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Cartésiens poissards

Je ne sais pas quoi raconter. J’ai l’impression qu’il ne m’est jamais rien arrivé, alors que d’autres amis sont capables de raconter en moyenne 3 événements marquants par garde. Je devrais avoir des centaines de choses en mémoire… Mais non : rien.
Il faut dire qu’en médecine, peut-être encore plus que dans d’autres métiers, il y a une scission entre les poissards et les autres.
Les malchanceux sont facilement reconnaissables dans un service hospitalier : ils se plaignent de n’avoir pas dormi, d’avoir eu la pire garde de la décennie, d’avoir dû faire plusieurs transferts en réanimation, et de toute façon « c’est toujours comme ça, j’ai une poisse monumentale ». (J’en ai déjà parlé ici, souvenez-vous !)
Des internes et chefs relaient leur légende en expliquant qu’effectivement, toutes les misères arrivent sur cette même personne. Certains érudits évoquent la loi de Murphy. Et finalement s’entretient et s’écrit le mythe de ces médecins persuadés (et persuadant) d’attirer les ennuis.

Analysons ce phénomène de société qui défie le bon sens.
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« Ils cherchent mais… »

C’était une soirée normale au CHR. Les infirmier(e)s de nuit venaient de relayer leurs collègues de l’après-midi, le tour des constantes et médicaments était fait depuis un moment, et les lumières des couloirs étaient éteintes ; bref, il était 21 heures, et tout l’hôpital semblait endormi. Ça et là résistaient tout de même (encore et toujours) au sommeil envahissant quelques patients, qui regardaient la télévision en montant le volume, à cause de leur presbyacousie, de la télé hurlante de la chambre d’à côté ou des piles usagées de leur télécommande.

Dans la bibliothèque, je dictais et corrigeais quelques courriers de patients sortis la semaine précédente (on s’amuse comme on peut). Au beau milieu d’une phrase, j’entendis un bruit de pantoufles traînant sur le sol. Si ce n’est pas rare d’entendre un pas franc (l’heure de sortie des familles), ou un pas tranquille (le retour d’un patient fumeur, las de son hospitalisation qui traîne), il est plus surprenant d’avoir affaire au bruit pathognomonique des charentaises mal chaussées raclant le sol.

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Histoire de zèbre

« Si vous entendez un bruit de sabots, attendez vous à voir un cheval, pas un zèbre » dit un célèbre aphorisme médical…

En pratique, devant un zèbre :
– les neurologues regretteront de n’avoir aucun traitement pour arranger ça,
– les internistes essaieront de prouver qu’il s’agit d’un cheval malade,
– les hémato-oncologues ne se prononceront qu’après analyse anatomopathologique dudit zèbre,
– les dermatologues proposeront d’enlever toutes les bandes noires, par précaution (faisant la joie des médecins sus-cités),
– les infectiologues voudront connaître l’espèce précise avant de traiter,
– les pédiatres trouveront ça super mignon (comme Marty dans le dessin animé Madagascar),
– les généralistes temporiseront pour voir l’évolution,
– les urgentistes le renverront rapidement chez lui puisqu’il n’a rien de mortel,
– les médecins du travail proposeront d’adapter l’environnement au zèbre en recréant une savane,
– les urologues ne verront pas de différence avec un cheval, et n’en auraient rien à faire, c’est bon là, faut arrêter de dire qu’ils sont jaloux,
– les psychiatres essaieront de le persuader que les rayures reviennent à la mode en 2012…

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Un matin à l’hôpital

Je suis infirmier. Je me lève dès potron-minet (sans jamais voir de postérieur de chat, remarquez), je bois un café bien serré, je me douche, je prends le métro à une heure où les accès ne sont pas bien plus ouverts que mes neurones, et j’arrive à l’hôpital quand les lumières du hall éclairent encore péniblement des couloirs endormis. Dans la salle de repos, sous des couettes d’un orange douteux et d’un âge certain, qui donnent des démangeaisons à la simple idée d’un contact cutané, les collègues de nuit me parlent des problèmes autour d’un café chargé de tous nous réveiller. Ça s’annonce compliqué aujourd’hui.

Je fais un premier tour, pendant lequel je demande aux patients comment s’est passée la nuit, prends leurs constantes (thermomètre dans l’oreille, brassard autour du bras, saturation au bout du doigt) et j’en profite pour piquer les bilans que les internes ont prescrit la veille, souvent sans être convaincus de l’intérêt de la chose, mais bon, « pour voir ».

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Bref, j’étais l’interne des urgences

Bref.

Il était trois heures du matin, j’avais pas encore mangé. Mon chef venait de faire une sortie en SMUR pour un type mal en point, ça avait pris deux heures. Ils partaient sur un type pendu, finalement c’était un mec étendu. Ils n’avaient pas compris le pompier au téléphone. Ils avaient tourné dans le quartier le nez en l’air, pendant que le gars avait le sien par terre. Pendant ce temps, j’avais géré et renvoyé les petits problèmes d’entorse, de contusion, de plaies, de fracture, de je-sais-pas-mais-ça-a-pas-l’air-grave. Je venais de faire suffisamment de plâtre pour redécorer Florence.

J’avais stocké les problèmes plus importants, parce qu’on m’avait dit que si le chef ne contre-signait pas mes dossiers, j’irais seul en prison. J’avais pas envie d’aller en prison.

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