Thomas Fatôme et les assistants médicaux : des erreurs d’interprétation aux fakenews

En ce moment, je radote les mêmes tweets…

1 – Il faut supprimer du temps administratif (lien vers le billet de blog) aux médecins et des solutions existent

2 – pourtant, François Braun n’a proposé que des pseudo-mesures ridicules (lien vers le billet de blog), qui ne feront pas gagner de temps et qui ne sont que de la communication…

https://twitter.com/mimiryudo/status/1623416367138455552?s=20

3 – Parmi les tâches, nous devons (via les CPTS) nous déclarer médecin traitant à tous, surtout les fameux 600 000 patients en ALD prétendument sans médecin traitant (d’après des données nazes de juin 2021, dont on ignore si les patients ne sont pas déjà suivis avec oubli de déclaration, ou en EHPAD suivi au quotidien par des équipes soignantes, ou juste avec un médecin retraité depuis 1-2 mois…). Nous devons donc perdre notre temps pour réparer les données nazes de l’Assurance Maladie.

4 – Bref : nous avons toujours la même charge administrative, mais en plus nous devons réparer les données foireuses de l’Assurance Maladie.
En face, leur seule proposition, l’Assurance Maladie ne propose rien d’autre que prendre des assistants médicaux…

C’est ce dernier fil que je vais détailler ici (les autres ont déjà leurs billets, ce sont les liens dans les titres).

Mes 3 sources

Les assistants médicaux ont fait l’objet de rapports de l’Assurance Maladie en juin et octobre 2022. Ils sont accessibles sur Egora ou sur Le Quotidien du médecin :

  • Egora juin 2022 : « Plus de patients grâce aux assistants médicaux : la Sécu dévoile les premiers résultats »
  • Le Quotidien du médecin juin 2022 : « Assistants médicaux, ça décolle : 3 112 contrats signés, un demi-million de patients ont trouvé un médecin traitant »
  • Egora octobre 2022 : « Assistants médicaux : jusqu’à dix jours de travail gagnés pour les médecins »

Les titres sont amusants : on voit bien ce sur quoi l’Assurance Maladie a axé sa communication malhonnête face aux journalistes présents. Je vous en propose une lecture critique.

Primo, la Sécu ment si elle prétend qu’un demi-million d’assurés ont trouvé un assistant « grâce » aux assistants médicaux

Voilà ce qu’on apprend dans ces articles :

  • 2439 contrats signés par des MG en juin 2022
  • dont 1937 par des « vieux installés » et 502 par des MG « nouveaux installés » (21 %)
  • au total, ils suivaient 2 349 681 patients avant et 511 930 en plus après (soit 18 %).

Première conclusion : en augmentant de 21 % les installés, on augmente de 18 % les patients suivis ! Le titre « assistants médicaux : 1/2 million de patients ont trouvé un médecin traitant » est donc trompeur.

Et donc ça, les génies l’Assurance Maladie disent que c’est grâce aux assistants. BAH NON C’EST GRÂCE AU FAIT QUE VOUS ANALYSEZ DES NOUVEAUX INSTALLÉS !

Ces données auraient dû être présentées avec ces gros drapeaux rouges qu’ils ne veulent rien dire. La CNAM a quand même analysé un sous-groupe d’installés avant 2016 (pour analyse en 2019, donc installés depuis 3 ans ou plus), et là il n’y avait plus que 305 médecins… Ca confirme bien que les chiffres précédents sont juste inutilisables (liés au fait qu’un MG néo-installé augmente sa patientèle, bravo les artistes).

Notons enfin qu’un(e) assistant(e) médical(e) peut faire la tâche… administrative de vérifier les déclarations médecin traitant et rattraper les oublis.

Deuxio, la file active des MG les plus motivés augmente pendant que la démographie médicale diminue

Et là donc sur 305 médecins : + 5,3% de file active entre juin 2019 et décembre 2021… sans comparaison avec un groupe sans assistant !

Sachant qu’entre 2019 (58 748 MG libéraux en exercice) et 2022 (57 033), on a perdu 3 % des MG… et oui, on voit les patients des MG retraités, quelle surprise ! D’ailleurs, « entre 2017 et 2019, la file active des MG a progressé de 2,6 % » par évolution de la démographie médicale, dixit la CNAM dans un autre document d’avril 2022. Une information qu’ils ont dû oublier de présenter en juin 2022…

Néanmoins, 5,3 % de file active en plus, c’est mieux que 2,6 %… sauf que :

  • le sous-groupe comprend des gens installés en 2016 ou 2015 pour une analyse en 2019… potentiellement, il s’agit d’une augmentation « naturellement » élevée (c’est un peu mon cas d’ailleurs, installé fin 2014 ; en 2019, j’ai vu 4750 patients contre 4518 en 2018, soit +5,1 % sans assistant !) (Je serais donc curieux de voir ce qu’il se passe quand on déplace un peu le curseur, en ne choisissant pas un seuil à 2016 mais à 2015 ou 2014… avant de vouloir imposer dans la convention des assistants pour tous, ça serait bien d’avoir des données ouvertes non ?)
  • nous sommes dans un groupe « MG avec assistant médical » DONC s’étant engagé à augmenter sa file active. Un MG qui va réduire pour x raisons (familiales notamment) ne va pas s’amuser à prendre un assistant médical.
  • il est probable que les MG avec assistant médical soient plus souvent en MSP (où il y a plus d’intérêt à avoir un assistant médical) et donc une file active volontiers plus importante (parce qu’ils voient les patients des collègues de la même maison, avec secrétariat partagé). Ca pose d’ailleurs la question : est-ce une amélioration de la qualité ou l’accès des soins d’avoir une grosse file active ?

Deuxième conclusion : est-ce que l’embauche d’un assistant médical permet d’augmenter la file active ? Au maximum de 3 % par rapport à l’évolution naturelle MAIS très probablement juste biaisé par le fait qu’on ait sélectionné des MG souhaitant augmenter leur file active.

Au passage, voici la réponse de Thomas Fatome lors d’un tchat organisé par le Quotidien du Médecin en décembre 2022. Quels chiffres présentent-ils à votre avis ? Oui, les premiers chiffres sur l’ensemble des contrats, complètement bidons puisqu’ils ont intégré 23 % de leur effectif qui concernent des médecins qui venaient de s’installer et qui « grâce à l’assistant médical » ont augmenté depuis 0 patient, de façon totalement inattendue (soit ce sont des politiciens malhonnêtes, soit ce sont des clowns – options non mutuellement exclusives, bien sûr).

Tertio, l’assistant médical qui s’auto-finance est un mythe et l’Assurance Maladie ne peut pas l’ignorer.

Aujourd’hui les assistants médicaux sont financés par @Assur_Maladie pour l’instant, mais le projet était (est encore ?) qu’ils « s’auto-financent » grâce au fait que le MG travaille davantage… (c’est pour ça que c’est une contrepartie à l’accueil d’un assistant).

En gardant un optimiste +3% de file active (de 1700), ça fait 51 patients vus sur l’année, soit 4 par mois. Admettons que ces patients soient vus 3 fois chacun dans l’année, ça ferait 12 par mois.

On nous propose d’embaucher un assistant à mi-temps, qui permettent de voir au mieux 12 patients supplémentaires par mois à 25€ brut pour le financer… 400€ de recettes (200€ de bénéfice donc à la louche) contre l’embauche d’un assistant à temps plein. LES CALCULS SONT PAS BONS KEVIN !

C’est sans doute pour ça que maintenant, les aides pour l’emploi d’un assistant médical sont « pérennes : pour être plus précis, elles sont majorées pendant les trois premières années puis s’ajustent mais continuent d’être versées au médecin dès lors que les objectifs en termes de file active et de patientèle médecin traitant sont respectés » (toujours Thomas Fatôme dans le tchat de décembre 2022).

Pérenne DÈS LORS QUE LES OBJECTIFS… Tout à fait rassurant.

En pratique, « pour être plus précis » comme dirait le Directeur Générale de la CNAM, voici le tableau d’Ameli. Le « reste à charge » pour le MG employant un assistant à mi-temps est de 7 500€ par an… il faut donc voir 300 patients à 25€ en plus chaque année (en recettes brutes pour compenser les dépenses brutes qui sont évidemment déductibles). Avec une augmentation de file active de 51 patients par an, ça implique donc soit de voir plus fréquemment nos patients habituels (… un bon moyen de transformer la médecine en commerce), soit de voir 6 fois chacun nouveau patient qui se présente ponctuellement à nous.

Dans la nouvelle convention, c’est même plus clair… et relisez bien le message « pour être bien précis » de Thomas Fatôme pour comprendre que la course à l’échalote ne pourra mener qu’à l’arrêt de l’aide dans quelques années avec la réaugmentation de démographie médicale (prévue vers 2025-2026). C’est d’autant plus pervers que la diminution d’activité (pour x raisons, personnelles, familiales ou autre) va s’accompagner d’une perte de la prime d’aide à l’emploi de 10 000 à 20 000€ la même année !

Vous avez bien augmenté votre patientèle de 1831 à 2009 patients MAIS votre file active est passée de 2587 à 2500 parce que vous avez eu moins de soins urgents cette année ? Dommage, vous perdez 20 000€.

Notez que même l’augmentation très optimiste de 5,1 % de file active n’est rien par rapport au + 20% demande avec un assistant à temps complet à un médecin au 50eme percentile (311/1514). On se demande aussi comment il peut imposer + 19 % en patientèle médecin traitant alors que leurs chiffres donnent +10%. Ça va souvent propratiser… jusqu’à ce que l’un des chiffres atteigne son pic, et couic.


Quarto, les assistants ne permettent pas d’augmenter la patientèle de 5 à 10 %, contrairement à ce que raconte Thomas Fatôme (décidément…)

Toujours dans le sous-groupe de 305 MG installés depuis plus de 3 ans et avec assistant médical, l’Assurance Maladie explique que ce contrat aurait « permis d’augmenter de 9,9 % le nombre de patients ayant un médecin traitant (entre le 30 juin 2019 et le 31 décembre 2021), mieux que les 7,1 % attendus ». Je comprends (peut-être à tort) comme : 7,1% pour les MG sans assistant soit finalement +2,8% ?

Là encore, admettons qu’on soit à un petit + 2,8 %… DANS UN GROUPE DE GENS QUI SE SONT ENGAGÉS À AUGMENTER LEUR PATIENTÈLE (pour respecter le contrat, le fameux « pérenne dès lors que les objectifs… »), et qui ont une personne dédié à faire de l’administratif tel que la déclaration médecin traitant.

Mais même ce 2,8 %, j’en doute.

Regardons un peu les chiffres pour tout MG confondu en France…

  • en 2019, les MG suivaient 960 patients en moyenne (selon l’Assurance Maladie)
  • en 2021, ils en suivent 1060

Soit sur la période d’étude…. + 10,4 %, et non pas « 7,1 % attendus ».

Ah…

Donc entre 2019 et 2021, nos patientèles ont augmenté de 10,4 % en moyenne (parmi les 50 500 MG en exercice libéral) et de 9,9 % dans le groupe de 305 MG installés depuis plus de 3 ans avec assistant médical d’après les données sourcées (CNAM) que je présente.
Sans doute que la CNAM n’utilise pas ses propres sources, peut-être qu’ils incluent les enfants < 16 ans d’un côté et et pas dans l’autre : c’est le problème de n’avoir accès qu’à des rapports parfois imprécis. La confiance aveugle, je veux bien… le jour où ça sera réciproque. Ca n’est clairement pas le cas (on en a déjà parlé…)

Donc dire « un assistant médical permet de faire gagner 5 à 10 % de patientèle » est donc une joyeuse fakenews de @ThomasFatome dans sa vidéo de février 2023… Les patientèles augmentent à cause de la chute de la démographie.

Quinto, la mauvaise foi n’a aucune limite à la CNAM

Bon le dernier point, c’est mon préféré, mon chouchou.

Admettons que vous ayez envie de prendre les gens pour des cons. Vous êtes même expert en ça, vous vous appelez Thomas F. par exemple.

En décembre 2022, vous poursuivrez l’essorage des données (pas du tout aussi flatteuses qu’attendu, comme précisé ci-dessus) obtenues auprès des 305 MG installés depuis plus de 3 ans, et là vous dites ceci : « le temps de travail initial des médecins signataires s’élevait à 254 jours par an ; il est aujourd’hui de 252 (…) Le gain est particulièrement important chez les médecins de plus de 60 ans, qui passent de 257 à 251 jours de travail (-2.3%) (…) et chez les médecins ayant les patientèles les plus importantes : ceux qui sont au percentile 90 (soit plus de 1.844 patients MT) gagnent ainsi 10 jours de travail (-3.9%) »

Alors, en fait, ça s’appelle la RETRAITE ! Je sais que c’est un concept avec lequel ce gouvernement a du mal, mais quand même…

Visiblement, les moyennes ça leur échappe aussi (sur un groupe de 305 MG, vous en mettez 2 à la retraite et plouf ça fait une moyenne à 252 ; vous en mettez 4 qui se mettent en association et bossent à 50 %, même résultat…).

Par ailleurs, c’est juste normal que le nombre de jours moyen diminue SURTOUT QUAND ON EST À 254 JOURS PAR AN (ce qui implique 5 jours par semaine x 51 semaines par an – la 52ème pouvant correspondre aux jours fériés)… Ca peut aussi être lié à des difficultés pour se faire remplacer (évidemment on n’est pas ouvert 254 jours par an, la moyenne est à 227 jours d’après la CNAM, le reste est donc fluctuant selon l’offre des remplaçants – déjà occupés vu que la démographie médicale baisse pour rappel).

Mais donc ce qui est magnifique, c’est que l’Assurance Maladie lie ça… aux assistants médicaux !!! J’en ai vu des foutages de gueule dans ma vie, mais là on touche au sublime. J’imagine que chez les MG qui ont une patientèle de 1900, c’est l’assistant médical qui les relaie seul au cabinet 10 jours par an du coup ^^

Est-ce que l’embauche d’un assistant médical permet d’augmenter l’accès aux soins ? Non, il a même été associé à une réduction du nombre de jours d’ouverture, en particulier chez les +60 ans… ce qui n’est qu’un artéfact de la moyenne avec quelques pré-retraite / association / retraite / difficultés de trouver un remplaçant. Il faut une malhonnêteté en titane renforcé pour présenter ça comme un « impact positif » des assistants médicaux : cette malhonnêteté, Thomas Fatôme la porte en justaucorps.

Quand l’Assurance Maladie présente une diminution de nombre de jours d’ouverture des cabinets médicaux comme un progrès pour l’accès aux soins qu’on doit aux assistants médicaux, c’est que la conclusion est écrite avant les résultats, pour répondre à l’idéologie macroniste « un assistant pour chaque MG ».

Les vrais résultats de cette expérimentation sur 305 MG sont les suivants :

  • la CNAM a dépensé environ 20 000€ par assistant par an et signé 4000 contrats, soit 80 millions d’euros par an
  • au mieux, en faisant abstraction des biais (les MG concernés sont ceux qui se sont engagés – parce qu’ils le pouvaient – à augmenter leur file active ou leur patientèle), ça a permis d’augmenter la file active de 51 patients par an, soit 4 par mois.
  • ce qui prouve bien que les MG sont déjà très efficients.

Si demain, d’un coup de baguette magique législative on remplaçait les arrêts de travail < 3 jours par des auto-déclarations sur le modèle vécu pendant la COVID :

  • la CNAM gagnerait à la louche (car les données n’existent pas) 1 consultation par jour par MG, soit en comptant très bas 200 millions d’euros par an
  • cela libérerait 250 créneaux par an par médecin ; et ça ne toucherait pas que ceux qui s’engagent à augmenter leur file active mais bien tous les MG, y compris ceux qui sont sous l’eau
  • ce qui prouve bien que la CNAM n’est vraiment pas efficiente, que le MEDEF a bien trop d’importance dans les décisions politiques, et qu’aucun élu dans ce pays – de quelque parti que ce soit – ne fait suffisamment confiance dans les salariés pour soutenir ce projet pourtant évident…

Néanmoins, pour conclure ce (long) billet par une note positive : les assistants médicaux peuvent être utiles aux MG pour réduire leur temps de travail invisible (comptabilité, gestion du cabinet…). Je sais un peu de quoi je parle quant aux attentes des MG, j’ai publié un article sur leurs préférences quant à la délégation de tâches aux assistants médicaux en 2018 (avant l’avènement de Doctolib et consorts avec le COVID, qui a simplifié les tâches de prises de RDV). Plutôt que bidonner et survendre des chiffres comme l’a fait Thomas Fatôme, il aurait été plus malin d’interroger médecins et patients sur l’apport concret des assistants médicaux à leur fonctionnement.
Pour l’heure, c’est surtout une façon d’avoir un secrétariat financé en partie par la CNAM.
Les assistants médicaux pourraient éventuellement améliorer la qualité des soins, par exemple en augmentant le taux de réalisation de quelques actes techniques tels que les ECG, IPS, spirométries… mais je doute que ça soit fréquemment fait. C’est aussi une façon de les « rendre rentable » et diminuer notre efficience pour gagner plus (exemple : consultation J0, ECG J1 par l’assistant, interprétation et explications J2 par le médecin… ça évite de faire consult avec ECG à J0 comme c’est le cas actuellement, beaucoup trop efficient !)

Enfin, rappelons que quand on projette de financer à hauteur de 15 000€ avec l’argent des assurés des assistants médicaux dans tout le pays, le minimum serait de rendre mieux accessibles les données (anonymisées) concernant les 305 MG…

(EDIT du 2 avril : j’ai modifié le titre « plus menteur, tu meurs » en « des erreurs d’interprétation aux fakenews » parce que lors que je lui ai évoqué ces problèmes au CMGF, il semblait découvrir de bonne foi que c’est faux. Il ne semblait pas ouvert à modifier son propos — qui deviendra alors un mensonge volontaire ou une absence de remise en question…)

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Grève du 14 février : mes motivations

Pour la première fois en grève ce mardi 14 février.
La grève va être récupérée de toutes parts, mais mes revendications à moi sont celles-ci :

1 – que l’Assurance Maladie et les législateurs fassent leur travail pour nous supprimer des actes de faible intérêt, afin qu’on ait plus de temps pour le médical dans un contexte de pénurie de médecins (c’est l’objet d’une tribune qu’on a publié dans l’Express début janvier 2023, d’une autre en janvier 2022 dans le Figaro et d’autres fils Twitter déjà rappelés ailleurs).

Les principales mesures que nous réclamions étaient :

  • supprimer les arrêts de travail de moins de 3 jours (délai de carence) pour les remplacer par des autodéclarations (comme avec le COVID)
  • supprimer le certificat « enfant malade » pour le remplacer là aussi par une autodéclaration du parent employé.
  • supprimer les prescriptions de transport, de lit médicalisé, d’orthophoniste, de toilettes etc. en faisant SIMPLEMENT confiance aux professionnels de santé concernés (ambulanciers, pharmaciens, orthophonistes, infirmiers…) plutôt qu’en utilisant les médecins généralistes comme des « contrôleurs » anti-fraude.

2 – que le Ministre de la Santé arrête de nous vendre n’importe quoi pour la médecine générale, à laquelle il ne comprend manifestement pas grand-chose…
Pour vous donner un ordre d’idée récent, par rapport aux mesures proposées ci-dessus, voici LUI ce qu’il a proposé la semaine passée pour « redonner du temps au médecin » selon ses dires…

J’en ai fait une lecture critique sur ce billet, mais globalement c’est nul !

https://twitter.com/mimiryudo/status/1623416367138455552?s=20&t=FqU7xzSawi6tpomTcuwMeQ

3 – que l’Assurance Maladie arrête ses stupidités technocrates dans la convention 2023-2027 en cours de négociation…

Pour l’heure, il est prévu que les médecins doivent remplir 4 cases pour pouvoir coter des consultations « de niveau 2 ou 3 » (donc coter des consultations de pédiatrie, de gériatrie, de reprise de dossier complexe, etc.)
A titre personnel, je valide les 4 cases parce que j’ai une grosse patientèle, je suis en secteur 1, je fais des gardes et participe au (récent) SAS, et je suis impliqué dans la CPTS Opale Sud…
Mais il existe des lieux sans CPTS, des médecins qui couvrent un grand territoire peu peuplé qui n’ont pas de grosse patientèle mais rendent un énorme service, et puis des médecins qui par choix familial travaillent en temps partiel, ou ne font que de la pédiatrie… et sont tout aussi utiles que d’autres comme moi pour l’accès aux soins ! Ce genre de décision délirante et déconnectée de la réalité va les pénaliser et va dissuader toute future installation en libéral… et donc altérer gravement l’accès aux soins des patients !

Voilà les raisons de ma grève de mardi, et aucune autre !

Ma motivation principale est de préserver un accès aux soins malgré la diminution actuelle et prévue des médecins dans les années à venir… sans aggraver la situation avec une convention inique.

Malheureusement, on n’entendra sans doute que 2 trucs dans cette grève : la consultation à 50€ et l’opposition à l’accès direct aux infirmiers de pratique avancée (IPA) et kiné.
JE NE SOUTIENS PAS CES DEUX DEMANDES, qui sont à mon sens opposées à l’accès aux soins pour lequel je fais grève (oui c’est une grève qui mélange tout…)

Concernant la consultation à 50€, il y a plein de professions où on peut doubler le salaire, mais pas les médecins ^^’

  • certains disent que c’est pour pouvoir embaucher des gens mais personnellement, je ne veux pas faire ça : si c’est pour améliorer l’accès à des psychologues, diététiciens, ergothérapeutes, je préfère que la sécu les rembourse plutôt que me filer des sous pour que je devienne employeur…).
  • quant aux assistants médicaux, je ne sais pas ce que j’en ferais… à part traiter de l’administratif inutile (non médical) dont la suppression ferait gagner du temps à tous ! La CNAM sait elle-même que les assistants n’apportent rien : en mai 2022, sur 3100 contrats signés (dont 700 concernant des nouveaux installés), l’augmentation moyenne de patientèle a été de 10% et la file active de 5%… sauf que si on a 700 nouveaux à 0 patient et 2400 qui suivent 1000 patients, ça fait en moyenne 774 patients/médecin ; si 1 an plus tard tout le monde est à 850 patients, la moyenne a bien fait + 10% mais au final il n’y a que les nouveaux qui bossent davantage et les autres moins… bref, vous voyez l’idée.
    Sur 305 contrats de plus de 30 mois, ils ont ensuite analysé les jours travaillés et ont trouvé que les médecins travaillaient des jours en moins notamment les plus de 60 ans… J’sais pas quoi ajouter, visiblement ils ont des difficultés avec le concept de moyenne…

D’ailleurs, ça m’a fait rédiger un fil Twitter ces articles…

Concernant les IPA, j’ai accueilli une IDE qui a repris des études d’IPA pendant 35 jours avec grand plaisir, et je suis évidemment favorable à l’accès des patients à tout professionnel de santé, qu’il soit médecin ou infirmier (spécialisé dans les soins d’urgence, ou dans le suivi de pathologie chronique stabilisée – c’est très spécifique !). Ce professionnel saura alors le prendre en charge ou l’adresser vers quelqu’un qui saura… L’épouvantail du « retard diagnostic » m’échappe : de toute façon, soit on est dans un lieu avec « concurrence » médecins / IPA et il n’y a pas de raison que les patients privilégient les IPA (ce qui est bien le problème les concernant pour se faire une place d’ailleurs), soit on est dans un lieu sans médecin et il faut être tordu pour préférer l’absence de soins à des soins par un(e) IPA… Par ailleurs les IPA sont surspécialisés : suivi de pathologie chronique stabilsée, soins d’urgences, suivi psychiatrique, etc. Ce qui veut dire SURTOUT qu’un patient consultant un(e) IPA pour son suivi de diabète MAIS qui a un trouble anxieux, qui a un trouble musculosquelettique ou autre… devra voir son médecin traitant.

Cette opposition à l’accès aux kiné et IPA est malheureusement soutenue (pour une raison qui m’échappe) par de nombreux syndicats et l’Ordre des médecins (qui n’arrive pas à s’opposer à la violation du secret médical par toutes les assurances du pays lorsqu’elles doivent indemniser leurs assurés… mais qui est prompt à limiter l’accès aux soins !).

Bref, je fais grève pour l’accès aux soins, je fais grève pour que l’Assurance Maladie de Thomas Fatome me compte parmi ceux qui s’opposent à ses négociations, je fais grève pour réclamer plus de temps et que nos législateurs (Jean-Pierre Pont chez moi) fassent leur travail de législateur pour redonner du temps aux médecins et sans que François Braun nous propose de la poudre de perlimpinpin en se fichant de nous.
Je fais grève pour ça, et je sais que je vais regretter la récupération qui en sera très sûrement faite et qui ne représentera pas mes motivations à fermer le cabinet ce mardi 14 février…

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Les pseudo-mesures de pseudo-simplification par le… ministre

Dans ce communiqué, @FrcsBraun annonce 15 mesures de simplification administratives.

https://twitter.com/Sante_Gouv/status/1623348768639795201


Faisons le point sur chacune d’entre elles, pour découvrir que si le foutage de gueule devient une discipline olympique, on tient notre champion pour 2024 💪

Mesure 1 – Les règles en matière de certificats médicaux (crèche, écoles, employeurs, situation de handicap) seront clarifiées.

Ca existe déjà : ça a été fait en 2011 par @ordre_medecins @Assur_Maladie et les ministères du Travail, du Budget et de la Santé à l’époque.

Mesure 2 – Un point d’entrée unique sur service-public.fr pour les certificats médicaux « en ligne d’ici l’été 2023 »

OK. Le site est très bien, avec une recherche souvent assez simple, mais ce serait un plus.
« D’ici l’été 2023 » pour créer une page sommaire… whaow, vous êtes des sacrés glandeurs @Sante_Gouv !

Mesure 3 – Des campagnes d’information régulières comme en septembre sur les certificats de sport inutiles.

OK. En fait, c’est une seule mesure que vous voulez faire, mais vous en comptez 3 quoi.
On pouvait faire 5 mesures en détaillant « affichage public » et « campagne radio » 🤡 

Et puis bon… vous allez faire des campagnes d’information grand public, ok.
Sauf que si le responsable du club de pétanque de Saint-Trifouillis-De-L’oie-Sauvage réclame des certificats pour se couvrir, bah le patient a un papier à remplir ou il ne peut pas accéder à son loisir 

Mesure 4 – Une solution fiable de transmission dématérialisée des pièces justificatives avant la fin 2023.

Ouais, les feuilles de soins dégradées. Ca existe déjà. Mais @Assur_Maladie veut un duplicata papier inutile : supprimez ça sans attendre fin 2023 !

J’ai déjà écrit un billet de blog sur ce sujet pour rappeler la totale stupidité de l’Assurance Maladie qui réclame un papier (inutile) pour un acte payé après télétransmission sans carte vitale (mode dégradé donc)… PAPIER QUI N’ÉTAIT PLUS DEMANDÉ DE MARS 2020 À JUILLET 2021, quand la même Assurance Maladie craignait de toucher du papier. Quelle bande de clowns quand même !

Mesure 5 – L’application carte vitale sur smartphone pour limiter les oublis.

Alors non : avoir une version smartphone va AUGMENTER les oublis. On aura donc un truc + chronophage…
… et LE DÉGRADÉ EXISTE DÉJÀ SAUF QUE COMME DIT AU-DESSUS, L’ASSURANCE MALADIE EN FAIT UN TRUC DÉBILE…

Répétons-le : il existe un mode pour facturer qui on le souhaite sans papier, ça s’appelle le mode dégradé. Mais la sécu demande un papier inutile, qu’elle a arrêté de demander pendant 16 mois sans conséquence aucune avant de reprendre pour satisfaire un irrépressible besoin d’administratif. Et là ils nous disent que la solution c’est de créer un nouvel outil avant fin 2023 ou d’avoir des cartes vitales dématérialisées… Vous vous rendez compte à quel point ils méprisent les médecins généralistes en considérant qu’ils vont forcément frauder avec les feuilles dégradés ?

J’ai déjà détaillé mon avis ici :

https://twitter.com/mimiryudo/status/1615239043612016640?s=20&t=5Fj9E4M2xK9NKA_3AByQBw

Mesure 6 – La révision des durées d’ALD pour qu’il n’y ait plus de limite pour certaines.

En pratique, ça existe déjà depuis quelques années : beaucoup d’ALD sont passées à 10 ans avec renouvellement automatique.
C’est une mesure pour soulager les médecins conseils ça ? 

Mesure 7 – Les fins de droits à l’ALD seront mieux anticipés en informant MG et patients 3 mois avant « d’ici l’été 2023 ».

Bonne nouvelle : ÇA EXISTE \o/ Promesse tenue avant d’être prononcée. Bon ok, vous allez modifier la recherche « 2 mois » par « 3 mois » « d’ici l’été » 😁

La page « affections longue durée » sur AmeliPro… On a la liste avec fin d’exonération de toutes les ALD, avec possibilité de trier par date, et éventuellement de ne sélectionner que celles arrivant à échéance dans 2 mois. Promesse tenue avant d’être prononcée : l’exploit des gens très compétents dans leur métier.

Mesure 8 – Les dernières caisses qui ne permettent pas la dématérialisation des ALD devront y passer (MGEN, CAMIEG…)

OK, c’est bien.

A la louche, je dois faire 1 ALD hors caisse générale tous les mois environ, avec un imprimé existant sur nos logiciels : en pratique, ça va donc plus vite que d’aller sur EspacePro, entrer le numéro de carte vitale du patient, valider, aller sur « ALD » puis « créer demande ALD » puis remplir et valider… MAIS le patient ne payera pas le timbre et ça fera gagner du temps… au médecin conseil !

Sinon, vous voulez faire mieux ? Supprimez toutes ces caisses, passez à une caisse unique.
Ca, ça serait de la simplification, et des économies. 

Mesure 9 – « Le déploiement d’un contenu enrichi sur le portail Ameli pro de l’Assurance maladie pour faciliter son utilisation et les interfaces avec les logiciels métiers utilisés par les médecins libéraux. »

Mettez un moulin devant @FrcsBraun, et décommandez 10 ans d’uranium. 

Blague à part, sous @Prokov_Editions, on peut déjà télétransmettre des arrêts de travail, des déclarations médecin traitant…
Avant on pouvait aussi faire les AT/MP mais @Assur_Maladie a changé les Cerfa du jour au lendemain donc on ne peut plus. 

Ce qu’on pourrait améliorer : retélétransmettre les AT/MP, ouvrir les télétransmissions de prescriptions médicales de transport (ou mieux : les supprimer !), mieux lier les sorties et entrées de patientèle d’AmeliPro avec le logiciel métier… pas grand-chose d’autre à mon sens pour gagner du temps.

Mesure 10 – « L’accompagnement des médecins libéraux sera renforcé grâce à l’intervention des délégués du numérique en santé de l’Assurance maladie pour le déploiement du Ségur numérique. »

Ah ok, donc « les délégués numériques feront leur taf » c’est une mesure ça ? 

Mesure 11 – « Un bilan complet et partagé sera dressé avec les médecins libéraux de la vague 1 du Ségur au premier trimestre 2023, pour intensifier les actions sur les différents sujets de difficultés identifiées. »

Mais c’est pas une mesure ça ! C’est un retour, un feedback, un truc normal quand on lance un projet d’ampleur… C’est quoi cette mission flash ?!

–> ah bah répondons à cette question : « François Braun a tenu à saluer l’important travail réalisé par la mission qui a conduit plus de 60 entretiens (de représentants de syndicats médicaux, présidents des conseils de l’Ordre, MEDEF et CPME, représentants de services de l’état) et analysé les contributions (par questionnaire en ligne) de plus de 900 médecins entre décembre 2022 et janvier 2023. »

Mesure 12 – « Une mobilisation accrue des éditeurs de logiciels, pour continuer à proposer aux médecins libéraux des produits ergonomiques et respectant le cahier des charges du Ségur. »

MAIS SAPERLIPOPETTE, C’EST ÇA QUE VOUS APPELEZ UNE MESURE ? Quel foutage de gueule @FrcsBraun : c’est juste le taf et la raison de vivre des éditeurs de logiciel qui, s’ils ne respectent pas le cahier des charges, vont juste devoir fermer leur boîte en fait !

Mesurette 13 – « Les médecins libéraux seront mieux associés aux différentes instances de pilotage du Ségur numérique, notamment s’agissant du déploiement des logiciels métiers. »

Qu’on bêta-teste plutôt qu’on fasse des retours assassins sur Twitter ? Bonne idée, je crois.

Micro-mesure 14 – « Le service médical de l’Assurance maladie sera plus accessible, grâce au déploiement de la messagerie sécurisée de santé et à des échanges individuels facilités ».

Ca existe déjà.
Sauf que souvent on a ces réponses : « appelez le 3608 ».
Inventez le téléphone avec des lignes directes (pour l’heure, quand la CPAM nous appelle, c’est 3646 qui s’affiche : on ne sait pas qui, on ne sait pas rejoindre la personne… et même les mails perso ont disparu en fin d’année… Nous sommes joignables, la CPAM non).

Mesure 15 – « Le recours accru aux appels ou e-mails sortants sur les sujets de facturation permettront de réduire drastiquement les envois de courrier »

La sécu va nous appeler pendant qu’on bosse pour moins nous déranger avec du courrier ?
Et… et donc ça, c’est une mesure ? 

LOL !

Assez rigolé avec ces mesures de merde

Vous voulez des mesures @FrcsBraun ? On en a proposé, plusieurs fois…. A titre personnel sous ces threads de 2020, 2021, 2022 et 2023…

Ce dernier thread est en fait la reprise d’une tribune publiée en janvier 2023 dans l’Express par 210 médecins généralistes.
Il y avait 7 exemples, voici ceux que les mesures présentées par le ministre cochent :
❌ suppression des certificats enfant malades
❌ suppression des arrêts de travail courts
❌ suppression des prescriptions de transport 
❌ suppression des prescriptions IDE inutiles (toilettes, insuline…)
❌ suppression des prescriptions de lit médicalisé
✅ limiter les certif de sports injustifiés
❌ suppression des certifs d’assureurs privés

(Sur ce dernier point, j’ai mon billet de blog fourre-tout… et plusieurs fils récents imbriqués ci-dessous)

J’ai quand même peine à croire que sur les 900 MG interrogés par cette mission flash, ces points n’aient pas été abordés MAIS que certains réclamaient des réponses de l’@Assur_Maladie sous 24h en messagerie sécurisée, ou qu’on les appelle plutôt qu’envoyer des courriers. 

Bref, cette tribune, @FrcsBraun, vous pouvez la relire ici — relire car comme vous l’avez dit à l’un des signataires, vous l’avez lue.
Quel dommage que vous ayez décidé de rien n’en retenir…

https://www.lexpress.fr/sciences-sante/greve-des-medecins-sept-exemples-concrets-de-simplification-pour-redonner-du-temps-medical-R5PJMCMUP5BRTEO6OQKIRS2XTU/

PS. Aujourd’hui, j’ai pris la décision de faire grève mardi 14 février…
J’ai hésité un temps, partagé entre l’envie de dire non à ce que l’Assurance Maladie prévoit en termes de convention… et la crainte d’être récupéré médiatiquement par des syndicats ou associations ou autres mouvements opposés à l’accès direct aux infirmiers de pratique avancée (je suis très en faveur de cette nouvelle profession, qui sera utile aux patients), ou réclamant forcément une consultation à 50€ (je veux bien qu’on m’augmente, pas de souci, mais je n’aurais pas fait grève pour ça — même si je comprends qu’on puisse, contrairement à la grève « contre » une autre profession de santé…).
Et puis dans la journée, je me suis décidé, j’ai décalé mes patients, en me disant que je défendrais (d’une façon ou d’une autre) les idées déjà évoquées et mises en avant dans la tribune de l’Express — à mon petit niveau, difficile de faire autre chose.
Je voulais profiter de la soirée pour écrire un billet de blog sur « pourquoi je fais grève », redire que ma motivation principale c’est qu’on redonne du temps médical et qu’on arrête de nous occuper avec des tâches inutiles voire méprisantes de contrôleur ou d’assureur de la santé…
Et puis François Braun a diffusé son communiqué… Bah voilà, c’est pour tout ce qui est relayé dans ce billet que je fais grève. Je fais grève contre les incompétents qui nous dirigent et n’écoutent pas ce qu’on leur demande pour améliorer l’accès aux soins.

Et pour retrouver ce billet sous forme de thread Twitter, c’est ici :

https://twitter.com/mimiryudo/status/1623416367138455552?s=20&t=FqU7xzSawi6tpomTcuwMeQ

EDIT : Et en mars 2023, nous avons lancé le site certificats-absurdes.fr

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Et toi, dans l’HTA, tu fais quoi ?

Sur son blog, @Dr_Agibus a publié deux articles de synthèse très intéressants, sourcés, suite aux algorithmes produits par @DocTotoscope, dont je recommande ardemment la lecture :

Et du coup, suite à cette lecture, j’ai une interne en stage au cabinet qui m’a demandé quel était mon choix thérapeutique en pratique dans l’HTA.

Il se trouve que j’ai une vision centrée sur les effets indésirables dans mon choix d’anti-HTA (@Dr_Agibus en parle : « Bien évidemment, les molécules proposées sont à discuter avec les patients compte tenu de leurs effets indésirables (…) L’algorithme tend à privilégier l’efficacité plutôt que le risque d’effets indésirables non graves (la tolérance) car en tant que MG nous pouvons revoir les personnes traitées très rapidement pour adapter le traitement. »).
Mes choix différent donc un peu là-dessus : c’est assez personnel, mais je vous partage les 3 règles assez simples que j’ai en tête lorsque je choisis…

  • si patients à risque d’oedèmes de membres inférieurs (insuffisance veineuse notamment, patient utilisateur de chaussettes de contention, etc.), j‘évite les inhibiteurs calciques en premier (et privilégie donc IEC ou diurétique thiazidique)
  • si patients à risque de toux chronique (asthme, BPCO, tabagisme ancien), j’évite les IEC en premier (et privilégie donc inhibiteur calcique ou diurétique thiazidique) — bien sûr, si pas d’indication nette de l’IEC par ailleurs (IDM, insuffisance cardiaque, protéinurie…)
  • si patient à risque d’insuffisance rénale, de carcinome épidermoïde ou ayant une dysfonction érectile, j’évite le diurétique thiazidique en premier (et privilégie IEC ou inhibiteur calcique)

Rien n’est figé évidemment… Je dis « j’évite » mais ça n’est pas non plus un repoussoir : c’est juste que je me vois avec le patient 1 mois plus tard, qui a des OMI majorés, qui tousse pendant 2 mois l’hiver, ou qui a une clairance passée à 50 où je me pose la question de lancer un bilan d’insuffisance rénale chronique qui est probablement favorisé par mon traitement. Mais rien de dramatique ou d’ingérable en médecine générale, où on peut revoir régulièrement les patients.

Pour les patients qui ont une découverte d’HTA, qui m’ont répondu « non, je n’ai jamais les jambes qui gonflent », qui ne sont ni asthmatiques ni BPCO ni insuffisant rénale modéré à sévère, qui n’ont pas de dysfonction érectile ni de carcinome épidermoïde… eh bien avant je mettais plutôt IEC, et maintenant je mets davantage d’indapamide, suite à la lecture de @Dr_Agibus principalement (c’était aussi la reco de Prescrire).

Je débute aussi généralement par une monothérapie, réévaluée à 1 ou 3 mois sur des choix individuels (en gros, automesure à 143/87 mmHg, ça ne me choque pas de mettre un traitement de 3 mois si ça correspond aux choix du patient) :

  • En IEC, je privilégie ramipril ; parfois enalapril ou perindopril en associations (ramipril+hydrochlorothiaide, enalapril+lercanidipine, perindopril+indapamide)
  • En ARA2 (si intolérance aux IEC), je privilégie valsartan (AMM la plus large)
  • En inhibiteur calcique, je préfère lercanidipine qui donne moins d’OMI qu’amlodipine ; si tendance à la tachycardie, je mets verapamil à la place (bradycardisant – donne aussi des OMI, mais on peut tenter quand même si OMI sous lercanidipine et amlodipine).
  • En diurétique thiazidique, ça dépend (je mets de plus en plus d’indapamide suite aux annonces de carcinome épidermoïde sous hydrochlorothiazide et aux lectures de Medicalement Geek)

La bithérapie d’emblée, je la réserve si la TA est > 160/100 à la maison (quand même rare qu’on n’ait rien introduit entre temps…) ou chez un patient complexe à suivre (marin, routier, etc.), et bien sûr si elle va être bien tolérée a priori (ça m’embête de balancer une bithérapie sur découverte d’HTA à 88 ans disons). Mais comme je suis assez orienté par la tolérance dans mes choix thérapeutiques dans l’HTA, j’évite aussi la bithérapie d’emblée, parce qu’en cas d’effet indésirable peu spécifique, on se prive potentiellement de 2 molécules !

Enfin, en cas d’intolérance à l’une des 3 classes (IEC/ARA2 – inhibiteur calcique – diurétique thiazidique ou apparenté), il y a soit la possibilité de mettre de la spironolactone… Lorsque l’ajout de spironolactone ne semble pas pertinent (ou mal toléré) et devant un patient avec des TA au plafond, je mettais parfois de la rilménidine (parce que me semblait mieux tolérée que les bêta-bloquants, notamment pour les efforts…) mais c’est vraisemblablement une erreur : mieux vaut tenter un bêta-bloquant qui a montré son efficacité sur la réduction de morbimortalité (métoprolol que les MG peuvent prescrire).

Voilà. Je ne détaille pas plus ; pour le choix sourcé sur l’efficacité, je vous renvois à nouveau sur l’article de @Dr_Agibus : Pour traiter l’HTA, tu fais quoi ? (et la fiche sur le diabète <3)

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[FMC] Protoxyde d’azote en tant que drogue récréative

Parlons du protoxyde d’azote et de ses dangers en tant que drogue récréative…

Le protoxyde d’azote : c’est quoi, et on en trouve où ?

Le protoxyde d’azote est l’oxyde nitreux (N2O, nitrous oxide en anglais), le « proto », le « gaz hilarant », les #Whippets ou #HippyCrack en anglais.

Le N2O est présent :

  • dans l’atmosphère (puissant gaz à effet de serre, favorisé par les engrais azotés)
  • dans les flacons de MEOPA pour anesthésie (notamment aux urgences pédiatriques)
  • dans certains moteurs à combustion (kits NOS)…

Il est également en vente libre en tant que gaz de compression pour les cartouches de siphon (chantilly !). Plein de marques : « cream deluxe », « infusionmax », « Fastgaz », « Smilewhip »… Ce sont ces cartouches de siphon qui sont utilisées à visée récréative (drogue).

Il existe plusieurs modes de vente :

  • capsule métallique de 8g (qui jonche les rues des grandes villes) : 50 cents €
  • cartouches, bonbonnes (environ 80-100 cartouches) voire obus / « tank » depuis peu.

On trouve ça en vente sur internet pour un prix assez faible…

Les consommateurs vident le gaz dans un ballon de baudruche, puis l’inhalent. Un ballon est réalisé avec 8g environ (1 capsule) mais il existe vraisemblablement une marge importante lors de la vente « au ballon »…

Depuis quand le N2O est utilisé à visée récréative ?

Le N2O a été découvert en 1772, utilisé dans les foires comme « gaz hilarant« , puis en dentisterie au XIXème siècle comme anesthésiant. En 1961, il est utilisé pour la 1ère fois en obstétrique. Le 1er cas d’abus mortel date de 1960 (femme de 19 ans).

Entre 1999 et milieu des années 2000, le dispositif TREND (@OFDT) observe des usages de protoxyde d’azote dans le milieu festif techno-alternatif en France (ballons à 1-2€). Il disparait puis refait son apparition vers 2017 à Lille, Bordeaux, Paris.

Evidemment, la France n’est pas la seule touchée. Le début des signalements à Lille vers 2017 n’est sans doute pas étranger à la proximité avec les Pays-Bas et le Royaume-Uni, où c’est également une pratique en augmentation.

Il est intéressant de voir que les tweets sur le sujet sont apparus vers 2011. L’un d’entre eux cite l’épisode de Nip/Tuck diffusé en 2011 où un perso « s’éclate » au protoxyde d’azote.

Apparition de la mode en 2011 sur Twitter
Déjà évoqué en 2009 dans un épisode de Nip/Tuck

Courant 2016, une revue de littérature a fait le point sur les nombreux cas signalés et les conséquences de ces consommations de protoxyde d’azote. Bien sûr, ce ne sont « que » les cas publiés.

Comment ont évolué les consommations en France récemment ?

Les centres d’addictovigilance et de pharmacovigilance (@Reseau_CRPV) ont rendu plusieurs rapports à @ansm dont le dernier en date était de novembre 2021. Ces rapports ont conduit à des synthèses de l’ANSM, du DGS…

Ces rapports donnent une idée de la consommation en France :

  • 47 cas en 2019, 254 en 2020 (évidemment sous-déclaré !)
  • 68 % hommes – médiane 21 ans (de 14 à 53 ans)
  • de + en + régulier (30 % usage quotidien)
  • de + en + important (34 cas prenant > 100 capsules/jour !)

En juin 2022, il y a eu un communiqué des centres d’addictovigilance qui appelaient à sensibiliser largement :

  • nombre de cas remontés x 10 depuis 2019
  • nombre d’atteintes neuro x 3 entre 2020 et 2021
  • de + en + d’usage pour anxiolyse/défonce

Cela a été rappelé en décembre 2022 par les CEIP sur leur bulletin commun… En janvier 2023, l’ANSM a proposé une nouvelle synthèse avec document d’aide au diagnostic pour les médecins. Les chiffres ont peu évolué : 22 ans, 58 % masculin…

Dernière synthèse ANSM en janvier 2023

Pour le suivi, on peut voir sur Google Trends un certain cycle dans les requêtes (juillet-août et décembre).

Tendance sur Google

Enfin, outre Twitter, Google Trends et les circuits classiques (addictovigilance et publications), l’analyse des forums peut aussi être une piste pour faire de la « cyberpharmacovigilance » ou « cyberaddictovigilance ». C’est ce qu’on a fait sur un forum de bodybuilder sur le dopage…

Mais… si c’est juste un gaz hilarant, pourquoi empêcher les gens de s’amuser ?

Parce que le protoxyde d’azote a de nombreux effets indésirables graves !

Et cette drogue a le mauvais goût d’être addictive. Comme dit plus haut, certains consomment beaucoup (jusqu’à 400 capsules par jour !). C’est un point discuté dans l’édito de la lettre de pharmacovigilance de Lille en mai 2022.

Les effets recherchés par les consommateurs sont :

  • euphorie, hilarité, distorsion des perceptions (« courses de moto / conduite automobile excitante »)
  • anxiolyse, défonce, planer, oublier (associé à alcool/cannabis)
  • antalgique (colopathie fonctionnelle…)

Cela s’explique par ses propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques qu’on peut résumer ici en 2 mots :

  • absorbé (en 5 min) et éliminé (en 30 min) par voie pulmonaire
  • ça passe dans le sang en 5 min (effets au niveau cérébral, sur les récepteurs morphiniques, dopaminergiques, etc.)
Pour en savoir plus…

Les risques immédiats sont :

  • asphyxie (oedème pulmonaire massif par irritation de voies aériennes)
  • perte de connaissance (surtout sur épilepsie apparemment, ou si polyconsommation)
  • accidents de la route
  • brûlures : doigts, bouche, cuisse si bonbonne (froid du gaz)
  • attaque de panique, délire, amnésie,
  • vertiges / sensation d’ébriété,
  • nausées, vomissements ; fausses routes (perte du réflexe de toux par le froid),
  • fatigue
  • troubles du rythme cardiaque, douleurs thoraciques
  • etc.

Il existe aussi des risques plus tardifs, dans le cadre d’un abus répété, dont :

  • perte de poids
  • fatigue persistante
  • insomnie
  • troubles de l’érection,
  • anémie, baisse des plaquettes et globules blancs
  • thromboses veineuses,
  • troubles neurologiques dont une perte de force et de sensibilité (picotements, engourdissements), un syndrome pyramidal (parésie spastique, comme après un AVC) et des troubles de l’équilibre Bref, un tableau de sclérose combinée de la moelle (combiné = pyramidal + cordonal postérieur)
Souvenirs de sémiologie neurologique

D’autres troubles neurologiques sont décrits : convulsions, tremblements… Pour visualiser, il y a ce récent témoignage via @afpfr ou celui-ci dans cet article du Point.

https://twitter.com/afpfr/status/1527756298036576260

Pourquoi le N2O entraîne ce genre de symptômes ?

  • le N2O oxyde les ions cobalt de la vitamine B12, qui devient inactive
  • la B12 transforme l’homocystéine en méthionine normalement… donc le N2O augmente l’homocystéine (prothrombotique) et diminue la méthionine, essentielle à la myéline (donc démyélinisation).

C’était un sujet détaillé dans la lettre de pharmacovigilance de Toulouse. La démyélinisation (périphérique et centrale) est responsable de polyneuropathie sensitivomotrice, myélite, ataxie proprioceptive, névrite optique

Quelle prise en charge ?

  • Si urgence, le 112 (ou 15)
  • Symptomatique : vitamine B12 +/- B9
  • Etiologique : aider à l’arrêt (MG, consultations jeunes consommateurs au CSAPA, @DroguesInfo au 0800231313)
  • Epidémiologique : déclaration en addictovigilance (http://signalement-sante.gouv.fr)
  • Sociétale : depuis le 1er juin 2021, la vente est interdite aux mineurs, dans les débits de boissons et de tabac en France. Dans les actions qui pourront être menées, les centres d’addictovigilance (et @ansm) incitent à poursuivre le recueil et le suivi, informer, limiter l’accès.

En résumé, pour le médecin généraliste…

Devant des troubles neuro chez un jeune (ataxie proprioceptive, paresthésies…), penser à interroger sur la consommation de protoxyde d’azote.

Penser à doser B12 et homocystéine (parfois B12 préservée mais inactive !)

PS : Image mise en avant par MJ Jin de Pixabay. Ce billet a été publié sous forme de fil Twitter en mai 2022 :

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