Pas de panique… avec vos masques ! #TowelDay

Aujourd’hui, c’est le Geek Pride Day et la journée de la serviette, en hommage à Douglas Adams, auteur du Guide du voyageur galactique (H2G2), la seule trilogie en 5 volumes de la littérature britannique.

Ce 25 mai, tout le monde est invité à se munir d’une serviette de bain, « l’objet le plus vastement utile que puisse posséder le voyageur interstellaire ». Dans H2G2, la serviette permet « de vous protéger des vapeurs toxiques » et revêt une considérable valeur psychologique : « tout Homme capable de sillonner de long en large la Galaxie (…) sans avoir perdu sa serviette ne peut assurément être qu’un Homme digne de confiance ».

Qu’aurait pu conseiller Douglas Adams pendant cette pandémie à COVID-19 ? Porter une serviette sur le visage pour protéger les autres voyageurs (galactiques ou non) de nos postillons potentiellement contaminés ? Confiner nos bouches et nos nez derrière une serviette ? 

Ça n’aurait pas été idiot ! Une étude de 2013 a montré qu’un masque fait avec une serviette de cuisine (ou torchon) a une efficacité de filtration de 83,2 % (en une couche) et 96,7 % (en deux couches) sur des particules très petites de 1 μm. Pour comparaison, les masques commercialisés dits « grand public » – les UNS2 et UNS1 – ont montré une capacité de filtration respectivement de 70 % ou 90 % minimum… sur des particules de 3 μm (les masques chirurgicaux filtrent ces particules de 3 μm avec une efficacité de 95 %) [1].

Si Douglas Adams était encore parmi nous, il aurait sûrement aimé cette nouvelle utilisation de la serviette, et peut-être aurait-il demandé au Guide du voyageur galactique d’ajouter cette précision dans l’article consacré à ce si précieux objet : « la serviette peut vous aider à traverser une pandémie en protégeant les autres ». L’idée de pandémie est d’ailleurs présente dans le deuxième tome de la trilogie en 5 volumes avec l’histoire de la planète Golgafrinchan, sur laquelle les dirigeants avaient cru bon d’envoyer dans l’espace leurs habitants de « classe moyenne : nettoyeurs de combinés téléphoniques, coiffeurs, auteurs de jingles, etc. » avant d’être « soudainement anéantis par une maladie virulente contractée à partir d’un téléphone sale« … Les détails, toujours les détails !

Portons tous nos serviettes sur le visage aujourd’hui, 25 mai. De toute façon, elle ne peut plus servir sur la plage en France, où il est interdit de simplement s’asseoir à distance des autres : il faut désormais vivre la plage de façon “dynamique”. Dans ces lieux où la ventilation importante brasse l’air efficacement, il n’est plus possible de rester statique, il faut désormais marcher sans but et sans fin pour éviter les autres, eux aussi en mouvement – une idée sublimement absurde qui aurait beaucoup plu à l’auteur !

Mais malgré cette efficacité importante de la serviette, malgré son atout majeur dans la lutte contre la propagation de la pandémie à COVID-19, certains laissent encore entendre qu’elle serait dangereuse : vous allez la toucher, la bouger, mal la laver et vous contaminer… À tous ceux qui vous trouveront un argument contre le port d’un masque, montrez leur la couverture du Guide, où « on peut lire en larges lettres amicales la mention : PAS DE PANIQUE ! »

Car non, vous ne pouvez pas faire pire avec un masque que sans : ceux qui vous disent le contraire confondent l’achat d’une botte de poireaux au Super U avec la pose d’une prothèse de hanche au bloc opératoire (espérons que la confusion n’aille pas trop loin, car il est particulièrement inconvenant et rapidement malodorant de marcher avec des poireaux dans le fémur – et le fait que cela ne sonne jamais aux portiques d’aéroport est une bien maigre compensation qui apparaît définitivement trop légère). Et encore : mieux vaut un bloc opératoire où certains manipulent leur masque plutôt qu’un bloc où personne n’en porte…

Peut-on baisser ou retirer le masque de temps en temps, lorsqu’on est seul ? Oui, pas de panique ! Le port collectif du masque permet de protéger les autres : il est principalement utile dans les lieux clos (commerces, transports en communs, etc.) et denses (les bords de mer ou de rivière lorsque tous les autres parcs sont fermés, les rues piétonnes, les plages où tout le monde est en mouvement, etc.)

Vous pouvez donc le retirer lorsque vous êtes en voiture, le baisser sur votre menton lorsque vous êtes dans un lieu désert… 

Certains vous diront que si vous baissez ou retirez le masque, vous risquez de vous contaminer les mains (en le touchant), de vous contaminer la bouche (en remontant du coronavirus de votre cou), de contaminer les autres (avec vos mains souillées), voire de provoquer insidieusement l’éclatement de la Terre (en posant votre masque sur une surface propre, provoquant une réaction en chaîne impliquant quelques quiproquos, des portes qui claquent, une guerre nucléaire et toutes ces choses habituelles en pareille circonstance). Pas de panique !

Il faut rester logique. 

Déjà, si vous avez des postillons partout sur le cou et le visage au point que la moindre faute d’utilisation va vous contaminer, c’est que le masque vous a protégé : envisagez de créer un totem à sa gloire dans votre salon.

Ensuite, si vous baissez le masque juste sous le menton, il s’agit d’une zone qui était déjà couverte par le masque : vous ne courrez aucun risque (sauf à littéralement sniffer ou lécher la face externe de votre masque – et encore une fois, cela signifierait que le masque vous avait protégé… ça aurait été pire si vous n’aviez rien porté). Pour des raisons médicales, pratiques et esthétiques, ne montez pas votre masque votre front.

D’autres vous expliqueront que le masque c’est utile, mais c’est trop contraignant, puisqu’il faut le laver chaque soir à 60° pendant 30 minutes à la machine à laver. Pas de panique

Il est important de le laver régulièrement ainsi, pour éliminer les levures (telles qu’Aspergillus) et autres germes, mais vous pouvez le faire une fois par semaine avec vos torchons et vos indispensables serviettes – comme quoi, nous y revenons toujours ! Entre deux machines à laver, si vous avez besoin de réutiliser un masque déjà porté, vous pouvez vous contenter de ce qui inactivera le SARS-CoV-2 : une exposition à 70° pendant 5 minutes (dans un four ou une casserole fermée), ou un nettoyage avec du savon ou détergent pendant 15 minutes quelle que soit la température (lavage à la main, machine…) Tous ces conseils sont rapportés sur stop-postillons.fr 

Ainsi, vous pouvez porter votre masque avec des erreurs qui seraient inacceptables au bloc opératoire, mais qui sont sans importance en vie communautaire ! Vous pouvez le nettoyer en l’intégrant dans votre routine de lessive sans lancer des programmes de 2 heures chaque soir pour 2 masques. 

Si ces conseils de confort pratique peuvent permettre que nous portions tous un masque dans l’espace public, en particulier lorsqu’il est densément peuplé et/ou clos, suivons-les rapidement ! Et si quelqu’un nous interpelle sur notre « mésusage » présumé, il suffira de lui montrer la couverture du Guide, ses larges lettres amicales, et tout en lui mimant un tapotage d’épaule à 2 mètres, lui dire : pas de panique !

Remerciements pour leur amicale relecture à Nicolas Botti (@numero42), Christian Lehmann (@LehmannDrC), Thibault Puszkarek (@puszkarek), Jonathan Favre (@DrJohnFa), Antoine Hutt


[1] Il est donc étonnant de noter le discours officiel assurant que « les masques artisanaux ne servent à rien », alors que cette étude montre également une efficacité de filtration de 70,7 % avec 2 couches de T-shirt 100 % coton (sans filtre intermédiaire) sur des petites particules de 1 μm tandis que sont commercialisés des masques UNS2 filtrant 70 % de particules 6 fois plus grosses !

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