Blog Archives

100 consultations de médecine générale, dont 30 potentiellement évitables : un court recueil estival

(Pioufff, ça faisait un moment ! Désolé, mais j’ai été occupé à 2-3 autres trucs de vie familiale ou de loisirs, comme une saga pour le concours de l’été que vous pouvez écouter ici avec les autres ! J’essaierai de re-bloguer un peu plus fréquemment ;-))

 

Pour ceux qui suivent un peu, en février 2018, j’avais fait une semaine de recueil de données en médecine générale.

Pour donner une autre vision, plus estivale, j’ai refait un petit recueil récemment, en me limitant aux 100 premières consultations/visites (sur 115 en 4 jours), et en ne cherchant à répondre qu’à 4 grandes questions :

  • combien de motifs par consultation ?
  • combien de « consultations de renouvellements »… et dans ce cas, combien de modifications du traitement de fond ?
  • est-ce le motif de consultation est en lien avec le travail ?
  • est-ce que cette consultation aurait pu être évitée ? (comment ?)

 

Note avant ce qui va suivre

Comme la dernière fois, c’est uniquement une description (partielle) de MON activité, sur une semaine. Ca n’est donc même pas révélateur (pas un échantillon fiable en tout cas) de ma propre activité, donc ça n’a aucune vocation à être extrapolé au niveau de la ville, la région, la France ou le monde.

 

Combien de motifs par consultation en moyenne ? 

Evidemment, c’est difficile à compter :

  • est-ce qu’une simple question attendant une réponse simple est un motif ?
  • est-ce que les motifs créés par le médecin sont des motifs ? (« et maintenant, vérifions vos vaccins ; de quand date votre dernier frottis ; vous fumez toujours ; etc. »)

J’ai répondu non et compté assez bas. Au total, je trouve une moyenne de 1,7 motif par consultation « seulement ».

Les 100 consultations dans l’ordre : une alternance de consultations « mono-motif » et de consultations à plusieurs motifs…

Sur les 100 consultations, 14 avaient ce que j’ai appelé un « bonus track » (cette petite question qui n’a rien à voir avec la consultation, ou arrive en toute fin), notamment 1 courrier à la place d’un autre spécialiste, 5 prescriptions médicales de transport, 4 certificats de sport, 4 questions sur la prise en charge d’un enfant/conjoint…

 

Combien de consultations « de renouvellement » ?

C’est facile : 50 consultations ont eu comme motif un suivi avec renouvellement.

Combien de modifications du traitement de fond ? 

Parmi ces 50 consultations, le traitement a été modifié (en partie) dans 21, soit 42 % des consultations. (C’était sûrement beaucoup cette semaine).

Est-ce que ces patients venant pour un renouvellement avaient plus ou moins de motifs ? 

Ils avaient 1,8 motifs en moyenne, vs 1,6 pour ceux ne venant pour un suivi avec renouvellement… donc kif-kif.

 

Est-ce que le motif était en lien avec le travail ? 

81 patients n’étaient pas concernés (pédiatrie, gériatrie, chômage). J’ai eu 3 « expertises » (pour la fonction publique), donc directement liées avec le travail.

Pour les 16 autres patients, le travail était responsable de la consultation pour 7 d’entre eux, avec 2 infections liées à une réunion de travail (promis !) – pas d’arrêt – ; 1 burn-out, 1 accident de travail, 2 arrêts pour troubles musculosquelettiques, 1 arrêt pour deuil.

 

Est-ce que les consultations étaient évitables, et comment ? 

Comme pour les motifs, le caractère « évitable » ou non d’une consultation est particulièrement subjectif.

Dans l’absolu, quasi toute consultation est évitable d’une façon ou d’une autre (c’est même sûrement plutôt sain de ne pas s’imaginer indispensable…)

Une des modifications les plus évidentes est simplement d’espacer le plus les consultations, et faire des « renouvellements » de 6 mois… ce que je fais personnellement assez peu (4 fois plus de suivis trimestriels que semestriels).

A mon sens, 30 consultations étaient « facilement » évitables sur 100, notamment celles ayant pour « principal » motif :

  • 3 pour renouvellement mensuel d’opiacés : ça pourrait être évité en augmentant légalement les délais de délivrance pour les opiacés au long cours.
  • 7 pour problèmes d’éducation à la santé (douleurs sans prise d’antalgique ; rhino-pharyngite ; famille/autre professionnel de santé qui incite à reconsulter pour réentendre la même conclusion dans une lombalgie ; fièvre J1)
  • 2 pour faire le SAV en sortie d’hospitalisation pour les prescriptions de soins IDE, kiné… : meilleure préparation au retour à domicile (… la plupart du temps, ça se passe mieux).
  • 1 pour arrêt de travail non fait par l’urgentiste de la clinique : insister pour que les urgentistes fassent les arrêts (j’en ai déjà parlé…)
  • 2 pour suivi psychologique : ça pourrait être évité en remboursant les psychologues
  • 8 pour certificats de sport ou certificat pour avoir accès à un casier à l’école (bon, c’était la saison !) : arrêter le délire des certificats de sport…
  • 1 pour RQTH suite à une arthrodèse : simplifier les dossiers RQTH
  • 1 pour courrier pour voir un angiologue pour sclérothérapie : simplifier le recours aux angiologues dans ces indications
  • 1 pour prescription de semelles orthopédiques : autonomiser les podologues (franchement pour ce que c’est remboursé…)
  • 1 expertise pour entrée dans l’éducation nationale : typiquement le genre « d’expertise » qui a un très faible intérêt
  • 2 consultations pour arrêt de travail court avec un motif légitime et invérifiable : permettre aux gens de prendre un arrêt de travail sans avoir une (fausse) preuve coûtant du temps et de l’argent.
  • 1 burn-out : arrêter le harcèlement au travail (oui, je sais…) 

J’avais noté aussi « déléguer les vaccins » mais les 3 que j’ai fait étaient tous avec d’autres motifs de consultation (petite semaine par ailleurs, j’en avais fait 4 fois plus la semaine précédente avant la rentrée !)

 

Voilà ! Au total, quelques éléments que je retiens de cette petite semaine d’analyse : 

  • définir un motif, définir une consultation « évitable », c’est compliqué,
  • en fin de certaines journées, j’avais l’impression de n’avoir que des consultations à 3-4 motifs ; finalement, ce petit recueil me montre que j’ai une vision assez fausse, c’est intéressant ! Ca méritera d’être revérifié à l’occasion !
  • on pourrait probablement gagner 20 à 30 % du temps de consultation en limitant les recours ; plusieurs idées avaient été évoquées dans un précédent billet… Cela passe principalement par des modifications légales ou administratives, ou une meilleure éducation à la santé.
  • dans ma très locale expérience, je ne vois pas bien ce que les mesures prévues (CPTS notamment – sans en faire une obsession ^^’) vont améliorer : peut-être gagner 2-3 consultations en améliorant encore un peu la communication ville-hôpital… Le seul intérêt que j’y vois est de pouvoir améliorer l’éducation à la santé par des actions locales… mais, au prix de temps médical dédié à des réunions CPTS, le gain n’aurait même pas atteint les consultations gagnées par les modifications légales ou administratives, dans ma semaine décrite ici (avec toutes les réserves citées en début de billet sur la non-extrapolabilité de cette semaine).
Loading spinner

[FMC] Nos amis les assureurs… et leurs questionnaires « pré-remplis »

Le concept d’une assurance à la base, c’est que plusieurs personnes mettent des sous dans une caisse, qui sert à dépanner un des cotisants lorsqu’il lui arrive un pépin. C’est cool.

Le concept des assurances actuellement, c’est « on veut bien vous assurer, mais avant, dites-nous ce qui ne va pas chez vous… »

  • vous déclarez une pathologie / un antécédent :
    • vous devez faire remplir un questionnaire EXHAUSTIF à votre médecin (c’est faux, et on le verra plus bas)
    • ET vous allez payer plus cher que les autres (parce que vous êtes plus à risque)
    • ET on ne vous couvrira pas s’il vous arrive quelque chose en lien avec votre pathologie (ce qui est quand même probable…)
  • vous ne déclarez rien :
    • ok, on vous fait confiance tant que vous payez…
    • MAIS dès qu’on devra vous verser de l’argent pour un problème de santé, vous devrez faire remplir un questionnaire EXHAUSTIF à votre médecin pour confirmer que vous n’aviez rien au moment de signer le contrat.

Ca c’est moins cool, notamment parce que ça implique que des gens malades soient encore plus défavorisés que les autres, et que rien que ça, ça mérite un award de rapacerie… Des patients en ALD raconte parfois un vrai parcours du combattant pour trouver une assurance abordable pour leur prêt (certains refusent de renouveler leur ALD pour pouvoir contracter plus facilement un prêt… C’est facile à retrouver : allez sur ce forum ou tapez droit à l’oubli pour comprendre que cette possibilité récente n’est pas assez respectée…)

Bref, ça implique donc régulièrement de recevoir un patient pour un rendez-vous dont le motif est « j’ai un questionnaire d’assurance à vous faire remplir pour obtenir un prêt ». Or, au cas où les gens auraient oublié :

1/ le secret médical implique qu’on n’est pas censé dévoiler tout et n’importe quoi (et les questionnaires pré-remplis, c’est vraiment du tout et n’importe quoi : un patient qui déclare un poids excessif par rapport à sa taille, l’assureur lui demande TOUS les autres facteurs de risque cardiovasculaire, tous les antécédents rhumatologiques, digestifs et pulmonaires… largement au-delà de ce qu’a déclaré le patient),

2/ dans le contexte de pénurie actuelle, on a autre chose à faire que remplir le questionnaire pour qu’une compagnie d’assurance puisse demander une surprime et des exclusions de garantie…

Du coup, bah, ça m’agace. Alors depuis le 14 mars 2019, j’ai un nouveau hobby : à chaque fois qu’un patient vient pour ça, j’envoie un mail à l’assureur en mettant l’Ordre des médecins en copie (j’adorerais avoir l’adresse mail de la CNIL mais hélas je n’ai pas trouvé). A la demande générale de 3-4 personnes sur Twitter, voici ce mail :

Cher Assureur XXXXX,

J’ai reçu ce jour en consultation un patient pour remplir un questionnaire d’assurance à votre demande concernant des précisions concernant une pathologie qu’il vous a déclarée. 
Le rôle du médecin n’est pas d’inciter le patient à vous masquer des informations concernant sa santé ; il n’est pas non plus de vous donner des informations à l’insu du patient.
 
Les en-têtes et la demande de signature et cachet du médecin (cf. images jointes) me semblent en opposition avec les rapports que le Conseil de l’Ordre des Médecins a rédigés, dont je vous livre quelques extraits que vous semblez malheureusement méconnaître : 
 
« Le patient ne peut délier son médecin du secret médical ». 
« Nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d’un même malade » (article 105 du code de déontologie). 
« La question peut se poser de la légalité des exigences des assureurs qui demandent communication des dossiers. Ne tombent-ils pas sous le coup de l’article L. 1110-4, alinéa 5 du Code de Santé publique ? »
 
2 – En avril 2015, le rapport du Dr Jean-Marie Faroudja (https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/rapportcnomquestionnaire_sante.pdf), consolidé en janvier 2019.
Ce rapport rappelle que les patients sont responsables des informations médicales qu’ils souhaitent révéler, en respect de la loi du 4 mars 2002 et de l’article L-1110-4 du Code de Santé Publique sur le secret médical. 
« Le rôle du médecin dans ces relations aux assurances est d’aider le patient dans ses démarches, mais pas de signer ou contresigner un questionnaire de santé. »
Et l’alinéa C : « l’utilisation d’un modèle type établi par l’assureur n’est pas opposable au médecin. Celui-ci ne peut signer que le certificat qu’il établit lui-même, attestant de ses constatations médicales ». 
 
Vos questionnaires types pré-remplis « à compléter par le médecin » (cf. courrier et en-têtes desdits questionnaires) sont donc abusifs.
En omettant par totale inadvertance de préciser au patient que ce certificat « type » n’est pas opposable, vous mettez à mal la relation médecin-patient, puisque le patient attend qu’on remplisse votre modèle type et ne comprend pas qu’on signe un autre certificat (voire craint à juste titre que cela puisse nuire à sa demande de prêt…)
Je peux effectivement donner au patient toute donnée qu’il souhaite. Si vous remettez un document pré-rempli, les informations ne sont plus souhaitées par le patient mais par vous, l’assureur (qui n’hésitez d’ailleurs pas à questionner sur des problèmes respiratoires, rhumatologiques, cardiovasculaires lorsqu’il s’agit par exemple d’un surpoids, dépassant ainsi potentiellement le cadre des problèmes de santé rapportés par le patient, et plaçant donc bien le médecin dans une situation de violation du secret médical).
 
Je vous rappelle au passage les termes de l’article L. 1110-4 alinéa 5 évoqué par le Conseil National de l’Ordre des Médecins : « le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
Enfin, la Cour de Cassation a rappelé que « l’obligation du secret professionnel (…) est générale et absolue, et il n’appartient à personne de les en affranchir » (Civ. 1e, 8 mai 1947, Degraene ; Crim. 22 décembre 1966, n°66-92897)
 
Puisque vous demandez que le questionnaire de santé soit rempli, signé et cacheté par un médecin (sous peine de refuser d’assurer un patient), je vous remercie donc de bien vouloir m’éclairer sur ce point : quel article de loi vous permet de vous asseoir sur le secret médical ?
 
Je vous remercie de transmettre votre réponse également à l’Ordre National des Médecins, que je mets en copie de ce mail (ethique-deontologie [at] cn.medecin.fr)
 
PS : Je suis toujours curieux de l’accord de la CNIL concernant le recueil, le cheminement, le devenir et la conservation de ces données biomédicales non anonymes, transmises au format papier dans une enveloppe qui n’arrive probablement qu’entre des mains d’un médecin. 
 
[Je ne l’ai jamais fait, mais si vous êtes motivé, vous pouvez ajouter ce PPS : Dans le contexte démographique actuel, les médecins ont autre chose à faire que remplir vos questionnaires pour que votre compagnie puisse demander une surprime et des exclusions de garantie. Je vous remercie donc de bien vouloir me préciser l’adresse où transmettre ma facture pour être indemnisé de la rédaction de ce certificat (vous savez évidemment que cela ne peut être pris en charge par l’assurance maladie).]
 
 
Mail (dans une première version) déjà transmis, avec la cellule Ethique-Déontologie de l’Ordre des Médecins, à :
– Aviva (qui m’a dit que c’était pas eux…) 
– CBP / Generali Vie (qui m’a répondu grosso modo, « il est légal qu’un patient puisse obtenir de son médecin traitant toute information relative à son état de santé y compris un certificat. De tels certificats « types » sont formalisés par les assureurs et les réassureurs, afin de cerner les éléments techniques qui leur sont utiles et pour lesquels l’assuré peut avoir recours à l’aide de son médecin traitant. Il ne s’agit pas d’une expertise. » et a omis de répondre à ma question spécifique sur le caractère facultatif de ces certificats types qui n’est précisé nulle part…)
– Lamie Mutuelle (qui a répondu pareil, et n’a bizarrement pas répondu ensuite à la question du « certificat type »)
– Carcept Prev (en mettant en copie l’UFML et la FMF ; qui dit que « non mais c’est écrit à remplir par le médecin traitant avec cachet obligatoire mais vous savez, ça n’a rien d’obligatoire »). 
– SMAVie 
– Groupama
 
 
 
[EDIT 5 octobre 2o19] L’Ordre National des Médecins a transmis ma 4ème demande au Conseil du Pas-de-Calais, qui m’a transmis une chouette réponse, que je pourrais réutiliser pour la suite :

« Cher Confère,

Vous avez interrogé le Conseil National et nous venons de recevoir sa réponse.

Certaines caisses de prévoyance assurant les employeurs subordonnent en effet le versement des indemnités complémentaires à la remise, par les salariés, d’un certificat médical détaillé.

Ceci est inadmissible.

Il y a lieu de rappeler que l’arrêt de travail délivré par le médecin traitant suffit à justifier le versement des indemnités journalières (ou en cas de subrogation, le maintien du salaire) et qu’en dehors d’une remise en cause de l’arrêt de travail décidé, après contrôle par le médecin conseil, leur versement ne peut être suspendu.

S’agissant des indemnités complémentaires restant à la charge de l’employeur, elles sont également dues sur la seule base de l’arrêt de travail.

Aucune disposition d’aucune sorte, (légale, règlementaire ou jurisprudentielle) ne subordonne le versement des indemnités complémentaires à la production d’un autre document que le formulaire d’avis d’arrêt de travail destiné à l’employeur.

Il n’appartient donc en aucun cas au médecin traitant de remplir ce questionnaire. »

[EDIT 21 novembre] L’Ordre national a mis à jour sa fiche(https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external- package/rapport/l346l7/cnom_questionnaires_de_sante_certificats_et_assurances.pdf). Je mets ici le résumé :

Attaché au secret médical, principe d’intérêt public, l’Ordre des médecins recommande aux praticiens la prudence, laissant aux patients la libre transmission des éléments dont ils disposent et aux ayants-droit la transmission d’informations médicales auxquelles la loi leur permet d’accéder.

Le médecin peut conseiller la personne, ou les ayants-droit, en leur indiquant les éléments médicaux qui répondent aux demandes de l’assurance, les éclairer sur les conséquences de la divulgation d’informations médicales en se gardant absolument de se rendre complice de fraude ou de dissimulation quelle qu’elle soit.

Le médecin traitant n’a pas à remplir, signer, apposer son cachet ou contre signer un questionnaire de santé simplifié ni à rédiger un certificat l’obligeant à détailler les causes du décès ou les antécédents de la personne décédée.

[EDIT 21 novembre] L’Ordre du Pas-de-Calais m’a apporté une autre réponse merveilleuse sur une autre demande ! Je les adore *_*

« Cher Confère,

Veuillez trouver, pour attribution un nouveau courrier faisant suite à la correspondance n° CNOM/2019/09/05-083 qui vous a été adressée le 3 octobre 2019.

La mutuelle LAMIE cite, pour justifier le certificat détaillé exigé avant versement des indemnités complémentaires à un salarié en arrêt de travail, un arrêt de la Cour de cassation dans le cadre duquel il était demandé au médecin traitant d’un patient décédé un certificat détaillé mentionnant les antécédents du patient, la cause du décès, la date d’apparition des premiers symptômes…

La position du CNOM a toujours été de soutenir que le médecin lié par le secret médical ne devait pas répondre à ce type de question.

Le Conseil national admet tout au plus que le médecin dise si la mort a été naturelle, due à une maladie ou à un accident ou encore qu’elle est étrangère à une cause d’exclusion du contrat qui lui a été communiqué. Aucune modification des règles déontologiques ne peut conduire actuellement à changer cette position.

La loi du 4 mars 2002 permet aux ayant droits d’un patient décédé d’accéder à son dossier médical dans la mesure où cela est nécessaire (c’est-à-dire pour faire valoir leurs droits, pour connaître la cause de la mort, pour défendre la mémoire du défunt). Les médecins de compagnie d’assurance peuvent donc ainsi accéder aux données qu’ils recherchent lorsque ces documents leurs sont transmis (cf le rapport « questionnaire de santé, certificats et assurances) accessibles sur le site.

En l’espèce la réclamation d’un certificat détaillé est encore moins justifiée dès lors que la règlementation prévoit le versement d’indemnités journalières sur la base du seul arrêt de travail et qu’aucune disposition légale règlementaire ou jurisprudentielle ne subordonne le versement des indemnités complémentaires à la production d’un autre document que le formulaire d’avis d’arrêt de travail destiné à l’employeur et/ou à son organisme de prévoyance.

Là encore, nous vous invitons à vous reporter au rapport accessible sur le site du CNOM « questionnaire de santé, certificats et assurances ».

Il n’appartient en aucun cas au médecin traitant du salarié de remplir, signer ou contresigner le questionnaire de santé ou le certificat médical détaillé.

Il ne peut en effet être médecin traitant et médecin expert.

Confraternellement, »

[EDIT 14 décembre] Tous les liens du CNOM sont morts… >< J’ai retrouvé le dernier en date ici. 

[EDIT 30 décembre] Suite à un mail de septembre à Klesia / Carcept Prévention, une des réponses de leur « pôle juridique institutionnel et droit de la protection sociale » était la suivante :

« Les principes évoqués à l’article 4 du Code de Déontologie médicale (article R. 4127-4 du Code de la santé publique) sont particulièrement respectés. Il est par ailleurs à noter que suivant l’article 50 du Code de Déontologie médicale (article R. 4127-50 du Code de la santé publique) : « Le médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit. A cette fin, il est autorisé, sauf opposition du patient, à communiquer au médecin conseil nommément désigné de l’organisme de sécurité sociale dont il dépend, ou à un autre médecin relevant d’un organisme public décidant de l’attribution d’avantages sociaux, les renseignements médicaux strictement indispensables. »

Carcept Prévoyance est une institution de prévoyance régie par le Code de la Sécurité sociale appartenant au Groupe de protection sociale Klesia intervenant en complément de la Sécurité sociale en frais de santé et en prévoyance. C’est dans ce cadre que les organismes assureurs du Groupe Klesia, tels que Carcept Prévoyance, peuvent solliciter des informations médicales, en accord avec leurs assurés, et ce afin de permettre le versement de prestations ou la poursuite de celui-ci […] »
Hélas pour eux, la réponse de l’Ordre des Médecins (Président de la section Exercice Professionnel – exercice-professionnel [at] cn.medecin.fr) a répondu fin décembre que :

« Avant toute chose, Klesia fait une interprétation erronée de la loi et de la déontologie et en particulier le fait qu’il s’agisse d’une entreprise régie par le code de la sécurité sociale n’en fait pas un organisme de sécurité sociale. La référence à l’article 50 du code de déontologie médicale est particulièrement inappropriée.

En donnant des informations précises à leurs patients lors de la constitution de leur dossier d’assurance (notamment lorsqu’il s’agit de répondre à des questionnaires de santé ciblés ou de décrire des pathologies complexes), les médecins ont un rôle essentiel de conseil –auprès de ces patients – qui fait pleinement partie de leurs missions.

Enfin, nous vous précisons que si le médecin peut conseiller la personne, ou les ayants-droit, en leur indiquant les éléments médicaux qui répondent aux demandes de l’assurance, les éclairer sur les conséquences de la divulgation d’informations médicales en se gardant de se rendre complice de fraude ou de dissimulation quelle qu’elle soit, en aucun cas il n’a à remplir, signer, apposer son cachet ou contre signer un questionnaire de santé simplifié ni à rédiger un certificat. »

Allez, on y croit, ça va finir par changer.

 
[EDIT du 29 janvier 2020] Et ça continue, encore et encore…

Alors il faut que ça cesse. Une action dans la presse. Un courrier au procureur (il est prêt, je l’envoie demain…). J’en sais rien, mais ça va s’arrêter.
 
 
[EDIT du 8 février 2020] Ce (mini-)combat continue… Le courrier a bien été envoyé au Procureur, j’attends la réponse. Pendant ce temps, les assurances continuent de se moquer du monde.
Le dernier en date (Carcept) m’a répondu :

Capture d’écran 2020-02-08 à 15.12.05

Ce à quoi j’ai répondu, toujours avec l’Ordre en copie…
 
Capture d’écran 2020-02-08 à 15.13.44
Capture d’écran 2020-02-08 à 15.12.55
 
Pour moi la seule solution viable c’est :
– l’assurance fait ce qu’elle veut avant signature du contrat (elle demande une copie du dossier au patient, elle demande un extrait de casier judiciaire, ce qu’elle veut), et décide en son âme et conscience d’assurer ou pas ce patient, à son tarif et ses conditions… Libre alors au patient d’accepter ou refuser.
– le patient respecte l’assurance en payant chaque mois,
– dès qu’il y a un problème, l’assurance respecte le contrat aussi et paie à son tour.
A l’heure actuelle, les assurances font des contrôles (parfois) a priori et (toujours) a posteriori. Ce dernier est illégal, en plus d’être immoral. Il part du principe que tout client de l’assurance est fraudeur jusqu’à preuve du contraire à leur apporter.
 
Dans tous les cas, il n’y a aucune place pour le médecin dans tout ça ; tout au plus, et c’est ce qui est légalement approuvé par l’Ordre, le médecin peut aider à préciser ses antécédents avec le patient lors de la signature du contrat.
Après, si les assurances veulent ponctuellement une expertise en suspectant une fraude à l’assurance sur de bons arguments, ils la demandent à un médecin expert des assurances, et ils le paient en conséquence.
 
Dans la presse, Le Généraliste a relayé (via Camille Roux), un article dans UFC Que Choisir en avril 2020 (par Anne-Sophie Stamane).

EDIT du 27 juillet : UFC Que Choisir a mis en place une adresse mail où leur adresser les demandes abusives des assurances : secret-medical@quechoisir.org

EDIT du 13 décembre : Ca continue évidemment. J’ai refait un thread…

A la sempiternelle question : pourquoi font-ils ça ?

  • Réviser le contrat ? Bah n’attendez pas que la personne soit malade alors, faites le annuellement. Evidemment, ça fait peur de perdre des assurés « rentables »…
  • Traquer une fraude ? C’est déjà fait à la signature… Sinon, il faut demander une expertise externe. Ah, ça coûte de l’argent…
  • Non, la vraie raison, c’est d’inciter les assurés à refuser à leurs droits. C’est donc tout simplement une arnaque, librement autorisée par ceux qui ont le pouvoir de l’arrêter et ne font rien (parquet de Paris, Ordre des médecins). Les assureurs demandent des tonnes de papiers à un moment où ils sont malades et ont autre chose à faire…
  • D’ailleurs, le contrat s’applique jusqu’à ce que l’assureur ait apporté la preuve de l’exclusion (Cass. 1re ch. civ., 15 et 22 oct. 1980)… Il n’y a pas de « charge de preuve » d’inclusion dans le contrat par l’assuré, mais une « charge de preuve » d’exclusion par l’assureur.
  • Enfin, « le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre. Les primes payées demeurent alors acquises à l’assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts. » (art. L. 113-8 du code des assurances)

Les assureurs ne sont pas des philantropes et même dans des situations critiques, ils peuvent toujours être dans une recherche d’économie

(EDIT 13 février 2022) Depuis début 2022, les questionnaires pour les emprunts inférieurs à 200 000€ ne s’accompagnent plus de certificat médical à l’entrée (gageons qu’il reste un certificat « a posteriori » par contre, au moment de payer…) : https://informations.handicap.fr/a-assurance-pret-questionnaire-medical-200000-euros-32315.php

(EDIT 19 mai 2022) J’ai fait un très long mail récapitulatif au CDOM du Pas-de-Calais, au CROM des Hauts-de-France, à la cellule éthique déontologie et la cellule exercice professionnel du CNOM, avec Alexis Kohler (SG Elysée) et Thomas Fatome (DG CNAM) en copie. J’ai donné tous les arguments nécessaires pour que l’Ordre porte plainte contre le médecin conseil de CNP Assurances.

(EDIT 11 mars 2023) Suite au message du 19 mai, j’ai eu une longue relation épistolaire avec le Dr Trarieux de la cellule éthique de l’Ordre des médecins, qui n’a pas souhaité donner suite, se jugeant « incompétente » pour faire autre chose qu’un simple rappel, totalement inefficace puisque la même assurance envoie les mêmes courriers.

En pleine rédaction pour le site certificats-absurdes.fr, j’ajoute ici ces threads emboîtés de début d’année :

Loading spinner

[FMC] Certificat pour les absences scolaires

Oui mais je ne l’utilise plus… Les écoles sont raisonnables ici ; si certains parents veulent un certificat je leur fais.

— Michaël (@mimiryudo) 18 novembre 2017

Ma pratique c’est :

  • « abus » au sein d’une ou plusieurs écoles (certificat médical systématique) : je fais le certificat avec la précision sur le texte de loi. Pour l’instant ça fait un moment que je ne le fais plus, mais ça peut revenir, par exemple au décours d’un changement de CPE, etc.
  • parents anxieux (notamment si leurs enfants ont déjà eu pas mal d’absences, des difficultés scolaires ou autre contexte particulier…) ou pour ne pas payer la cantine : je fais le certificat normal, sans la précision ; ça me coûte 10 secondes, une feuille A4 et un peu d’encre, donc si ça permet de lever un peu d’anxiété et de ruminations, c’est médicalement hyper rentable 😉 (mais ça se discute, peut-être que je freine le progrès vers le 0 certificat…)
  • parents qui demandent s’il faut un certificat pour l’école : je réponds non, que c’est à eux de mettre un mot dans le carnet.

Mon modèle est plutôt neutre et explicatif, parce que je ne sais pas si c’est l’école qui insiste devant un passif scolaire (de l’enfant ou de sa fratrie, etc.), par habitude ou autre ; ou si c’est le parent qui insiste.

Bref, voici pour @Pirouette4 mon modèle (qui, comme d’habitude, est libre d’utilisation et de reproduction) :

Je, soussigné Docteur @mimiryudo (je mets mon vrai nom ^^), certifie avoir examiné <nom et prénom du patient ><âge> ans.

Son état de santé nécessite une éviction scolaire jusqu’au <date> inclus, avec une surveillance à domicile par un des deux parents (congés de présence parentale). (formule en italique que je retire si besoin).

Certificat remis en mains propres pour faire valoir ce que de droit.

@mimiryudo.

Note : Pour rappel, la circulaire DSS/MCGR/DGS n° 2011-331 du 27 septembre 2011 rappelle les cas où le certificat médical est nécessaire et ceux où il ne l’est pas (notamment l’absence à l’école ou à la cantine – en dehors de quelques maladies contagieuses – et les sorties scolaires).

Vous pouvez retrouver ce texte ici —> http://social-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2011/11-10/ste_20110010_0100_0056.pdf

L’annexe simplifiée est disponible ici —> http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/331_annexe_certifs_medicaux.pdf

En pratique, les seuls certificats utiles sont :

– ceux pour les maladies contagieuses (définies par l’arrêté du 3 mai 1989 relatif aux durées et conditions d’éviction, mesures de prophylaxie à prendre à l’égard des élèves et du personnel dans les établissements d’enseignement et d’éducation publics et privés en cas de maladies contagieuses : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000705286).

– les régimes alimentaires spéciaux pour les cantines scolaires,

– les absences en crèche d’au moins 4 jours (pour des raisons d’exonération),

– l’inaptitude au sport scolaire (l’aptitude au sport scolaire, en EPS, associations ou fédérations scolaires, ne nécessite pas de certificat d’après les art. L552-1 à 4 du Code de l’Éducation)

– la non contre-indication au sport extra-scolaire en entraînement ou en compétition (valable pour une durée de 3 ans)

– les certificats liés à un handicap,

– les autres certificats obligatoires (coups et blessures, etc.)

EDIT du 12 août 2020. Les liens ont changé, et les règles pour les certificats de sport sont à 3 ans maintenant.

Pour les absences scolaires : https://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2011/11-10/ste_20110010_0100_0056.pdf ou l’annexe simplifiée : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/331_annexe_certifs_medicaux.pdf

Pour les certificats de sport tous les 3 ans : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=4AEE461CB45FD4C6420BE8724AE63A4C.tplgfr27s_1?cidTexte=JORFTEXT000034411047&idArticle=LEGIARTI000034411261&dateTexte=20170413

Loading spinner