que ça surcharge les hôpitaux », comme si l’absence de médecin généraliste n’était pas un problème suffisant en lui-même… Même quand ça parle de la ville, il faut que tout soit ramené à la ville (à l’inverse, quand on parle de l’hôpital, la seule pensée pour la ville n’est pas « ohlala ça va faire des patients complexes à suivre » mais « les généralistes ont des droits et des devoirs, ils doivent prendre leur part »).
« Aujourd’hui, ce qu’il y a, c’est que vous avez des gens en situation de maladies chroniques, qui ont des infections (sic) de longue durée »
Oui, c’est le COVID long, et c’est lié à votre politique de prévention complètement nulle, mais on en a déjà suffisamment parlé.
Les fameuses « infections de longue durée » : c’est ballot de ne pas corriger 19 jours après… personne ne lit en fait ?
« (…) qui sont dans des territoires qui n’ont pas accès à un médecin qui du coup, compte tenu des rigidités de notre système, ne peuvent même pas se faire renouveler une ordonnance auprès de l’infirmier ou de l’infirmière ou auprès du pharmacien.«
OK, délégation de tâches, IPA, tout ça… C’est effectivement une des pistes, mais comme dit après, ça ne permet pas de se dispenser de médecins…
« Ça, c’est absurde et on n’a pas le droit de le faire. On doit sortir de ce face-à-face. Donc on doit dire, il y aura toujours des médecins référents, généralistes et spécialistes dans ces coalitions d’acteurs de territoires. C’est à eux de s’organiser pour trouver le temps (…) Concrètement, quand on n’a pas de médecin traitant ou quand celui-ci n’est pas disponible, un patient qui, en cherche un avec urgence, doit pouvoir appeler le 15. Et en fonction de son état de santé, il sera orienté soit aux urgences, soit vers un médecin identifié par ce service. »
C’est le pompon sur la cerise là, l’apothéose de gloubi-boulga pour dire « oh bah merde, il manque de médecins généralistes ». Ca va de « c’est aux médecins de trouver du temps » à « quand le médecin n’est pas disponible, il faut que le patient appelle le 15 qui va trouver un médecin disponible ». Super, merci.
Vous voulez qu’on s’organise pour trouver du temps ? Virez-nous ce qui est inutile, et ça tombe bien, on n’arrête pas d’en parler en médecine générale : dans cette tribune de 2022, dans cette tribune de 2023, et si vous voulez, je vous trouve plus vieux encore…
Encore faudrait-il prêter un peu l’oreille à ceux qui ont une expérience des soins de ville, plutôt que n’avoir d’ouïe que pour des gens qui vous filent des données imprécises vieilles de 18 mois qui vont faire suer toutes les CPTS du pays pour résoudre un problème qui est purement administratif (utiliser du temps médical à résoudre ces conneries de la CNAM… c’est utiliser du temps à ne pas accepter de nouveaux patients).
Oh, et bonus track : je disais que nous perdons 800 médecins généralistes en moyenne par an, selon les chiffres de la DREES et les projections du CNOM en 2018. C’est à mon sens un pôle important pour expliquer le nombre de patients en ALD laissés sur le carreau. Mais en novembre 2026, on aura une promotion entière (4000 internes de médecine générale) qui ne sortiront pas de leurs études pour s’installer ou remplacer, mais seront les premiers à entamer une 4ème année d’internat où, a priori, ils ne pourront pas accepter de nouveaux patients en ALD n’ayant plus de médecin traitant.
Projection du CNOM en 2018. Tout va bien, la population vieillit en parallèle, mais tout va bien.
TL;DR : je n’en sais rien ! Il y a une sous-déclaration des affections longue durée… et une sous-déclaration des déclarations en tant que médecin traitant (oubli, patients en EHPAD, transition après un départ en retraite…). Quoiqu’il en soit, les chiffres sont datés de juin 2021, n’ont pas été réactualisés, et manquent cruellement de précision pour essayer de les comprendre au niveau national. C’est sur la base de ce diagnostic imprécis (et daté de juin 2021) que la politique nationale se décide quand même, avec notamment une obligation pour les professionnels de santé sur les territoires, via les CPTS, de comprendre et résoudre ce problème localement… alors qu’il pourrait être résolu en grande partie au niveau national par la CNAM.
Les CPTS n’ayant pas vocation à être des escape game, il serait de bon ton que toutes les caisses (ou la CNAM) puissent fournir régulièrement aux professionnels de santé de leurs territoires les réponses à ces questions – qui ne sont pas publiquement disponibles – : parmi les patients en ALD sans médecin traitant sur le territoire X :
quel estle nombre de patients laissés sur le carreau chaque année en raison du départ en retraite de leur médecin, et le taux de patients qui retrouvent un médecin (avec le délai) ?
existe-t-il des patients suivis régulièrement (> 2 fois par an) par le même médecin généraliste pour leur pathologie en ALD, sur les 2 dernières années ? Si oui, est-ce que la non-déclaration est un choix ou un oubli du MG et/ou du patient ?
combien sont en EHPAD, en résidence autonomie, en unité de long séjour, où il y a a priori un suivi médical et paramédical rapproché ?
existe-t-il certaines ALD plus concernées que les autres par l’absence de médecin traitant déclaré (hémodialyse, troubles cognitifs…) ?
… et bien sûr des informations sur les tranches d’âge, le sexe, les villes et les professionnels de santé consultés par ces patients (infirmiers, pharmaciens, etc.) qui pourraient les aider à les orienter.
Ca me semble la base que devrait réclamer la commission « accès aux soins » de chaque CPTS à leur(s) CPAM, à défaut d’une action de la CNAM.