Blog Archives

Les trois petits canulars

J’ai longuement détaillé l’histoire du canular « accidents de trottinettes et hydroxychloroquine », co-écrit avec Matthieu Rebeaud, Florian Cova et Valentin Ruggeri dans mon billet de blog intitulé « le meilleur article de tous les temps« . J’en ai aussi parlé au congrès CNGE 2021, CMGF 2022… et en Suisse au SSMIG en septembre 2022 pendant 1 heure, sur invitation du Pr Dagmar Haller (grand témoin au CNGE 2021, qui m’y avait entendu).

Une heure, c’est long… alors j’ai complété par d’autres incursions dans le monde absurde des revues prédatrices ! Voici la suite !

Episode 2. Etre reviewer pour une revue prédatrice.

J’en avais parlé aussi dans le premier billet de blog : en septembre 2020, Science Domain International (l’éditeur de l’Asian Journal of Medicine and Health dont on avait démasqué au grand jour la supercherie) m’a contacté pour être relecteur d’un article dans un autre de leur journal… Cocasse…

Leur demande : que ça aille vite en 3 jours, parce que l’auteur en avait besoin pour sa thèse !

Ma réponse a été simple et contenait surtout l’incitation à « ne surtout pas publier dans un journal de Science Domain International qui publie des revues prédatrices » (transmis aussi via Messenger pour m’assurer que l’auteur le lirait).

L’éditeur m’avait répondu pour me remercier de contribuer à la qualité de la revue…

… et bien qu’ils m’ont retiré des reviewers, et que l’article a été publié, ils m’ont quand même envoyé un joli diplôme de contribution à la qualité du journal.

J’habite à Ankh-Morpork, oui.

Il semble difficile de faire changer les choses même en répondant aux reviewing pour dissuader les auteurs…

Interlude. En savoir plus sur les revues prédatrices et les canulars

La définition des revues prédatrices est qu’elles donnent priorité à l’intérêt personnel sur l’érudition, sont caractérisées par des informations fausses ou trompeuses, avec des écarts par rapport aux meilleurs pratiques éditoriales et de publication, un manque de transparence et/ou des pratiques de sollicitation agressives et sans discernement. La définition reste volontiers floue, car il existe une vaste zone grise de revues difficiles à faire entrer dans la case « prédateur » ou la case « non prédateur »…

En réalité, les revues prédatrices sont une partie du problème, et aussi une conséquence du problème plus vaste au sein des revues médicales. En pratique, les chercheurs paient les éditeurs pour avoir accès aux articles qu’ils ont eux-mêmes financés, écrits, publiés (parfois en payant), relus et corrigés pour leurs pairs… Le tout en le faisant aussi souvent et aussi rapidement que possible (« Publish or perish », une expression utilisée pour la première fois en 1928 en Sociologie et recherche sociale).

A cela s’ajoute l’examen accéléré (et toute la zone grise où il est difficile et parfois long de déterminer si une revue / un éditeur est prédateur ou non donc…), les conflits d’intérêts (avec le comité de rédaction par exemple), les preprints repris dans la presse, « l’infodémie » ou encore les fakenews relayées à tout va — parfois sous forme d’article, d’interview télévisée, de livre chez un éditeur aussi prestigieux qu’Albin Michel… Tout le monde est concerné par ces fake-news en santé, y compris le directeur général de l’Assurance Maladie par exemple.

Il existe des outils pour repérer et éviter les revues prédatrices :

Et évidemment, il y a de nombreuses personnes et associations qui luttent contre les revues prédatrices : Hervé Maisonneuve, Leonid Schneider, Elisabeth Bik, CoopIST, Retraction Watch, PubPeer

Notre article a sûrement été le canular le plus largement diffusé auprès des non-scientifiques (une blague par phrase, pop-culture, sujet qui captivait tout le monde à un moment particulier de nos vies – COVID-19 et HCQ)… mais ce n’était pas le premier ! Citons par exemple :

  • Who’s afraid of peer review? (Bohannon, Science 2013) – global map of journal fraud : l’auteur a diffusé le même modèle d’article à 304 revues prédatrices, est passé dans 255 comités de lecture et a été accepté 157 fois (60 %) et rejeté 98 fois. Les articles étaient sur le modèle « Molecule X from lichen species Y inhibits the growth of cancer cell Z » avec des conclusions non étayées par les données, des faux auteurs et de fausses affiliations.
  • David Philips and Andrew Kants (Bentham Publisher, 2009): Deconstructing access points. Non publié, car aurait coûté 800$
  • Alain Sokal (Social Text, 1996) — Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity
  • ou encore l’incroyable canular de David Mazières and Eddy Kohler (soumis au congress WMSCI 2005… puis soumis par Peter Vanplew à International Journal of Advanced Computer Technology, 2014). L’article a été accepté mais n’a pas été publié (quel dommage !) car l’éditeur — qui a noté « excellent » — réclamait 150$.

Il y a également de nombreuses blagues / poissons d’avril :

  • Tous les BMJ de Noël…
  • Georges Perec et son Experimental Demonstration of the Tomatopic Organization in the Soprano (Cantatrix sopranica L.) publié dans la section « Pitres et travaux » du JIM 103 en 1980

… et parfois des fraudes (fausse photo de Nessie par le chirurgien Wilson en 1934, fausse autopsie alien par Fox TV en 1995…). On peut s’amuser à différencier les fraudes et canulars par un tableau croisé :

Ne pas tromper le lecteurTromper le lecteur
Ne pas tromper le journalPublication « normale »Canular pour une blague / Poisson d’avril (le journal est complice)
Tromper le journalCanular pour démontrer une fraude (le lecteur est complice)Fraude
Fraude ou canular ?

Episode 3. A New Hope for General Medicine in A Start-Up Nation (Journal of Clinical Medicine: Current Research, ACAD-WISE)

Revenons au vif du sujet !

Quand j’ai appris que j’avais une présentation d’une heure à faire en Suisse, je me suis posé quelques questions fin juin 2022 : est-ce encore aussi facile de publier dans une revue prédatrice ? Peut-on négocier les tarifs ? (certains canulars réalisés par d’autres n’ont pas pu aller au bout de leur démarche à cause des sommes d’argent réclamées).

J’ai donc simplement ouvert ma boîte de courrier indésirable et répondu à « Lucy » d’ACAD-WISE qui souhaitait un commentaire sur un article publié sur les bodybuilders.

J’ai construit un texte automatique en équivalent start-up de lorem ipsum, via Corporate Ipsum, je l’ai appelé « A NEW HOPE FOR GENERAL MEDICINE IN A START-UP NATION« , et j’ai soumis le 7 juillet.


Le 11 juillet, il était accepté sans changement (quelle bonne nouvelle !)

… mais avec des frais de publication à 919$ ! J’ai donc négocié : d’abord ils m’ont proposé 619$…

Mais en continuant, nous sommes arrivés 5 jours plus tard à nous mettre d’accord sur… 39$ !

L’article est publié

Vous pourrez lire l’article directement derrière ce lien… ou ci-dessous ! En page 2, j’ai inventé le « moulin à vent de l’accès aux soins » (on appréciera l’ironie en haut à gauche où j’incite à communiquer sur les « revues prédatrices (comme celle-ci, où j’ai payé 39$ au lieu de 919$ — toujours essayer de négocier !) »

Episode 4. A New Hope for General Medicine an a Start-up Nation (Journal of Medicine and Public Health, Medtext Publications)

J’ai senti quand même que je pouvais faire mieux dans les négociations. Maintenant que j’avais obtenu un nouveau seuil (39$ au lieu de 919$… nous n’avions pas négocié les 85$ pour l’article « trottinette-hydroxychloroquine), et que l’article était publié pour illustrer mon propos au congrès de la SSMIG en Suisse, je pouvais m’amuser encore davantage.

J’ai donc soumis le même article (sans la figure cette fois) à une autre revue en août (toujours en répondant dans mes spams). Ca a été rapidement accepté…

La facture était par contre salée : 2042,25$ pour une page !

On ne se mouche pas du coude ! (Pourtant, c’est recommandé contre la COVID)

S’en est suivie la conversation la plus bornée que j’ai eue ces derniers mois, où j’ai répété mécaniquement que je ne pouvais pas au-delà de 20$.

Je propose 20$
Ils répondent : -50% (1000$)
Je réponds que je ne peux pas
Ils proposent 500$
Je réponds que je suis limité à 20$
Ils proposent 200$, leur minimum
Je réponds : 20$
Ils me disent : 50$…
Je réponds : 20$…
Ils acceptent à 24$…

Et finalement… je n’ai pas payée, car l’article était mis en ligne pendant les négociations ! Ils l’ont même réaugmenté à 236$ discrètement le 10 novembre 2022… Mais toujours pas réglée au 22 mars 2023, et l’article est pourtant toujours en ligne…

24$, en retard au 1er septembre 2022
Réaugmentation à 236$ en novembre

Vous pouvez lire cet article derrière le lien ou ci-dessous… C’est exactement le même que le précédent. L’humour n’était pas dans l’article, mais dans les échanges…

Episode 5. Incessant Solicitations: You’re not Alone! (Archives in Biomedical Engineering & Biotechnology)

Enfin, après avoir démontré qu’on pouvait négocier très largement les prix dans ces revues prédatrices pour avoir des canulars, je me suis dit qu’il était temps de publier un article sur comment éviter les revues prédatrices dans une revue prédatrice.
J’ai donc répondu à Archives in Biomedical Engineering & Biotechnology dans mes spams, et nous avons débuté une correspondance par mail à l’image de celles ci-dessus.

Vous pouvez lire l’article derrière ce lien, ou ci-dessous.
Au point 8, j’explique notamment les négociations : « Huitièmement, ne payez pas… au moins pas autant. Négociez ! Divisez le prix par 100. Expliquez que vous ne pouvez pas payer 1000$ mais que vous voulez bien payer 25$ ! J’ai négocié de 919 à 39$ pour J Clin Med Current Res et celui-ci je l’ai eu pour 30$. Une bonne affaire. Et vous pourriez avoir des échanges drôles et surréalistes, valant presque cette somme d’argent ». En page 2, je suis aussi ravi d’avoir pu faire enfin publier dans une revue la figure de David Mazières, Eddy Kohler et Peter Vanplew sur « Get me off your fucking mailing list ».

En espérant qu’ils finissent par nous entendre…

Cette incursion dans leur monde pour mieux comprendre les revues prédatrices fera l’objet d’une présentation cette après-midi au CMGF2023 ! Venez nombreux 😉

Loading spinner

Communiquer avec tous les patients par mail via MSSanté

En mars 2020, j’avais fait un tuto sur « comment envoyer un sms à tous ses patients » pour pouvoir communiquer à tous les patients sur les nouveautés concernant la pandémie.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis, et maintenant avec Mon Espace Santé, tout le monde (ou presque) a une adresse mail en @patient.mssante.fr… et nous pouvons donc l’utiliser pour faire du mailing à nos patients :

  • pour donner des informations de santé publique (prévention contre les cancers, vaccinations, etc.)
  • pour donner des informations sur le fonctionnement du cabinet (ouverture de vaccination, dates de fermeture, numéro de téléphone pour les cabinets remplaçants, départ en retraite et mode de récupération des dossiers, etc.)
  • pour inciter les patients à ne plus communiquer avec vous que par cette voie et non plus par mail classique, sms, autre
  • pour valider le critère bonus de ROSP à 40 points x 7€
  • ou pour toute autre idée qui vous conviendra

Voici la démarche à suivre :

  1. Sur l’onglet « patientèle médecin traitant » d’AmeliPro (https://espacepro.ameli.fr/pmt/), sléectionner « liste complète », et en haut à droite « exporter en XLS »
  2. Créer une nouvelle colonne F qui va calculer automatiquement la clé à partir du numéro (sans clé) sur la colonne E avec la formule : =TEXTE(97-MOD((MOD(CNUM(STXT((SUBSTITUE(SUBSTITUE(E14; »2B »; »19″;1); »2A »; »18″;1));1;7));97)*27)+(MOD(CNUM(STXT((SUBSTITUE(SUBSTITUE(E14; »2B »; »19″;1); »2A »; »18″;1));8;6));97));97); »00″)
  3. Créer une nouvelle colonne G pour obtenir l’adresse de messagerie avec la formule =E13&F13& »@patient.mssante.fr »
  4. Allez sur https://mailiz.mssante.fr et faites des mails par paquet de 40 ; attention, pensez à conclure votre mail par FIN si vous ne souhaitez pas que les patients puissent répondre / échanger dessus, mais juste les informer de façon collective.

Cette astuce vient d’ApendHoc sur Twitter, qui nous fournit même le fichier Excel tout prêt, dans lequel vous pouvez coller simplement les 3 premières colonnes du fichier que vous téléchargerez sur l’Espace Pro !

Loading spinner

Comment tricher avec le contrat d’engagement territorial ?

OK c’est un titre « appât » incitant à cliquer… Mais ça tombe bien, on va parler de « jeu incitatif » ou « incentive gaming » dans ce billet. J’avais déjà évoqué ce principe avec mon billet sur comment améliorer sa ROSP en tout malhonnêteté en 2017. On est sur un exercice de pensée pour montrer la stupidité de certains critères. Avant d’aller plus loin, je précise que je n’utilise pas ces principes, et je pense sincèrement que personne ne le fait… à titre personnel, j’essaie de soigner sans me préoccuper de ma ROSP : je vais remplir les critères déclaratifs, parfois je jette un oeil pour dire « bouarf, c’est n’importe quoi ces chiffres » et je ne cherche pas à creuser davantage pour éviter d’opter pour la seule solution simple pour améliorer ces critères par le gaming… (je sais que je serais très fort à ce jeu simpliste, mais ruiner la santé de mes prochains pour gagner 250€ ne me semble pas raisonnable).

Qu’est-ce que le gaming ?

« Gaming the system » c’est valider des objectifs de façon détournée, qui n’apportent rien au patient (dans le contexte de la médecine)… Par exemple la Veterans Administration voulait réduire le délai d’attente avant consultation et en ont fait un objectif avec incitation financière (attente < 14 jours) : certains ont donc créé des « pré-attente » pouvant durer 6 semaines avant que la personne ne soit en haut de liste et puisse appeler pour prendre un RDV sous 15 jours…

A l’extrême, le gaming peut même produire l’effet inverse à celui initialement recherché (on parle d’incitation perverse) dont l’exemple le plus connu est « l’effet Cobra » : selon la légende (non prouvée), le gouvernement britannique aurait offert une prime pour chaque cobra mort à Delhi… incitant des personnes à élever des cobras pour pouvoir les tuer ! En en prenant connaissance, le gouvernement britannique aurait supprimé la prime, incitant les éleveurs de cobra à relâcher leurs animaux sans valeur… faisant augmenter in fine le nombre de cobras sauvages.

Mark Twain a écrit dans son autobigraphie : « Any Government could have told her that the best way to increase wolves in America, rabbits in Australia, and snakes in India, is to pay a bounty on their scalps. Then every patriot goes to raising them. » (N’importe quel gouvernement aurait pu lui dire que la meilleure façon d’augmenter le nombre de loups en Amérique, de lapins en Australie et de serpents en Inde, est de payer une prime pour leur scalp. Alors tous les patriotes se mettent à les élever.)

Et pour finir avec les citations avant de passer à la suite, rappelons la loi de Goodhart : When a measure becomes a target, it ceases to be a good measure. (Quand une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure).

Les projets de la CNAM pour la convention 2023-2027…

Actuellement, la convention médicale 2023-2027 est en cours de négociation entre syndicats médicaux et Assurance Maladie. Richard Talbot de la FMF en fait un résumé à chaque rencontre et c’est un régal.

Il propose notamment le dernier PowerPoint en date, où on apprend plein de choses.

Plutôt qu’en faire un résumé, comme ça a déjà été fait, je vais vous présenter comment tricher… comment faire du « gaming » avec le CET et la ROSP (encore une fois, je ne vais pas le faire… c’est un exercice pour montrer que tout repose sur la bienveillance des médecins et leur côté fanbase d’Hippocrate qui leur évite de pratiquer réellement la médecins comme un commerce).

C’est parti pour une lecture dans l’ordre…

Tricher avec la déprescription d’IPP

La CNAM propose un « dispositif d’intéressement » inédit pour une déprescription : les MG toucheraient 30 % des économies réalisées en cas de déprescription d’IPP pour « moins de 65 ans IPP+AINS » et « plus de 65 ans avec IPP long ». C’est une bonne chose de déprescrire les IPP… mais parfois compliqué d’améliorer des chiffres dans la vraie vie.

L’astuce de Mimi : Recherchez un RGO systématiquement chez vos patients de moins de 65 ans et prescrivez leur une boîte de 28 jours d’IPP, tous les ans ! Les IPP au long cours avant 65 ans ne vous rapportent rien. Lorsque vous prescrirez un AINS à ces patients, vous ne leur prescrirez pas d’IPP : ils en ont dans leur armoire à pharmacie. A vous les 100€ bruts d’intéressement \o/

Tricher avec le Contrat d’Engagement Territorial (CET)

Aaaah le CET. Il divise tant les médecins aujourd’hui, entre ceux qui pensent que c’est de la merde et ceux qui savent que c’est de la merde.

Pour le signer, il faut valider 4 cases (1 dans les objectifs « augmentation de l’offre médicale », 1 dans « accès financier aux soins » et 2 dans « participation aux besoins de soins du territoire ») :

  • la case 2 est simple : secteur 1 et basta
  • la case 3 peut être compliquée si vous êtes isolé, sans possibilité de PDSA et hors d’un territoire de CPTS, hors du périmètre d’action d’IDE Asalée, mais en même temps ni en ZIP, ni en ZAC… En pratique, il y a quand même pas mal de possibilité sinon, le plus simple me semblant être « participer à la CPTS, s’inscrire au SAS (ça prend 5 minutes) avec 2h de créneau réservé par semaine et participer à la PDSA ».
    Notez que les 30 samedis par an valident la case au même titre que « participer au SAS » (= 1h par semaine sur votre emploi du temps) ou « participer à la PDSA » (= une garde bien rémunérée de temps à autre) : il n’y a aucun intérêt pour le CET de se prendre la tête pour valider ce critère sous-coté.
  • par contre, la case 1 est un petit casse-tête : il faut être dans les 30 % voyant le plus de patients (... sachant que vous êtes en « concurrence » avec des maîtres de stage des universités qui bossent avec des internes en autonomie !), ou embaucher un assistant médical. C’est donc clairement une incitation grossière à cette embauche, bien qu’elle n’ait pas du tout montré sa capacité à augmenter l’offre médicale… Pure idéologie. Mais c’est pas grave, j’ai une astuce pour vous 😉

L’astuce de Mimi : pour la case 1, virez votre (télé-)secrétaire, coupez votre téléphone et arrêtez de donner des RDV de suivi à vos patients en suivi chronique ! Le suivi, c’est comme Capri : c’est fini ! Désormais, vous devez consacrer la moitié de votre planning à faire des soins « urgents »… Faites du SAS aussi (inscription en 5 minutes à titre personnel) : c’est de l’idéologie ridicule de gens qui ne comprennent rien aux soins primaires, mais on s’en fout, c’est mieux payé et ça augmente votre file active… au pire, ça vous fait 2h de pause par semaine pour faire votre administratif.
Dans le schéma idéal, toute prise de RDV se fait via Doctolib (ou autre), et vous ouvrez tous vos créneaux pour tout le monde : vous verrez les patients des médecins voisins et aurez une file active importante. Certes, ça va altérer l’accès aux soins, ça va niquer toute éducation à la santé que vos confrères tenteront d’instaurer, et ça va altérer le suivi des patients les moins aptes à utiliser internet mais eh, c’est aussi ça la sélection naturelle ! Et bien sûr, si ça ne suffit pas, faites de la téléconsultation sans rendez-vous au lieu de voir vos patients chroniques (s’ils vous quittent car vous n’êtes plus assez disponible, cela libérera du temps pour faire des soins urgents qui augmentent votre file active !)
Pour la case 3, si vous n’avez pas de CPTS, inscrivez-vous pour le SAS ici ; et si vraiment vous n’avez pas d’autre solution pour le reste, eh bien faites 1 téléconsultation de 10 minutes 30 samedis dans l’année (un acte gratuit banal que vous auriez fait gratos dans la semaine, vous le programmez le samedi à 9h et voilà). Si vous êtes motivé, voyez éventuellement s’il est possible d’adhérer à une CPTS voisine – je ne sais pas s’il y a une obligation d’être dans le même secteur pour adhérer à l’association… en soi, vous pouvez vous passionner pour le parcours de soins des diabétiques à 50 km de chez vous, chacun ses lubies.

Tricher avec le forfait de santé publique

Il y a 15 indicateurs, avec 9 anciens assez clairs et peu discutables :

  1. 2 dosages HbA1c dans l’année pour les patients sous antidiabétiques : ok
  2. Consultation, fond d’oeil ou rétinographie dans les 2 ans : ok (merci pour les secteurs richement pourvus en ophtalmo, tant pis pour les autres) – vous pouvez acheter un rétinographe non mydriatique à 5000€ mais c’est cher payé pour 75 points à 7€ par an (525€) – attendons que des formats portables arrivent ! Ca serait néanmoins une façon de « rentabiliser » votre assistant médical en faisant des fonds d’oeil à tout patient diabétique tous les ans…
  3. Recherche annuelle d’albuminurie et créatininémie si traité par anti-HTA ou antidiabétique : ok
  4. Part des patients MT traités par amoxicilline-acide clavulanique, C3G ou FQ : ok (un peu dommage que ça intègre les prescriptions de vos confrères pour vos patients en votre absence…)
  5. Nombre d’antibiotiques pour patients de 16-65 ans sans ALD : ok (pensez à ne pas trop suivre de femmes faisant des cystites à répétition)
  6. Patientes de 50-74 ans participant au dépistage du cancer du sein : c’est un peu compliqué cet item, vu que c’est une décision médicale partagée qui est recommandée… or, le critère est « plus il y en a, mieux c’est » qui n’incite pas du tout à faire de la décision médicale partagée !
  7. Patientes de 25 à 65 ans ayant un dépistage cytologie / HPV : ok
  8. Patients de 50-74 ans avec dépistage du cancer colo-rectal : ok. Notons quand même que ces 3 dépistages sont une prime à l’exercice en milieu favorisé (il est bien décrit que les patients plus précaires se font moins dépister)
  9. Patients à risque vaccinés contre la grippe : ok

Et puis il y a les 6 nouveaux qui, comme on s’en doute, sont pensés par des gens qui ont une vision Excel-centrée du soin :

  1. Part de patients anciennement sous benzodiazépines et sevrés (cible 9 %) : il faut sevrer 9 % de notre patientèle tous les ans… Mais on fait comment quand on a déjà supprimé l’inutile ?! Par ailleurs, que signifie « anciennement sous benzo » ? L’an dernier ? 3 mois ?
  2. Part des patients ayant débuté un antidépresseur qu’ils conservent au moins 6 mois (cible 50 %) : est-ce que ça inclue le LAROXYL (amitryptiline), antidépresseur donné parfois à visée antineuropathique pour des durées qui peuvent être plus courtes ? si un patient arrête de lui-même son traitement après 3 mois parce qu’il se sent mieux, doit-on le forcer à le reprendre ? si un patient switche d’un antidépresseur vers un autre après 6 semaines, est-ce considéré comme une durée < 6 mois ? (quel est l’intervalle accepté d’arrêt entre 2 antidépresseurs pour considérer que c’est le même traitement suivi ?). Bref, un bel indicateur de merde, bien joué !
  3. Part des patients BPCO ayant eu une spirométrie dans l’année. Encore une prime à l’exercice à proximité de pneumologues (ou la réalisation de spirométrie par les MG)
  4. Sensibilisation aux addictions (déclaratif) : bon bah, déclaratif, tout le monde va mettre 100 % ou presque, avec une cible à 95 %. Assez ridicule.
  5. Patients de 75 ans et plus en polyprescription continue (objectif 15 %) : j’ignore comment ils vont compter ça… un patient âgé fumeur qui a fait un infarctus et a une BPCO sévère peut se retrouver avec bêta-bloquant, antiagrégant, statine, IEC, bronchodilatateurs, corticostéroïdes inhalés… est-ce que les ALD ne seront pas inclus ? Est-ce qu’il faut qu’on supprime de nos patientèles ces patients relevant d’une polyprescription continue utile ?
  6. Part de patients à risque ayant une vaccination VPP23 : bonne idée ça…

Enfin, chez les enfants :

  1. Asthme persistant et CSI : ok… mais qu’est-ce qui va définir l’asthme persistant ? Le fait d’avoir un CSI ? Une ALD ?
  2. Asthme persistant et EFR annuelle : ok, une prime à l’exercice à proximité de pneumopédiatres.
  3. PART DES PATIENTS < 4 ANS TRAITÉS PAR C3G PARMI CEUX TRAITÉS PAR ANTIBIOTIQUE : mais sérieusement, c’est quoi votre problème dans la vie pour prendre un dénominateur « ceux traités par antibiotique » et non pas « tout enfant » ?! Si vous traitez tout rhume par de l’amoxicilline, votre ratio C3G / antibio va être bas ; si au contre, vous mettez avec parcimonie des antibiotiques, le ratio C3G / antibio va augmenter. C’est tellement stupide… et c’est une erreur qui traîne depuis 2017 !
  4. Idem pour les > 4 ans
  5. Participation des enfants de moins de 16 ans au programme M’T Dents : ok mais on n’a aucune place là-dedans entre le courrier reçu par les parents et le dentiste… c’est encore un indicateur qui reflète principalement la précarité de la population…
  6. IMC dans les dossiers (déclaratif) : 95 % de cible, ridicule (d’ailleurs ça impliquerait de voir tous les enfants de moins de 16 ans au moins une fois par an pour le faire… on les convoque pour leur dire de venir se peser sur notre balance ?)
  7. Part des enfants 15-16 ans ayant un schéma complet vaccin HPV : ok.

Conclusion sur tout ça…

L’Astuce de Mimi : Mettez plein d’amoxicilline sur les rhinites des enfants de moins de 16 ans : ça baissera votre taux de C3G pédiatrique sur tout antibiotique et en plus ça n’est pas comptabilisé dans l’indicateur « antibiotique chez les 16-65 ans sans ALD ».

Si un patient vous dit qu’il arrête son antidépresseur, prescrivez-lui quand même pendant 6 mois en disant de le prendre en pharmacie « au cas où ».

Mettez fréquemment des benzodiazépines pour avoir des patients à sevrer facilement. Ce qui compte n’est pas de raisonner l’initiation mais de sevrer des patients !

Refusez dans votre patientèle tout patient polypathologique de plus de 75 ans ayant plus de 5 traitements sur son ordonnance.

Si vous avez un assistant médical, faites-lui faire des vacations techniques : spirométrie, fond d’oeil… la plus-value en termes de soins sera sans doute médiocre, mais vous trouverez bien un mouchoir dans la boîte à gants de votre nouvelle Mercedes pour essuyer vos larmes.

Conclusion

Voilà quelques pistes de réflexion pour améliorer votre santé financière au détriment de la santé publique.

Par ailleurs, je me suis livré à l’exercice de voir les « recettes » (brut) de cette nouvelle convention : +3500€/an sur le forfait patientèle (avec 1437 patients dont 432 en ALD) et +10000€/an avec la nouvelle nomenclature à 1,5€ entre autre… mais si le CET met la consultation à 31,5€ comme les autres spécialités (ce qui serait logique), cela rajouterait près de 30 000€ (soit +43500€/an brut). En somme, le principal levier dans tout ça, c’est clairement le prix de la consultation… et le fait de signer le CET !

Le CET va donc potentiellement créer une différence de salaire de l’ordre de 25-30 000€ entre les signataires et les non-signataires. A vous maintenant de choisir votre clan entre ceux qui pensent que c’est de la merde, et ceux qui le savent 😉

Loading spinner

Grève du 14 février : mes motivations

Pour la première fois en grève ce mardi 14 février.
La grève va être récupérée de toutes parts, mais mes revendications à moi sont celles-ci :

1 – que l’Assurance Maladie et les législateurs fassent leur travail pour nous supprimer des actes de faible intérêt, afin qu’on ait plus de temps pour le médical dans un contexte de pénurie de médecins (c’est l’objet d’une tribune qu’on a publié dans l’Express début janvier 2023, d’une autre en janvier 2022 dans le Figaro et d’autres fils Twitter déjà rappelés ailleurs).

Les principales mesures que nous réclamions étaient :

  • supprimer les arrêts de travail de moins de 3 jours (délai de carence) pour les remplacer par des autodéclarations (comme avec le COVID)
  • supprimer le certificat « enfant malade » pour le remplacer là aussi par une autodéclaration du parent employé.
  • supprimer les prescriptions de transport, de lit médicalisé, d’orthophoniste, de toilettes etc. en faisant SIMPLEMENT confiance aux professionnels de santé concernés (ambulanciers, pharmaciens, orthophonistes, infirmiers…) plutôt qu’en utilisant les médecins généralistes comme des « contrôleurs » anti-fraude.

2 – que le Ministre de la Santé arrête de nous vendre n’importe quoi pour la médecine générale, à laquelle il ne comprend manifestement pas grand-chose…
Pour vous donner un ordre d’idée récent, par rapport aux mesures proposées ci-dessus, voici LUI ce qu’il a proposé la semaine passée pour « redonner du temps au médecin » selon ses dires…

J’en ai fait une lecture critique sur ce billet, mais globalement c’est nul !

https://twitter.com/mimiryudo/status/1623416367138455552?s=20&t=FqU7xzSawi6tpomTcuwMeQ

3 – que l’Assurance Maladie arrête ses stupidités technocrates dans la convention 2023-2027 en cours de négociation…

Pour l’heure, il est prévu que les médecins doivent remplir 4 cases pour pouvoir coter des consultations « de niveau 2 ou 3 » (donc coter des consultations de pédiatrie, de gériatrie, de reprise de dossier complexe, etc.)
A titre personnel, je valide les 4 cases parce que j’ai une grosse patientèle, je suis en secteur 1, je fais des gardes et participe au (récent) SAS, et je suis impliqué dans la CPTS Opale Sud…
Mais il existe des lieux sans CPTS, des médecins qui couvrent un grand territoire peu peuplé qui n’ont pas de grosse patientèle mais rendent un énorme service, et puis des médecins qui par choix familial travaillent en temps partiel, ou ne font que de la pédiatrie… et sont tout aussi utiles que d’autres comme moi pour l’accès aux soins ! Ce genre de décision délirante et déconnectée de la réalité va les pénaliser et va dissuader toute future installation en libéral… et donc altérer gravement l’accès aux soins des patients !

Voilà les raisons de ma grève de mardi, et aucune autre !

Ma motivation principale est de préserver un accès aux soins malgré la diminution actuelle et prévue des médecins dans les années à venir… sans aggraver la situation avec une convention inique.

Malheureusement, on n’entendra sans doute que 2 trucs dans cette grève : la consultation à 50€ et l’opposition à l’accès direct aux infirmiers de pratique avancée (IPA) et kiné.
JE NE SOUTIENS PAS CES DEUX DEMANDES, qui sont à mon sens opposées à l’accès aux soins pour lequel je fais grève (oui c’est une grève qui mélange tout…)

Concernant la consultation à 50€, il y a plein de professions où on peut doubler le salaire, mais pas les médecins ^^’

  • certains disent que c’est pour pouvoir embaucher des gens mais personnellement, je ne veux pas faire ça : si c’est pour améliorer l’accès à des psychologues, diététiciens, ergothérapeutes, je préfère que la sécu les rembourse plutôt que me filer des sous pour que je devienne employeur…).
  • quant aux assistants médicaux, je ne sais pas ce que j’en ferais… à part traiter de l’administratif inutile (non médical) dont la suppression ferait gagner du temps à tous ! La CNAM sait elle-même que les assistants n’apportent rien : en mai 2022, sur 3100 contrats signés (dont 700 concernant des nouveaux installés), l’augmentation moyenne de patientèle a été de 10% et la file active de 5%… sauf que si on a 700 nouveaux à 0 patient et 2400 qui suivent 1000 patients, ça fait en moyenne 774 patients/médecin ; si 1 an plus tard tout le monde est à 850 patients, la moyenne a bien fait + 10% mais au final il n’y a que les nouveaux qui bossent davantage et les autres moins… bref, vous voyez l’idée.
    Sur 305 contrats de plus de 30 mois, ils ont ensuite analysé les jours travaillés et ont trouvé que les médecins travaillaient des jours en moins notamment les plus de 60 ans… J’sais pas quoi ajouter, visiblement ils ont des difficultés avec le concept de moyenne…

D’ailleurs, ça m’a fait rédiger un fil Twitter ces articles…

Concernant les IPA, j’ai accueilli une IDE qui a repris des études d’IPA pendant 35 jours avec grand plaisir, et je suis évidemment favorable à l’accès des patients à tout professionnel de santé, qu’il soit médecin ou infirmier (spécialisé dans les soins d’urgence, ou dans le suivi de pathologie chronique stabilisée – c’est très spécifique !). Ce professionnel saura alors le prendre en charge ou l’adresser vers quelqu’un qui saura… L’épouvantail du « retard diagnostic » m’échappe : de toute façon, soit on est dans un lieu avec « concurrence » médecins / IPA et il n’y a pas de raison que les patients privilégient les IPA (ce qui est bien le problème les concernant pour se faire une place d’ailleurs), soit on est dans un lieu sans médecin et il faut être tordu pour préférer l’absence de soins à des soins par un(e) IPA… Par ailleurs les IPA sont surspécialisés : suivi de pathologie chronique stabilsée, soins d’urgences, suivi psychiatrique, etc. Ce qui veut dire SURTOUT qu’un patient consultant un(e) IPA pour son suivi de diabète MAIS qui a un trouble anxieux, qui a un trouble musculosquelettique ou autre… devra voir son médecin traitant.

Cette opposition à l’accès aux kiné et IPA est malheureusement soutenue (pour une raison qui m’échappe) par de nombreux syndicats et l’Ordre des médecins (qui n’arrive pas à s’opposer à la violation du secret médical par toutes les assurances du pays lorsqu’elles doivent indemniser leurs assurés… mais qui est prompt à limiter l’accès aux soins !).

Bref, je fais grève pour l’accès aux soins, je fais grève pour que l’Assurance Maladie de Thomas Fatome me compte parmi ceux qui s’opposent à ses négociations, je fais grève pour réclamer plus de temps et que nos législateurs (Jean-Pierre Pont chez moi) fassent leur travail de législateur pour redonner du temps aux médecins et sans que François Braun nous propose de la poudre de perlimpinpin en se fichant de nous.
Je fais grève pour ça, et je sais que je vais regretter la récupération qui en sera très sûrement faite et qui ne représentera pas mes motivations à fermer le cabinet ce mardi 14 février…

Loading spinner

Les pseudo-mesures de pseudo-simplification par le… ministre

Dans ce communiqué, @FrcsBraun annonce 15 mesures de simplification administratives.

https://twitter.com/Sante_Gouv/status/1623348768639795201


Faisons le point sur chacune d’entre elles, pour découvrir que si le foutage de gueule devient une discipline olympique, on tient notre champion pour 2024 💪

Mesure 1 – Les règles en matière de certificats médicaux (crèche, écoles, employeurs, situation de handicap) seront clarifiées.

Ca existe déjà : ça a été fait en 2011 par @ordre_medecins @Assur_Maladie et les ministères du Travail, du Budget et de la Santé à l’époque.

Mesure 2 – Un point d’entrée unique sur service-public.fr pour les certificats médicaux « en ligne d’ici l’été 2023 »

OK. Le site est très bien, avec une recherche souvent assez simple, mais ce serait un plus.
« D’ici l’été 2023 » pour créer une page sommaire… whaow, vous êtes des sacrés glandeurs @Sante_Gouv !

Mesure 3 – Des campagnes d’information régulières comme en septembre sur les certificats de sport inutiles.

OK. En fait, c’est une seule mesure que vous voulez faire, mais vous en comptez 3 quoi.
On pouvait faire 5 mesures en détaillant « affichage public » et « campagne radio » 🤡 

Et puis bon… vous allez faire des campagnes d’information grand public, ok.
Sauf que si le responsable du club de pétanque de Saint-Trifouillis-De-L’oie-Sauvage réclame des certificats pour se couvrir, bah le patient a un papier à remplir ou il ne peut pas accéder à son loisir 

Mesure 4 – Une solution fiable de transmission dématérialisée des pièces justificatives avant la fin 2023.

Ouais, les feuilles de soins dégradées. Ca existe déjà. Mais @Assur_Maladie veut un duplicata papier inutile : supprimez ça sans attendre fin 2023 !

J’ai déjà écrit un billet de blog sur ce sujet pour rappeler la totale stupidité de l’Assurance Maladie qui réclame un papier (inutile) pour un acte payé après télétransmission sans carte vitale (mode dégradé donc)… PAPIER QUI N’ÉTAIT PLUS DEMANDÉ DE MARS 2020 À JUILLET 2021, quand la même Assurance Maladie craignait de toucher du papier. Quelle bande de clowns quand même !

Mesure 5 – L’application carte vitale sur smartphone pour limiter les oublis.

Alors non : avoir une version smartphone va AUGMENTER les oublis. On aura donc un truc + chronophage…
… et LE DÉGRADÉ EXISTE DÉJÀ SAUF QUE COMME DIT AU-DESSUS, L’ASSURANCE MALADIE EN FAIT UN TRUC DÉBILE…

Répétons-le : il existe un mode pour facturer qui on le souhaite sans papier, ça s’appelle le mode dégradé. Mais la sécu demande un papier inutile, qu’elle a arrêté de demander pendant 16 mois sans conséquence aucune avant de reprendre pour satisfaire un irrépressible besoin d’administratif. Et là ils nous disent que la solution c’est de créer un nouvel outil avant fin 2023 ou d’avoir des cartes vitales dématérialisées… Vous vous rendez compte à quel point ils méprisent les médecins généralistes en considérant qu’ils vont forcément frauder avec les feuilles dégradés ?

J’ai déjà détaillé mon avis ici :

https://twitter.com/mimiryudo/status/1615239043612016640?s=20&t=5Fj9E4M2xK9NKA_3AByQBw

Mesure 6 – La révision des durées d’ALD pour qu’il n’y ait plus de limite pour certaines.

En pratique, ça existe déjà depuis quelques années : beaucoup d’ALD sont passées à 10 ans avec renouvellement automatique.
C’est une mesure pour soulager les médecins conseils ça ? 

Mesure 7 – Les fins de droits à l’ALD seront mieux anticipés en informant MG et patients 3 mois avant « d’ici l’été 2023 ».

Bonne nouvelle : ÇA EXISTE \o/ Promesse tenue avant d’être prononcée. Bon ok, vous allez modifier la recherche « 2 mois » par « 3 mois » « d’ici l’été » 😁

La page « affections longue durée » sur AmeliPro… On a la liste avec fin d’exonération de toutes les ALD, avec possibilité de trier par date, et éventuellement de ne sélectionner que celles arrivant à échéance dans 2 mois. Promesse tenue avant d’être prononcée : l’exploit des gens très compétents dans leur métier.

Mesure 8 – Les dernières caisses qui ne permettent pas la dématérialisation des ALD devront y passer (MGEN, CAMIEG…)

OK, c’est bien.

A la louche, je dois faire 1 ALD hors caisse générale tous les mois environ, avec un imprimé existant sur nos logiciels : en pratique, ça va donc plus vite que d’aller sur EspacePro, entrer le numéro de carte vitale du patient, valider, aller sur « ALD » puis « créer demande ALD » puis remplir et valider… MAIS le patient ne payera pas le timbre et ça fera gagner du temps… au médecin conseil !

Sinon, vous voulez faire mieux ? Supprimez toutes ces caisses, passez à une caisse unique.
Ca, ça serait de la simplification, et des économies. 

Mesure 9 – « Le déploiement d’un contenu enrichi sur le portail Ameli pro de l’Assurance maladie pour faciliter son utilisation et les interfaces avec les logiciels métiers utilisés par les médecins libéraux. »

Mettez un moulin devant @FrcsBraun, et décommandez 10 ans d’uranium. 

Blague à part, sous @Prokov_Editions, on peut déjà télétransmettre des arrêts de travail, des déclarations médecin traitant…
Avant on pouvait aussi faire les AT/MP mais @Assur_Maladie a changé les Cerfa du jour au lendemain donc on ne peut plus. 

Ce qu’on pourrait améliorer : retélétransmettre les AT/MP, ouvrir les télétransmissions de prescriptions médicales de transport (ou mieux : les supprimer !), mieux lier les sorties et entrées de patientèle d’AmeliPro avec le logiciel métier… pas grand-chose d’autre à mon sens pour gagner du temps.

Mesure 10 – « L’accompagnement des médecins libéraux sera renforcé grâce à l’intervention des délégués du numérique en santé de l’Assurance maladie pour le déploiement du Ségur numérique. »

Ah ok, donc « les délégués numériques feront leur taf » c’est une mesure ça ? 

Mesure 11 – « Un bilan complet et partagé sera dressé avec les médecins libéraux de la vague 1 du Ségur au premier trimestre 2023, pour intensifier les actions sur les différents sujets de difficultés identifiées. »

Mais c’est pas une mesure ça ! C’est un retour, un feedback, un truc normal quand on lance un projet d’ampleur… C’est quoi cette mission flash ?!

–> ah bah répondons à cette question : « François Braun a tenu à saluer l’important travail réalisé par la mission qui a conduit plus de 60 entretiens (de représentants de syndicats médicaux, présidents des conseils de l’Ordre, MEDEF et CPME, représentants de services de l’état) et analysé les contributions (par questionnaire en ligne) de plus de 900 médecins entre décembre 2022 et janvier 2023. »

Mesure 12 – « Une mobilisation accrue des éditeurs de logiciels, pour continuer à proposer aux médecins libéraux des produits ergonomiques et respectant le cahier des charges du Ségur. »

MAIS SAPERLIPOPETTE, C’EST ÇA QUE VOUS APPELEZ UNE MESURE ? Quel foutage de gueule @FrcsBraun : c’est juste le taf et la raison de vivre des éditeurs de logiciel qui, s’ils ne respectent pas le cahier des charges, vont juste devoir fermer leur boîte en fait !

Mesurette 13 – « Les médecins libéraux seront mieux associés aux différentes instances de pilotage du Ségur numérique, notamment s’agissant du déploiement des logiciels métiers. »

Qu’on bêta-teste plutôt qu’on fasse des retours assassins sur Twitter ? Bonne idée, je crois.

Micro-mesure 14 – « Le service médical de l’Assurance maladie sera plus accessible, grâce au déploiement de la messagerie sécurisée de santé et à des échanges individuels facilités ».

Ca existe déjà.
Sauf que souvent on a ces réponses : « appelez le 3608 ».
Inventez le téléphone avec des lignes directes (pour l’heure, quand la CPAM nous appelle, c’est 3646 qui s’affiche : on ne sait pas qui, on ne sait pas rejoindre la personne… et même les mails perso ont disparu en fin d’année… Nous sommes joignables, la CPAM non).

Mesure 15 – « Le recours accru aux appels ou e-mails sortants sur les sujets de facturation permettront de réduire drastiquement les envois de courrier »

La sécu va nous appeler pendant qu’on bosse pour moins nous déranger avec du courrier ?
Et… et donc ça, c’est une mesure ? 

LOL !

Assez rigolé avec ces mesures de merde

Vous voulez des mesures @FrcsBraun ? On en a proposé, plusieurs fois…. A titre personnel sous ces threads de 2020, 2021, 2022 et 2023…

Ce dernier thread est en fait la reprise d’une tribune publiée en janvier 2023 dans l’Express par 210 médecins généralistes.
Il y avait 7 exemples, voici ceux que les mesures présentées par le ministre cochent :
❌ suppression des certificats enfant malades
❌ suppression des arrêts de travail courts
❌ suppression des prescriptions de transport 
❌ suppression des prescriptions IDE inutiles (toilettes, insuline…)
❌ suppression des prescriptions de lit médicalisé
✅ limiter les certif de sports injustifiés
❌ suppression des certifs d’assureurs privés

(Sur ce dernier point, j’ai mon billet de blog fourre-tout… et plusieurs fils récents imbriqués ci-dessous)

J’ai quand même peine à croire que sur les 900 MG interrogés par cette mission flash, ces points n’aient pas été abordés MAIS que certains réclamaient des réponses de l’@Assur_Maladie sous 24h en messagerie sécurisée, ou qu’on les appelle plutôt qu’envoyer des courriers. 

Bref, cette tribune, @FrcsBraun, vous pouvez la relire ici — relire car comme vous l’avez dit à l’un des signataires, vous l’avez lue.
Quel dommage que vous ayez décidé de rien n’en retenir…

https://www.lexpress.fr/sciences-sante/greve-des-medecins-sept-exemples-concrets-de-simplification-pour-redonner-du-temps-medical-R5PJMCMUP5BRTEO6OQKIRS2XTU/

PS. Aujourd’hui, j’ai pris la décision de faire grève mardi 14 février…
J’ai hésité un temps, partagé entre l’envie de dire non à ce que l’Assurance Maladie prévoit en termes de convention… et la crainte d’être récupéré médiatiquement par des syndicats ou associations ou autres mouvements opposés à l’accès direct aux infirmiers de pratique avancée (je suis très en faveur de cette nouvelle profession, qui sera utile aux patients), ou réclamant forcément une consultation à 50€ (je veux bien qu’on m’augmente, pas de souci, mais je n’aurais pas fait grève pour ça — même si je comprends qu’on puisse, contrairement à la grève « contre » une autre profession de santé…).
Et puis dans la journée, je me suis décidé, j’ai décalé mes patients, en me disant que je défendrais (d’une façon ou d’une autre) les idées déjà évoquées et mises en avant dans la tribune de l’Express — à mon petit niveau, difficile de faire autre chose.
Je voulais profiter de la soirée pour écrire un billet de blog sur « pourquoi je fais grève », redire que ma motivation principale c’est qu’on redonne du temps médical et qu’on arrête de nous occuper avec des tâches inutiles voire méprisantes de contrôleur ou d’assureur de la santé…
Et puis François Braun a diffusé son communiqué… Bah voilà, c’est pour tout ce qui est relayé dans ce billet que je fais grève. Je fais grève contre les incompétents qui nous dirigent et n’écoutent pas ce qu’on leur demande pour améliorer l’accès aux soins.

Et pour retrouver ce billet sous forme de thread Twitter, c’est ici :

https://twitter.com/mimiryudo/status/1623416367138455552?s=20&t=FqU7xzSawi6tpomTcuwMeQ

EDIT : Et en mars 2023, nous avons lancé le site certificats-absurdes.fr

Loading spinner