Où est Charlie ? Le monde des urgences

J’ai déjà partagé ma vision hautement philosophique des gardes aux Urgences chirurgicales. Mais au fil du temps, d’autres anecdotes me reviennent. Notamment, l’impressionnante logistique des lieux…

Dimanche matin, 8h30, Centre Hospitalier Régional. L’externe arrive aux urgences chirurgicales. C’est sa première garde. Il ne va rien savoir faire. Il se présente. Soupirs, haussements de sourcils. On ne va pas l’accueillir avec des banderoles. Ni retenir son nom d’ailleurs, puisqu’on peut l’appeler de façon plus générique « l’externe » — les amateurs de Scrubs se souviendront de Perry Cox appelant John Dorian « bizuth » ou Joséphine à longueur de journée…

Par chance, Lex Terne, un des étudiants du service et collègue de notre héros Lexter Ne, lui explique les bases : les dossiers en attente sont ici, les box sont là, les bons de transport sont sur cette bannette, les ordonnances de sortie sont à cet endroit, et les patients sont perdus. Plus précisément, ils sont soit dans le box qui leur a été attribué, soit dans un autre, soit dans le couloir, soit allongés, soit assis, soit debout, soit aux toilettes, soit repartis à cause de l’attente, soit en train d’homologuer leur record au jeu cache-cache. La seule certitude qu’on peut avoir à leur sujet c’est qu’ils ont un numéro de carte vitale, vu que c’est la première chose qu’on demande, juste avant leur identité et le motif de recours aux urgences.

Discussing the Divine Comedy with Dante

Indice : votre patient est brun, et son numéro de Sécu commence par 1

Les « box » sont des pièces d’environ trois mètres sur trois, soit à peu près la surface d’une chambre de résidence universitaire (avec moins de frigo et plus de bocaux à urine). Leur seul défaut – outre le fait de donner une image hippique à l’écur… au service – est d’avoir une porte de largeur insuffisante pour laisser entrer les nouveaux brancards fraîchement commandés et obligeant ainsi à revenir sur les modèles plus anciens, qui ont par ailleurs énormément aidé la paléontologie lors de la détermination de la date d’apparition de la roue…

Une fois le patient retrouvé, sur son très vieux brancard donc (puisque les nouveaux doivent rester dans le couloir), Lexter Ne doit lui trouver un box vide. Pour ça, il a plusieurs solutions :

  • sortir d’un des quelques box un brancard sans patient : le précédent venait pour une douleur au pouce, mais il a été mis sur un brancard à l’entrée, parce que c’est quand même vachement rigolo les couloirs encombrés,
  • sortir dans le couloir un brancard avec un patient, qui a déclaré avoir « déjà été vu par quelqu’un » – peu importe qu’il parle de l’infirmier, de l’externe, de l’interne, du médecin, de l’aide-soignant, du technicien venu changer une ampoule, car les box disponibles sont trop chers pour s’intéresser à ce genre de détail médicalement peu pertinent,
  • sortir un patient en chaise ou debout, qui finira par s’asseoir sur un des brancards vides précédemment stockés par L. Externe ou Lex Terne,
  • avoir de la chance : peut-être qu’un patient vient de rentrer, d’être transféré, ou simplement de partir pour trois minutes en radiologie (mais comme dit le dicton nordiste : « qui qu’on déplace perd sa place »)

Après les manœuvres épiques de déplacement de brancard dignes d’un joueur professionnel de Tetris (si on fait une ligne de brancards, ils ne disparaissent pas, j’ai déjà essayé), Lexter Ne pose alors des questions, palpe un peu partout et regarde si le physique et les fonctions du patient sont compatibles avec un RAD (Retour A Domicile). Sinon, il demande des investigations complémentaires biologiques ou d’imagerie, et pendant l’attente, le patient finira par se retrouver hors du box à son tour, entretenant ainsi le mouvement perpétuel des urgences.

Puis, au bout de quelques heures, Lexter Ne doit faire face à deux nouveautés dans sa vie. Tout d’abord, le toucher rectal que l’interne ne recontrôlera pas parce-que-bon-elle-fait-de-l’orthopédie-c’est-quand-même-pas-pour-lui-mettre-un-doigt-dans-le-cul, et dont nos connaissances techniques se limitent à « euh, alors, on a eu des profs qui en ont parlé l’an dernier, je crois qu’il faut de la vaseline, un gant, et après on essaie de sentir la prostate, le bien-nommé cul-de-sac de Douglas, la vessie, l’utérus, les trompes, le côlon, la rate, les cordes vocales… »

Ensuite, il y a les sutures. Mais ça, c’est une autre histoire…

Chevaux au box

Qu'est-ce qu'il me veut avec sa vaseline, celui-là ?

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