[Enchanter la santé] Prologue

La santé subit tous les mois des critiques médiatisées, qui ne sont que des variations sur le thème « les médecins et les patients sont des irresponsables, et heureusement que les politiciens sérieux sont là pour y mettre du bon ordre ».
Les gens consultent trop mais il n’y a pas assez d’accès aux soins.
Les médecins prescrivent trop mais sont en-dessous de chaque objectif de santé publique lié à une prescription.
Les arrêts de travail sont trop longs, même s’ils sont systématiquement validés à partir de 6 mois.
Etc.
Les responsables sont toujours les patients, les médecins (surtout généralistes), parfois les infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes… en tout cas, absolument jamais les dirigeants en place ! Parfois, quand même, les responsables concèdent que « leurs prédécesseurs » ont pu faire des erreurs… mais c’est une constante : le gouvernement en place ne se trompe jamais.

Lutter contre les mensonges instantanément…

Dans ce contexte, de nombreux citoyens — professionnels de santé ou non — démentent régulièrement les critiques infondées, erreurs involontaires, raccourcis voire manipulations éhontées des dirigeants de tout bord politique.
Mi-Cassandre, mi-Sisyphe, nous dénonçons vainement les problèmes actuels et à venir (dans les propos et décisions politiques), et sommes contraints de le refaire sans cesse.

Par exemple cette semaine, le ministre de la santé a dit sur une radio que « 50 % des arrêts de travail > 18 mois sont injustifiés » sans trembler des genoux — et surtout sans expliquer qu’une part non négligeable de ces contrôles ciblés sont en fait des arrêts de travail interrompus par le médecin conseil, notamment pour passer le patient en… invalidité. Il s’agit donc d’une « injustification » dans un tableur Excel (parce qu’on ne peut pas être en arrêt et en invalidité), mais évidemment d’un arrêt parfaitement « justifié » dans le langage du commun des mortels.
Malgré les nombreux commentaires explicatifs sur les réseaux sociaux, il n’a évidemment proposé aucun correctif, et a répété la même erreur (de la même fiche de synthèse) 2 jours plus tard à la télé..

C’est insupportable et ça génère (pour ma part) de la colère. Ainsi, les médecins râlent, protestent, militent — seuls localement, sur les réseaux sociaux, en association, en syndicat… mais ces corrections par les médecins généralistes ont deux limites majeures.

La première limite concerne l’espace. Lorsqu’une information erronée est donnée dans la presse (écrite, radio, TV), elle touche un large public, et est souvent relayée par le compte Twitter, Facebook, Instagram, BlueSky de la chaîne et/ou de la personne qui l’a lancée et/ou d’un proche, du même parti… c’est impossible de pouvoir la démentir partout. « Lie finds a way », pour paraphraser le Docteur Malcolm de Jurassic Park.
Le rectificatif arrive lui plus tard et dans un espace plus restreint : la visibilité des médecins sur les réseaux sociaux reste limitée, puisqu’ils fonctionnent avec un défilement illimité… Sur X, une réponse argumentée et sourcée (qui fait quitter l’application par des liens) disparaîtra d’autant plus rapidement dans les limbes du scroll infini, et sera à peine visible.
Ainsi, le démenti touche (quasi) systématiquement une portion de gens moindre que celle qui a été exposée à l’erreur.

La deuxième limite concerne le temps. On ne peut se contenter de dire « le ministre se trompe » sans argumenter, puisque l’argument d’autorité lui bénéficie à lui (sauf si vous êtes le Président à la rigueur).
Cela demande d’aller vérifier ses informations, consulter plusieurs documents, faire des captures d’écran, mettre un lien, faire preuve de pédagogie ou de clarté… C’est la loi d’Alberto Brandolini (2013) ou principe d’asymétrie du baratin : « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des sottises est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire ». De façon plus imagées, citons John Arbuthnot : « le mensonge vole, la vérité le suit en boitant » (L’Art du mensonge politique, 1733)… ou encore Terry Pratchett : « Les mensonges pouvaient faire le tour du monde le temps que la vérité enfile ses chaussures » (Les annales du Disque-Monde, La vérité, 2000).
Lorsque vous démentez une information, non seulement vous touchez une portion moindre de gens qui y ont été exposés… mais en plus, pendant votre argumentation, les mêmes responsables ont ajouté de nouvelles approximations ! Et ils ne répondront jamais à la correction que vous avez apportée, car ils sont déjà passés à autre chose…
Par exemple, aujourd’hui, qui se souvient qu’Emmanuel Macron faisait le voeu suivant aux soignants : « on a 600 000 patients avec des maladies chroniques qui n’ont pas de médecin traitant. Et ça, c’est un vrai problème parce que c’est une perte de chance (…) [Ils] se verront proposer un médecin traitant avant la fin de l’année » ?
C’était le 6 janvier 2023, et 2 ans après, absolument personne ne lui remet ces propos sous les yeux pour demander des comptes — qu’il n’a jamais rendus, et ne rendra jamais. C’est un sujet que nous reverrons dans un prochain billet.

… ou prendre son temps de mieux informer…

Démentir sur les réseaux a quelque chose de satisfaisant dans l’immédiat : c’est relayé a minima, et nous participons à corriger une fausse impression auprès de quelques centaines ou milliers de personnes.
Mais c’est probablement insuffisant pour les raisons sus-évoquées : la correction touche moins de personnes que le mensonge, et occupe un temps démesuré à réagir au détriment du temps disponible pour proposer ou vulgariser.
Et ce travail chronophage est frustrant : à chaque fois, il faut répéter la même chose, sans pouvoir se référer à une réponse claire, construite, sourcée… Il faut reprendre les mêmes documents, ré-extraire les mêmes chiffres, pour apporter une réponse structurée.

Pour éviter cette répétition, il faudrait pouvoir garder ailleurs ces réponses de fond, et y améliorer la vulgarisation, l’argumentation, en essayant d’anticiper les attaques futures contre la santé…
Le lieu idéal pour ces « réponses de fond », structurées, n’est donc sûrement pas les réseaux sociaux, où elles se perdent dans le défilement infini.
Ce n’est sans doute pas non plus un essai (qui ne sera lu que par quelques dizaines ou centaines de personnes), ni un Substack payant, ni un wiki (chronophage à gérer)… Sans doute ce lieu idéal n’existe pas et il n’est pas très utile de le chercher ailleurs qu’au plus simple : en l’occurrence pour moi, ce blog… Un lieu simple, ouvert, gratuit.

… sans se leurrer.

Ne nous leurrons pas sur l’objectif : écrire des articles longs n’est pas mieux que réagir à chaud, et ne doit pas le remplacer.

Déjà, on ne milite pas vraiment pour faire changer directement un décideur politique, mais pour informer.
Les « propositions » seront encore moins écoutées que les réactions (nous en avons fait sur de nombreux sujets, en prévention, sur la qualité de l’air, sur les certificats absurdes ou bien d’autres sujets).
Après 5 ans de « militantisme » divers et varié (toute proportion gardée pour ce terme, quand il s’agit d’écrire sur un clavier quand même), j’ai bien compris que nul citoyen lambda ne peut détourner un politicien de son projet, aussi stupides puissent-t-il être.
Il ne s’agit donc pas de faire changer d’avis tel ou tel ministre ou président, mais plutôt d‘améliorer la qualité du débat public en retenant quelques chiffres clés et en proposant quelques références (officielles)…

Que ce soit sur X, Facebook, LinkedIn, Instagram ou ailleurs, l’intérêt principal du « militantisme » est avant tout égoïste : il s’agit au moins de se donner l’impression d’avoir partagé une information, d’avoir fait quelque chose d’utile pour l’information et pour l’intérêt général… en gardant bien sûr l’espoir que cela aura réellement un impact pour la santé publique.

En réalité, il faut sans doute pouvoir faire les deux : une note de synthèse un peu intemporelle, facilitant les réactions à chaud… qui elles-mêmes alimentent la synthèse.

Restent deux problèmes.

Le premier est celui de la légitimité : il existe de vrais spécialistes de la sécurité sociale, historiens, sociologues, économistes de la santé, épidémiologistes, syndicats, etc. Clairement, je n’ai pas de légitimité particulière pour ça, et je ne vais pas passer les billets suivants à m’en excuser pour éviter toute lourdeur… Tout ce qui suivra sera mon avis, lié à ma formation, mes lectures, ma pratique de 10 ans de médecine générale.

Le deuxième problème, central, est celui du temps. Nous manquons de temps pour soigner, pour se former, pour commenter les choix économiques ou politiques, pour faire entendre nos voix, pour proposer des idées pour améliorer l’état de notre système de santé… C’est pour ça que les billets seront publiés à un rythme… qui reste à définir. Puisse au moins ce prologue clarifier ce que je souhaite écrire !

(PS. J’ai mis un titre « Enchanter la santé » parce que « réparer la santé » ou « la santé en chantier » sont déjà pris, et parce que j’aime bien les jeux de mots).

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Ecrire sa thèse : sommaire

En décembre 2024, j’ai proposé ici une série d’articles sur « comment écrire sa thèse ». Vous pouvez retrouver ici le sommaire. Bonne lecture… et bonne rédaction de thèse !

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[Avent 2024 – Ecrire sa thèse] – 24/24 – Epilogue

La thèse est finie et valorisée… et si vous deveniez à votre tour directeur de thèse ?

A quoi sert le directeur de thèse ?

Le directeur de thèse peut intervenir à toutes les étapes dans tout ce qui a été cité :

  • pour aider à trouver un sujet : en « brainstormant » (tempêtant ainsi à deux cerveaux), en incitant à chercher dans des thèmes hors médecine pure, en aidant à identifier des bases utiles, en apportant une expertise sur ce qui serait ou non un bon sujet (faisable, pragmatique, etc.) ;
  • pour (re)motiver le thésard à toute étape : un simple mail « où en es-tu dans ta thèse ? » peut permettre de relancer un travail en berne… Parfois, le problème est de recommencer à écrire, alors qu’en 2 jours on a écrit 10 pages…
  • pour expliquer très tôt ce qui est attendu : la taille courte de chaque partie pour une thèse-article, l’importance d’avoir des sources pour tout…
  • pour proposer un modèle personnalisé de thèse ; à défaut, pour être en mesure d’aider pour la création d’un sommaire, d’un saut de page, pour mettre une seule page en paysage, pour corriger un tableau raté, etc. ;
  • pour établir un rétro-planning éventuellement, si c’est le souhait de l’interne (au début, ou tardivement dans l’écriture) ;
  • pour répondre aux questions diverses et variées, sur Word, Excel, Zotero, PubMed, etc. ;
  • pour guider à la formulation de la question de recherche, du titre, etc. ;
  • pour valider (et tester) le questionnaire avant envoi ;
  • pour aider à trier ce qui relève des résultats pertinents ou non ;
  • pour réorganiser les sections de l’introduction, de la méthode, des résultats, de la discussion, des annexes… Il peut parfois créer ou supprimer un chapitrage, avec une vision plus « longitudinale » du travail qu’il découvre à un stade où l’interne a déjà écrit et réécrit plusieurs fois et peut manquer de recul ;
  • pour relire, commenter, corriger, vérifier la mise en forme… plusieurs fois et patiemment ! Il faut traquer les veuves et orphelins et les sauver à coups d’espaces insécables : avoir Antidote peut aider pour faire un rapide passage d’amélioration typographique. Attention, le but n’est pas de tout réécrire à la place de l’interne ou de faire sa thèse, qui peut être un écueil des premières directions…
  • pour supprimer sans sentiment les phrases inutiles auxquelles n’est attaché que l’auteur ; les mots superflus sont également effacés (« chez les sujets adultes » devient « chez les adultes » par exemple) ; les phrases asymétriques sont aussi remises dans le bon ordre avec un oeil neuf ;
  • pour apporter une expertise supplémentaire parfois (par exemple, sur une thèse sur le vaccin contre le zona, penser à parler du vaccin contre la varicelle ; faire le lien avec d’autres travaux, etc.) ;
  • pour aider à trouver un jury de thèse ;
  • pour relire la présentation, la commenter, corriger…
  • pour rassurer et être un soutien jusqu’à la soutenance, où il pourra raconter des choses amusantes ou pertinentes, voire « débunker » un souci identifié dans la thèse écrite ou la présentation orale.

Avec la soutenance, une bonne direction de thèse peut prendre facilement 20 heures (parfois moins… parfois plus, voire beaucoup plus selon l’interne encadré, selon la complexité du sujet, si vous cherchez à transformer la thèse en article, la présenter en congrès, etc.) Ce n’est pas un engagement à la légère… mais ça n’est pas non plus un job à plein temps.

Pour échanger avec l’interne, il existe beaucoup de solutions. Je travaille beaucoup par mail pour le caractère asynchrone, très pratique ; d’autres préféreront les rencontres présentielles, le téléphone, les visios…

Dans les échanges sur la thèse elle-même, qu’ils soient sur un fichier partagé en ligne (Google Docs, OneDrive, LibreOffice Online…) ou en local (Word, LibreOffice, etc.), l’outil à maîtriser est le suivi des modifications. Dans Révision, vous devez cocher « suivi des modifications » à chaque relecture.
Toutefois, si vos propres corrections vous perturbent à la lecture, vous pouvez ne pas les afficher en cliquant sur « Afficher pour la révision > passer de Toutes les marques à Aucune marque » (ou en décochant dans les « options de marquage ».

Il convient d’expliquer à l’interne qu’il ne doit surtout pas refaire les modifications faites en suivi des modifications : il peut les accepter ou les refuser (en général, il peut faire « accepter tout et arrêter le suivi »… ou tout accepter, une à la fois, ce qui peut être long parfois mais instructif sur le travail fait par le directeur).

A quoi sert… d’être directeur de thèse ?

Etre directeur de thèse vous permet d’aider bénévolement un futur confrère (dans le respect du serment d’Hippocrate de rendre à ses pairs ce qu’on a reçu de leurs pères…). Ca lui permettra de poursuivre son cursus, s’installer… Ca vous permet de partager votre expérience, votre savoir-faire…

Etre directeur de thèse, ça vous permet aussi de continuer à vous former, à vous ouvrir l’esprit sur des thématiques que vous n’auriez pas forcément exploré (si vous laissez libre cours à vos internes, c’est évidemment moins vrai si vous imposez en monothématique dans un but d’avoir un CV personnel cohérent pour votre carrière).

Etre directeur de thèse, c’est avoir des sujets de recherche qui pourront donner lieu à des présentations en congrès, des articles et faire avancer la science dans votre discipline. Ca valide votre redevance pédagogique si vous accueillez des internes au cabinet… Et puis, vous serez toujours une petite partie du cursus de votre thésard, ce qui est sans doute le plus gratifiant dans tout ça.

Malgré tous ces indéniables côtés positifs, être directeur de thèse nécessite du temps (20 heures environ disais-je, mais ça peut vraiment être plus), de la disposition d’esprit, etc.
Il y a dans certaines spécialités (médecine générale notamment) un ratio « interne / directeur de thèse potentiel » très important qui peut vous amener à accepter largement, et crouler littéralement sous les demandes, voire sous les directions (jusqu’à 20 simultanément pour ma part, ce qui est un peu trop).

Il faut donc savoir dire non lorsque vous manquez de temps (entre votre vie personnelle, professionnelle, facultaire, etc.) ou lorsque ça sort de vos envies ou votre champ de compétence. Essayez quand même de ne pas sélectionner sur des critères plus personnels : tout le monde a besoin d’un directeur — même s’il écrit ou ponctue mal.

La fin…

Voilà, Petit Papa Noël va passer… (il vient déjà de finir d’envelopper les cadeaux). C’est donc la fin du calendrier de l’avent et la fin de cette série de billets. J’espère qu’elle pourra vous être utile ! Si vous avez des questions, n’hésitez pas !

Lors des premiers échanges, Choupitigue et Fixing Things sur Blueskky m’ont parlé de « Assieds-toi et écris ta thèse« , une vidéo sur le sujet traité ces derniers jours et notamment la procrastination, les processus d’écriture.

J’ai appliqué ce que je recommande : j’ai fait un premier jet en écrivant vite… ces billets seront améliorés au fil des semaines, mais je suis très content que ça existe (enfin) quelque part ! En 24 jours, j’ai écrit 42 000 mots, soit 240 000 caractères. J’ai échoué à plusieurs reprises dans ma vie à faire un NaNoWriMo… mais sur la rédaction de thèse, j’ai réussi !
Mon but était aussi de me prouver que je pouvais avoir un rythme régulier (vespéral…), et peut-être mettre à profit cette aptitude pour (enfin) avancer ou finir les nombreux projets d’écriture que j’ai un jour envisagés… et les suivants.
Il est temps de vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année et vous retrouve l’an prochain, ici, sur d’autres sites, en vrai, en congrès, par mail, sur Twitter, sur Bluesky, sur Facebook, ou ailleurs… pour de nouvelles aventures !

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[Avent 2024 – Ecrire sa thèse] – 23/24 – Valoriser son travail : prix, congrès, article, journalistes, Nobel, etc.

(On réarme démographiquement le pays en freelance, et on se retrouve un 23 décembre à envelopper des cadeaux pendant que les enfants dorment, et à écrire un billet de blog à 23h30).

La thèse est finie… et après ?

Vous allez rire : je viens de redécouvrir que j’avais déjà fait une synthèse du sujet « préparer sa thèse » en juin 2015, à 6 mois de mon début de clinicat (j’étais bien motivé !)

Faut-il forcément un après ?

La thèse est un document public (généralement), accessible à tous sur SUDOC, dans les bibliothèques. Chaque faculté les met maintenant à disposition (pour Lille, c’est sur Pepite), avec un référencement Google qui peut aider à la diffusion (exemple d’un thésard qui a travaillé sur la « médecine dans le Boulonnais pendant la seconde Guerre Mondiale », et qui reçoit encore plusieurs fois par an des appels de passionnés d’histoire locale qui sont tombés sur le PDF de sa thèse en accès libre en cherchant un nom, un évènement…)

On retrouve par exemple la thèse de Georges Clémenceau de 1865 : n’en déplaise au chanteur Raphaël, peut-être retrouvera-t-on dans 150 ans votre travail pour le relire d’un oeil neuf…

Néanmoins, il y a plusieurs intérêts à diffuser votre thèse ailleurs :

  • toucher un autre public, qui pourra immédiatement en prendre connaissance ;
  • échanger avec d’autres professionnels ; créer des ponts entre différents domaines de recherches, différentes expertises, différents points de vue ;
  • faire évoluer les pratiques en accord avec votre recherche : c’est un peu le but ultime ;
  • valoriser votre travail dans votre CV : c’est très pragmatique, mais si vous visez une carrière universitaire (ou de maître de conférences associé normalement), ou même pour passer le concours de praticien hospitalier, c’est toujours mieux d’avoir publié.

Cet « après thèse » peut être piloté par vous-mêmes (c’est idéal… mais rarissime) ou par votre directeur de thèse, s’il est motivé et disponible (c’est assez rare aussi !)

Informations du public et des professionnels de santé

Une première piste de diffusion est via :

  • les réseaux sociaux (Twitter/X, Facebook, Bluesky, Tiktok, Instagram… ça ne manque pas !) ;
  • des revues locales, des réseaux de soins (FMC locale, etc.) par exemple sous forme « d’article du mois », de « thèse du mois » ou autre ;
  • la newsletter des organismes (Ordre des Médecins, ARS, URPS, etc.) ;
  • la presse, notamment écrite et spécialisée (Egora, Le Quotidien du Médecin…), ou si le sujet s’y prête éventuellement généraliste et grand public (PQR type La Voix du Nord, Ouest-France, ou nationale type Le Parisien, Le Monde, l’Express, etc.)…

Tout dépend de qui peut être intéressé par votre travail.

Présentations en congrès

Une autre piste de diffusion est la présentation en congrès. En médecine générale, citons notamment :

  • le Congrès Médecine Générale France (CMGF) du collège de la médecine générale, ayant lieu à Paris en mars ;
  • le Congrès National des Généralistes Enseignants (CNGE) du collège éponyme, ayant lieu en novembre/décembre, dans une ville « tournante » ;
  • le Congrès Médecine Générale Océan Indien (CMGOI), en avril ;
  • la WONCA Europe en juillet, dans une ville « tournante » d’Europe (en anglais).

La présentation peut être « affichée » (poster) ou « orale » (communication orale). Les deux ont leurs avantages et inconvénients, qu’on pourrait déjà résumer ainsi :

  • le poster peut être vu par 1000 personnes… mais il est souvent survolé, et juste « vu » ;
  • la communication orale permet de développer votre propos, qui sera entendu et compris… mais il peut être dans une salle de 15 personnes dont 4 présentateurs.

Mon conseil principal est : lisez le guide de soumission, pour savoir comment le comité scientifique va vous noter (c’est quasiment la garantie d’être accepté).

Publications dans des revues

Vous pouvez publier dans une revue nationale ou internationale, référencée ou non, payante ou non…

Rappelons ici quelques règles de style :

  • le style n’est pas une obligation, mais une aide… Einstein disait « If you are out to describe the truth, leave elegance to the tailor » ; ça n’interdit bien sûr pas de bien écrire ! Si le lecteur-reviewer peine à lire votre introduction, il risque d’être en moins bonne disposition pour apprécier votre travail ;
  • il faut être clair ; vous pouvez entretenir un faux suspens pour donner envie de lire dans la structure (l’objectif est amené joliment, la réponse apportée est claire : voilà qui est bien réalisé) ;
  • une méthode simple et claire est préférable à quelque chose de très exotique qui semble l’embrouille ; si ça a besoin d’être très complexe pour démontrer quelque chose… peut-être qu’il y a anguille sous roche !
  • évitez les masses de définitions ou calculs difficiles à comprendre : privilégiez des tableaux synthétiques et de bons graphiques attractifs.

Quelques messages clés sur le processus même de soumission :

  • méfiez-vous des revues prédatrices : vous pourrez trouver des informations sur ce sujet dans ce billet sur « le meilleur article de tous les temps » ou dans celui-ci sur les revues prédatrices ;
  • il faut lire les recommandations aux auteurs de la revue visée (et utiliser les styles Zotero de la revue) ;
  • il faut soumettre à une seule revue à la fois… et être très patient !
  • tous les auteurs listés prennent responsabilité publique du contenu : ils doivent avoir été impliqués avec le contenu… Ne vous sentez pas obligés d’impliquer tous ceux à qui vous avez parlé un jour de votre article ! Si besoin, utilisez la section remerciements ;
  • l’ordre des auteurs importe : premier et dernier auteurs sont les meilleures places, suivies par 2ème, puis 3ème et avant-dernier, et enfin les autres positions ;
  • lors de la soumission vous aurez besoin de l’adresse mail, de l’affiliation de chacun des auteurs, de leurs conflits d’intérêts… Certains journaux demandent aux auteurs de spécifier leur rôle dans le manuscrit : study planning, data collection, data analysis, manuscrit writing, manuscrit editing…
  • soumettre c’est assez long et un peu pénible.
  • Le retour a lieu quelques semaines ou mois plus tard : accepté, révisions mineures, rejeté mais resoumission possible (très fréquent : revise and resubmit – plutôt positif en fait), pas de resoumission (pas le bon journal souvent).
  • La resoumission se fait avec une lettre pour les reviewers reprenant les critiques point par point (globalement, il faut se fier à leur avis bénévole et souvent justifié : ne pas se contenter de se défendre en disant « c’est un con »). Vous devez répondre à toutes les remarques… mais évidemment vous n’êtes pas tenu de tout accepter (vous pouvez refuser en argumentant).
  • une fois que tout est fini, il faudra encore re-re-re-lire le « final proof » ou « bon à tirer » pour dépister les dernières erreurs.

Si le sujet vous intéresse, j’en ai parlé dans le parcours « de la thèse à la publication » puis dans l’itinéraire d’un article publié partie 1 et partie 2. On y parlera d’open access, qui soumet, quel ordre des auteurs, d’impact factor ou encore de points SIGAPS (Système d’Interrogation, de Gestion et d’Analyse des Publications Scientifiques, créé à Lille et utilisé depuis 2007 pour évaluer les publications scientifiques)…

Votre thèse peut être publiée au format article (telle qu’écrite) mais aussi être exploitée pour :

  • un edito / une tribune d’opinion où vous présentez votre point de vue argumenté ;
  • une revue narrative (synthèse et évaluation de littérature récente, que vous avez faite pour la thèse) ;
  • une lettre à l’éditeur (un format court de 200-300 mots, où aucun mot inutile n’a sa place, avec 1-2 tableaux/figures et 5-10 références). Il peut s’agir parfois d’une réponse (polie et claire) à un article récemment publié par le journal (limitée dans le temps), comportant un problème identifié modifiant sa conclusion principale ;
  • un cas clinique (case report) : introduction, description précise (signes, symptômes, histoire médio-sociale, traitements, résultats d’examen, diagnostics différentiels, diagnostic final, traitements, devenir), discussion (interprétations, ce que ça suggère, questions pour d’autres recherches) et références

Participation à des prix

Les prix méritent qu’on s’y intéresse, parce qu’ils demandent souvent peu d’investissement (la plupart du temps, ça prend 5 minutes à 1 heure de travail) et ça peut rapporter de l’argent ! (Tout l’inverse des articles : beaucoup d’investissement qui ne rapportera jamais rien financièrement). 

Tout directeur de thèse peut donc rappeler à ses thésards les prix suivants, classés par date limite de soumission : (Légende : N = année en cours).

  • Prix de thèse de la faculté de médecine : ça, ça n’est pas dépendant de vous, mais de votre jury de thèse, qui peut soumettre au jury annuel de la faculté, si ça existe encore (ça n’est plus le cas à Lille)… Ce prix peut donner accès à la mention « lauréat de la faculté de médecine ».
  • Prix de thèse du département / du collège local : là, à part vous renseignez localement… Par exemple à Grenoble, ils ont le prix du collège interalpin des généralistes enseignants.
  • Prix de thèse de l’URPS : là encore, renseignez-vous localement… Pour l’URPS des Hauts-de-France :
    • thèmes : Prévention/dépistage, Organisation des soins, Amélioration des pratiques médicales en médecine libérale
    • thèse de l’année N-1
    • soumise avant fin janvier N (à noter qu’on peut soumettre à tout moment de l’année, sans date de début, donc y compris le lendemain de la soutenance de thèse…)
    • par mail, à récupérer sur le site de l’URPS (prix-these@urpsml-hdf.fr), avec 1 CV, la thèse en PDF, une version article courte en 6000 signes (résumé élargi donc), 1 copie du diplôme, le règlement signé
    • (à noter qu’il existe une grille en 30 points sur laquelle est jugé ce travail ; la grille n’est pas rendue publique, ce qui est dommage, et favorise probablement ceux qui pourraient la connaître – les lauréats étant régulièrement des thésards des membres du jury…)
    • remise lors de la journée d’installation en avril-mai N (prix 2000€ – 1500€ – 1000€ pour les 3 lauréats)
  • Prix Alexandre Varney de l’ISNAR-IMG : 
    • Thème : tout ce qui peut concerner notre futur métier de médecin généraliste et la manière dont nous y sommes préparés, la formation, son contenu, mais aussi tous les à-côtés d’une vie d’interne, les différentes façons d’y faire face, etc…
    • thèse de l’année N-1 ou N (ou mémoire, article, vidéo, BD)
    • soumise avant janvier N
    • par courrier en 4 exemplaires au siège social de l’ISNAR-IMG
    • remise lors du congrès de l’ISNAR en février N (prix 1000€, trophée et présentation)
  • Prix de l’Académie de Médecine (nombreux prix, certains tous les ans, d’autres tous les deux ans, certains créés, d’autres disparus ou regroupés…) : en général, plutôt pour des gens en thèse de science, ou qui ont déjà quelques publications à leur actif quand même…
    • Thèmes : très variés, notamment :
      • Prix généraux « pour travaux jugés dignes par l’Académie » : prix de l’Académie nationale de médecine, prix Achard-Médecine, prix Jansen, prix de la société des eaux minérales d’Evian-les-Bains, prix Eloi Collery, prix Léon Baratz Docteur Darolles…
      • Prix du ministère de la jeunesse et des sports (biologie appliquée aux sports) ; prix Albert Creff (recherche fondamentale ou pratique concernant la nutrition et l’hygiène de vie appliquées à l’activité physique et au sport)
      • Prix Albert Sézary (jeune médecin ou chercheur digne d’intérêt)-
      • Prix Drieu-Cholet (travaux sur le cancer ou les maladies vasculaires)
      • Prix Maurice-Louis Girard (biochimie ou immunologie clinique)
      • Prix Elisabeth Taub (recherche toxicologique, risques toxiques des produits qui nous entourent) ; prix Edouard Bonnefous (travaux sur l’environnement et les conséquences sur la santé)
      • Prix Janine Rouane-Crépeaux (jeune médecin/chercheur, santé des femmes et gynécologie-obstétrique) ; prix Jacques Salat-Baroux (reproduction humaine)
      • Prix alimentation nutrition (études originales sur l’alimentation et la nutrition humaine et animale)
      • Prix Charpak-Dubousset (prix franco-chinois pour l’innovation collaborative dans le domaine de la santé)
      • Prix Etienne Chabrol (insuffisance hépatique de l’enfance)
      • Prix de cardiologie Lian-Escalles, Jean Di Matteo (maladie du coeur ou des vaisseaux)
      • Prix Auguste Secrétan (étudiant en médecine jusqu’à interne, ayant fait un travail pouvant aider au soulagement de la douleur)
      • Prix Joseph-Antoine Maury (soulager ou atténuer la souffrance physique humaine)
      • Prix Léon Lanoy (pharmocodynamie, ou pathologie exotique)
      • Prix Deschiens (maladies infectieuses ou parasitaires)
      • Prix de neurologie Victor et Clara Soriano, Henri Baruk (neurologie)-
      • Prix Aimée et Raymond Mande (maladie de Parkinson ou leucémie chronique)
      • Prix lutte contre l’alcoolisme (préventif et curatif, compréhension des désordre induits par l’alcool)
      • Prix lutte contre le tabagisme (préventif et curatif)
      • Prix Jacques Mirouze-Servier (diabète) ; prix Léon Perlemuter (endocrinologie ou diabétologie, avant 50 ans) ; prix André Lichtwitz (jeune médecin ou chercheur, endocrinologie générale ou équilibre phosphocalcique) ; prix Gilberte et Jacques Tacussel (mécanismes conduisant au diabétique, amélioration des traitements anti-diabétiques, outils physiques ou numériques facilitant l’adaptation du traitement ; les moyens peuvent financer des dépenses de fonctionnement, d’achats d’équipements ou d’un post-doctorant…)
      • Prix de chirurgies… Prix Belgrand-Chevassu (jeune chirurgien chercheur en anatomopathologie) ; Prix Henri Mondor (urgences chirurgicales) ; Prix Emile Delannoy-Robbe (jeune chirurgien sur la chirurgie expérimentale ou clinique) ; Prix d’urologie (ça parle tout seul)
      • Prix d’ophtalmologie : Prix Raymonde Destreicher (médecine des yeux) ; Prix Prospère Veil (étudiant en ophtalmologie ou médecin chercheur digne d’intérêt…)
      • Prix Jean-François Ginestié (jeune chercheur, imagerie médicale du système vasculaire ou de l’appareil ostéo-articulaire)
      • Prix de cancérologie : Prix Prince Albert 1er de Monaco (diagnostic ou traitement des cancers) ; Prix Paul Mathieu (recherches, ouvrages ou organismes ayant pour but la lutte contre les tumeurs malignes) ; Prix Amélie Marcel (traitement des leucémies) ; Prix Berthe Péan, Antoine et Claude Béclère (cancérogenèse et traitements des cancers) ; Prix Henry et Mary-Jane Mitjavile (lutte contre le cancer… puis quand le cancer sera jugulé, on passera à un autre fléau !) ; Prix Gallet et Breton (progrès techniques ou thérapeutiques relatifs à la cancérologie) ; prix cancer (travaux dans le domaine du cancer)
      • Prix Michel Noury (pour celui qui mettra au point un traitement guérissant clinique la rage chez l’Homme !)
      • A noter 2 prix littéraires : Prix Jean Bernard (oeuvre littéraire sur la médecine) et Prix d’histoire de la médecine de la société d’histoire de la médecine et de l’académie nationale de médecine (récompense un ouvrage)
    • il est intéressant d’aller voir les lauréats des précédentes années pour juger du niveau et de la pertinence d’une soumission ou non quand même…
    • soumis entre le 15 novembre N-1 et le 15 février N 
    • par courrier en 2 exemplaires avec candidature, CV et tirés à part + version électronique à administration@academie-medecine.fr (cf. règlement ici)
    • annonce en octobre-novembre N (prix de 325€ à 40 000€…)
  • Prix « Grands prix du Généraliste » : 
    • Thème : organisation des soins (mode d’exercice innovant), première expérience
  • Prix « Groupe Pasteur Mutualité » : 
    • Thème : thérapeutique, prévention médicale, innovation en santé
    • soumis avant novembre N
    • par mail sur leur site (prix 1500€ chacun pour les 6 lauréats)
  • Prix de thèse du CNGE+ prix de la MSA :
    • thèse de juillet N-1 à juin N,
    • soumis entre mars et septembre N,
    • par mail sur le site du congrès du CNGE
    • remise en novembre N lors du congrès annuel (prix 1500€ et présentation lors de la cérémonie de clôture)
  • Prix de thèse d’histoire de la médecine Georges Robert : 
    • thèse d’octobre N-2 à octobre N
    • soumis avant le 31 décembre N
    • par voie postale à la BIU de Paris 6 (cf. règlement)
    • remise ensuite (prix 500€ et une médaille de la société)

Il existe également des prix « spécifiques », dont voici quelques exemples en gériatrie (le site de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie en liste quelques-uns)  :

  • Prix Fondation de France / Médéric Alzheimer : 
  • Prix Joël Ménard : 
    • Thème : recherche clinique et translationnelle, recherche en sciences humaines et sociales, recherche fondamentale
    • soumis avant mai N
    • candidature sur le site dédié
  • Prix Edouard et Louis Chaffoteaux : 
    • Thème : la recherche biologique en vieillissement et sénescence ; la recherche clinique en gériatrie ; les sciences humaines et sociales concernant les problématiques liées au vieillissement et à la prise en charge des patients âgés.
    • Prix occasionnel (tous les 3-4 ans)

Généralement, les congrès proposent également des prix pour les thèses (par exemple la société française d’accompagnement et de soins palliatifs, le congrès national de médecine et santé au travail, la Société française de pharmacologie et thérapeutique…). En dehors de la médecine générale, c’est aussi le cas de certaines associations ou sociétés savantes, souvent pour les internes/jeunes médecins de la spécialité (ANOFEL pour la parasitologie et mycologie, SFC pour la cardiologie…)

Enfin, il est tout à fait possible d’imaginer que la thèse consiste à diffuser un livre ressource pour professeurs contribuant à l’enseignement de la médecine pour une tranche d’âge bien définie… et rentrer dans les critères du prix du livre d’enseignement scientifique de l’Académie des Sciences par exemple. L’Académie des Sciences propose d’autres prix (notamment Jean-Pierre Lecocq et grand prix de cancérologie de la fondation Simone et Cino Del Duca), qui ne sont pas vraiment accessibles pour des thèses d’exercice 😉

Il y a également des prix de littérature médicale, par exemple Le goût des sciences (prix du livre scientifique tout public et jeunesse 9-13 ans)

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[Avent 2024 – Ecrire sa thèse] – 22/24 – Préparer et présenter sa thèse

Il faut déjà connaître la composition possible dans votre faculté (ici à Lille), définie par l’arrêté du 12 avril 2017 :

  • au moins trois membres
  • dont le président du jury, professeur des universités titulaire des disciplines médicales (un médecin des armées peut faire partie d’un jury de thèse : lorsque ce praticien est professeur agrégé du Val-de-Grâce, il peut présider le jury) ;
  • Pour la médecine générale, le jury peut être composé en tant que de besoin d’enseignants associés de médecine générale, à l’exception de son président.
  • Pour les étudiants de troisième cycle des études de pharmacie affectés dans la spécialité biologie médicale, la thèse conduisant au diplôme d’Etat de docteur en pharmacie est soutenue devant un jury présidé par un enseignant-chercheur habilité à diriger des recherches, titulaire des disciplines pharmaceutiques. Le jury de thèse est composé d‘au moins trois membres désignés par le président de l’université sur proposition du directeur de l’unité de formation et de recherche dispensant des formations pharmaceutiques. Deux membres du jury sont titulaires du diplôme de pharmacien ou du diplôme d’Etat de docteur en pharmacie (un praticien des armées peut faire partie d’un jury de thèse. Lorsque ce praticien est professeur agrégé du Val-de-Grâce, il peut présider le jury.)

En pratique pour la médecine générale :

  • un président PU des disciplines médicales de la faculté où vous soutenez (qui ne peut pas être votre directeur de thèse)
  • un premier assesseur, enseignant de médecine générale (MCA, PA, MCU, PU) ;
  • un deuxième assesseur, docteur en médecine (ou docteur des universités) ; il s’agit en général du directeur de thèse (sauf s’il prend la place du 1er ou 2ème assesseur en raison de son statut universitaire)
  • de façon facultative, un (ou deux) autres assesseurs, au moins docteur (en médecine ou des universités).

Si vous ne savez pas qui est MCA, MCU, PA, PU… la faculté a souvent la liste des « titres et grades des MCU et PU » facile à trouver via une recherche Google (ici à Lille par exemple). Notez également que le président est normalement le plus ancien nommé PU, si vous avez plusieurs PU dans le jury ; toutefois, si pour une raison personnelle vous souhaitez que ça ne soit pas le cas, c’est possible (sous réserve de l’acceptation des 2 PU concernés…)

Comment trouver un jury et une date ?

Dans l’ordre, je vous conseille :

  • de réfléchir avec votre directeur de thèse sur quelques dates potentielles (et un jury), au moins 3 (voire 6) mois en avance ;
  • de contracter le bureau des thèses pour s’assurer de la disponibilité d’au moins une salle sur les dates choisies avec votre directeur (éventuellement pré-réserver 1 à 3 créneaux si cela est faisable, en diversifiant – 14h, 16h, 18h) ;
  • contacter le président de jury choisi en lui proposant (dans un mail court) d’être membre de jury, en précisant le titre (et/ou sujet), le nom du directeur de thèse, et en lui donnant d’emblée les dates possibles ! Il est inutile d’envoyer un premier mail pour savoir s’il (elle) sera intéressé(e) : la réponse est normalement oui, en tant qu’universitaire, choisi de concert avec votre directeur de thèse ! Le frein, c’est l’agenda : donnez les dates d’emblée pour être fixé ! En cas de blocage, n’hésitez pas à demander au secrétariat des informations sur le fonctionnement (certains peuvent souhaiter un rendez-vous préalable pour discuter du sujet, etc.)
  • si le président est disponible sur une ou plusieurs dates, proposez-les rapidement à un deuxième assesseur : définissez une stratégie avec votre directeur de thèse sur qui contacter, dans quel ordre, en fonction des dates pré-choisies (inutile de proposer à un enseignant présent le jeudi à la fac si votre thèse est un mercredi…), de la thématique, etc.
  • en cas de refus, passez à un assesseur suivant (ne demandez pas à 10 assesseurs en parallèle, meilleur moyen de vous griller !) ;
  • en cas d’acceptation, validez la date auprès du bureau des thèses et refaites un mail avec tout le jury en copie pour préciser que la date est bien retenue, afin que tout le monde confirme dans son agenda !

Ce n’est pas la seule solution bien sûr : vous pouvez aussi utiliser des outils de planification tels que Doodle ou autre… mais pour organiser une thèse avec 4 personnes, c’est sans doute un peu excessif et impersonnel.

Vous aurez ensuite des documents à faire remplir et signer par votre jury, pour la soutenance, pour l’après-soutenance, un quitus à récupérer auprès de la bibliothèque… bref, quelques démarches administratives à anticiper au moins 4 à 6 semaines avant la soutenance.

Quel est le protocole pour la thèse ?

Là aussi, il y a des pratiques variables selon les facultés, mais souvent :

  • le thésard porte une toge/robe universitaire toute noire, disponible sur place (pas de couleur tant qu’on n’est pas docteur…) ;
  • le public est debout, s’il le peut, quand le jury est debout (comme lorsque le directeur d’école débarquait dans la classe en primaire) : ce n’est pas grave si ce n’est pas fait, mais c’est le protocole habituel ;
  • une fois le jury entré, toute l’assistance debout, le président annonce le thésard, lit le titre, donne la parole pour 15 à 20 minutes (maximum) puis invite tout le monde à s’asseoir (… sauf le thésard s’il peut être debout) ;
  • après la présentation, le président invite le thésard à venir s’asseoir sur une chaise face au jury, puis donne la parole au dernier assesseur (en général le directeur de thèse) placé à une extrémité… puis à l’avant-dernier (à l’autre extrémité), etc. jusqu’à lui-même (par ordre d’importance universitaire croissante en quelque sorte) ;
  • cette discussion avec le jury peut être source de questions, d’échanges…
  • une fois terminé, le jury se lève pour délibérer à côté (donc tout le monde se lève – théoriquement pas d’applaudissement à ce stade de grand suspens !) ;
  • le jury revient dans la salle (à nouveau tout le monde est debout), et donne le résultat de la délibération, qui sera positive normalement…
  • le président enchaîne avec l’éventuelle mention, puis en proposant de lire le serment d’Hippocrate en levant la main droite ; le serment est disponible sur le pupitre et je vous invite à le lire à voix basse une fois avant le début de la thèse, pour éviter de trébucher sur des mots tels que « l’opprobre »
  • une fois fini, la salve d’applaudissements peut retentir dans la salle !
  • le président vous remet l’attestation de docteur en médecine, à ne pas perdre (à photocopier…) ; vous pourrez envoyer une copie à l’Ordre des médecins (avec le DES) et ainsi être inscrit au tableau ;
  • classiquement, si vous faites un pot de thèse ensuite et que vous souhaitez inviter le jury, vous pouvez le faire à ce moment-là (ou le faire plus tôt) ;
  • en général, la famille veut faire quelques dernières photos de vous habillé en robe noire, parce que c’est assez rare ;
  • et 6 à 12 mois plus tard (environ), vous pouvez revenir au bureau des thèses et échanger l’original de l’attestation de docteur en médecine contre votre vrai diplôme de docteur en médecine (celui qui ressemble au baccalauréat par exemple, avec toutes les marques limitant la falsification) ; cette étape est oubliée par la moitié des gens et le bureau des thèses croule sous les diplômes depuis les années 50.

Peut-on filmer ou prendre des photos de la soutenance de thèse ?

Il est difficile de répondre de façon définitive pour toutes les facultés et tous jurys. Mais globalement : oui.

Depuis 2020 et les thèses en visio aux débuts de la pandémie COVID, de plus en plus de thèses sont filmées, parfois transmises par Zoom pour les invités qui ne peuvent pas venir… n’hésitez pas à vous renseigner auprès de l’appariteur qui viendra vous guider pour la diffusion de la présentation, à Lille par exemple il y a une caméra sur place pour Zoom.

Il ne faut bien sûr pas que l’éventuelle captation gêne la soutenance… Mais si une caméra filme en fond, et s’il y a des photos ou films pris de votre serment d’Hippocrate, tout va bien ! Le président incite parfois même à le faire, lorsque le public hésite à sortir discrètement un appareil…

De manière très générale, le jury souhaite que la soutenance soit un joli moment, pour clôturer (ou pas) votre aventure au sein de la faculté, face à votre famille et/ou vos amis.

Et ma présentation dans tout ça ?

Voici une dizaine de règles à suivre (ou pas) pour votre présentation.

Règle n°1 : Programmez le temps de parole

En général, à Lille, c’est 15 à 20 minutes. Personne ne vous dira « oh là là, 15 minutes c’est trop court et concis, tu aurais dû parler davantage »…

Le jour de la soutenance, vous allez un peu bafouiller, votre rythme va un peu baisser… Il faut donc mieux prévoir 15 minutes, et parler avec l’esprit tranquille en sachant que vous ferez peut-être 17-18 minutes. Si vous partez sur une base de 20 minutes, vous allez stresser inutilement.

Règle n°2 : Choisissez le format

Il n’est pas gravé dans le marbre que la présentation doit être faite sur un PowerPoint. Vous pouvez le remplacer par un autre logiciel de présentation, comme Keynote sur Mac, ou en ligne type Prezi.
Sur PowerPoint, l’option de transition « Morphose » permet des animations très sympathiques !

Vous pouvez aussi animer votre thèse avec une vidéo, un son, une succession d’images (façon keynote d’un TedTalks).

A l’extrême, vous pouvez faire la présentation sans support si ça vous chante (je déconseillerais beaucoup quand même…)

Règle n°3 : Assurez-vous d’avoir quelque chose à présenter.

Si vous êtes sous PowerPoint, prenez un .pptx, mais aussi en .ppt compatible 1999-2003 et un pdf ; si vous êtes sous OpenOffice ou LibreOffice, prenez un .odp mais aussi un .ppt et un pdf ; si vous êtes sous KeyNote, prenez un .ppt et un pdf… Vous pouvez faire un Prezi, mais dans ce cas, extrayez un pdf !

Mettez tout ça sur votre clé USB et envoyez-le vous par mail (au cas où vous oublieriez votre clé USB). Si vous utilisez des polices « spéciales » (non natives de votre ordinateur), incorporez les dans votre présentation. Dans tous les cas, testez votre présentation sur un ou deux autres ordinateurs que le vôtre. Idem pour les sons et vidéos… Ne misez pas tout sur une compatibilité éventuelle…

Le jour J (ou un peu avant), testez dans la salle… Eventuellement, si vous voulez mettre le parachute en plus des bretelles et ceintures, prenez votre PC ou Mac pour le brancher à le place de celui de la salle si besoin (c’est ce que j’avais fait pour la mienne en 2014, parce que j’avais des polices un peu originales… ouf !)

A partir de là, on va parler du PowerPoint, en supposant que c’est ce que vous utiliserez (comme 99 % ou plus des cas).

Règle n°4 : Prévoyez le nombre de diapositives avant de commencer

Ne partez pas tête baissée dans un diaporama, sinon vous allez mettre 10 diapos pour l’introduction en faisant des copier-coller de votre thèse.

Pour 15 minutes, partez sur une base de 15 diapositives, en incluant la 1ère de titre, et la dernière. C’est peu… mais c’est normal !

Entre 15 et 20, ça reste convenable à condition d’avoir des diapositives particulièrement sobres.

Règle n°5 : Ecrivez la dernière diapositive et basez-vous dessus

Commencez par la fin en écrivant une diapositive de conclusion avec 3-4 messages-clés.

Ce sont les messages que les gens dans la salle retiendront (y compris les non-médecins). Les écrire dès le début permet de les garder en tête comme « objectif » de la démonstration, et en faire une sorte de fil rouge — à l’instar de la chute d’une nouvelle marquante.

Si vous faites 15 diapositives, vous pouvez par exemple faire :

  • 1 page de titre
  • 1 diapositive de conclusion
  • puis 3 à 5 diapositives de résultats (décrire la population ; résultats principaux qui appuient la conclusion ; résultats secondaires)
  • faire 2 à 3 diapositives de discussion (comparaison à la littérature pour la validité externe ; forces et limites pour la validité interne ; perspectives éventuellement, si vous avez du temps et de la place…)
  • faire 1 à 2 diapositives de méthode (il faut être clair mais concis… c’est plus proche de la section méthodes de votre résumé que de la section méthodes de votre thèse !)
  • et finir par l’introduction en 3-4 diapositives, en remontant depuis l’objectif.

Règle n°6 : Réfléchissez aux titres et messages de chaque diapositive

Quel est LE message qui doit passer à chaque fois ? Essayez de faire passer peu de messages par diapo, mais des messages forts, intéressants, originaux. Le but n’est pas de redire toute la thèse mais d’en extraire l’essentiel. La thèse n’est pas présentée pour le jury (qui l’a lue) mais pour le public : soyez didactique, c’est aussi ça qui sera jugé. Demandez-vous pour chaque diapositive : à quoi sert-elle pour mon message de conclusion ? (si elle ne sert à rien, envisagez de la supprimer).

Vous voyez bien dans la presse l’importance des titres dans ce que vous retiendrez… Là c’est pareil, pour vos diapositives : utilisez les titres ! Profitez de cet espace pour passer un message (plutôt que « épidémiologie », mettez « Prévalence en augmentation » par exemple…).

Et parfois, une diapositive peut se passer de titre, s’il y a une illustration, un message clé… (le titre peut être la diapositive par exemple).

Règle n°7 : Rendez l’introduction « excitante »

L’idée est que sur les 2 à 4 premières diapos, les gens présents comprennent tous pourquoi vous avez choisi ce problème intéressant, pourquoi vous l’avez fait, et ce qu’on va en attendre (les fameux messages de conclusion sont préparés dès le début).

Règle n°8 : Diminuez, diminuez, diminuez la quantité de texte. Et rediminuez-la.

C’est sans doute la règle la plus importante à mes yeux. Le PowerPoint n’est pas un document de lecture : c’est un pense-bête !

On n’est pas là pour vous entendre le lire, mais pour vous entendre présenter votre sujet. Afin de vous aider dans votre récit, et de l’illustrer (figures, tableaux surtout), vous pouvez vous appuyer sur le diaporama. C’est ça sa place : un support illustratif…

Il faut éviter d’être redondant entre ce que vous dites et ce qui est écrit… Vous pouvez avoir un diaporama trèèèès sobre sur la présentation (cool !) mais malgré tout avoir un prompteur que vous n’avez qu’à lire : c’est l’option « afficher les commentaires du présentateur en privé lors de la lecture sur plusieurs moniteurs« . Là encore, ça n’est pas obligatoire : vous pouvez ré-improviser votre présentation parce que vous préférez ; ou vous pouvez tout écrire et tout lire en faisant semblant d’improviser, etc. Sentez-vous libre !

Ne perdez pas de vue le rôle du PowerPoint : il vous aide dans votre présentation. Par manque de confiance, on prévoit souvent l’inverse et c’est nous qui l’aidons à faire tout seul la présentation.

Soyons honnête ici : si on peut se passer de vous tellement le diaporama est clair/complet, on va se passer de vous. En pratique, le jury va lire plus vite que vous et être perturbé par votre voix ; ou vous écoutez et ne pas lire… et parler face à un auditoire qui n’écoute pas et ne fait que lire, ça n’est pas très agréable.

Ecrivez le moins de mots possible : ça évite de tendre à lire le diaporama (on dit parfois « 7 lignes max, 7 mots par ligne max »… en vrai, si vous avez une diapo avec 3 mots et que vous tenez confortablement 1 ou 5 minutes dessus, c’est même mieux !). Vous pouvez remplacer des mots par des images parfois. A titre personnel, j’aime beaucoup les icônes, et j’utilise très souvent celles de The Noun Project. Si ce n’est pas libre ou dans le domaine public, n’oubliez pas de citer l’auteur (en dernière diapositive par exemple).

Osez diminuer votre texte, je suis persuadé que votre présentation gagnera en intérêt.

Règle n°9 : Limitez les effets si vous ne les maîtrisez pas trop

Nous avons tous tendance à vouloir faire des effets de manche et faire des apparitions successives, pour éviter que le jury se perde dedans… Souvent c’est symptomatique du fait qu’on ait mis trop de texte surtout, et c’est fatigant…

Il faut mieux une diapositive sobre qui apparait entièrement. Par ailleurs, si vous passez en pdf pour la compatibilité assurée, limiter les animations est aussi une bonne chose.

Je parlais en règle 8 de mettre des illustrations : attention à rester sobre ! Evitez les excès de clip-art ou WordArt par exemple. Et si vous choisissez un site comme The Noun Project, essayez d’en avoir un seul pour avoir une cohérence visuelle…

Bien sûr, si vous êtes graphiste dans votre temps libre, amusez-vous à faire de belles choses… Je parlais plus haut de l’effet de transition « Morphose » qui permet de donner une jolie continuité d’une diapositive à l’autre : si vous vous sentez d’utiliser ce genre d’outils, si vous avez envie de vous y former, de suivre des tutoriels pour rendre votre présentation « Whaow »-esque… allez-y ! Soyez juste garant de ne pas utiliser des choses archi-vues qui donneraient un aspect poussif.

Règle n°10 : Entraînez-vous… sur le verbal et le non-verbal !

Il faut vous entraîner, affiner votre diaporama (diminuez le texte !), le présenter à votre conjoint(e) ou vos amis ou vos parents et/ou vous filmer, vous enregistrer..

Intéressez-vous à 4 points :

  • le fond de votre discours (est-ce cohérent ? intelligible ?),
  • la forme de votre discours (est-ce que votre voix est monocorde ? est-ce qu’il y a des intonations ? est-ce qu’il y a un tic de langage ? est-ce que vous comblez chaque silence par un « euh » ?),
  • votre position (est-ce que vous vous repliez sur vous-même ? est-ce que vos bras sont crispés ?)
  • votre interaction avec le diaporama (est-ce qu’il est adapté à ce que vous dites ? est-ce que vous galérez ?) – éventuellement, investissez dans un pointeur-télécommande de présentation (c’est tellement bien !).

A force de vous entraîner, vous déciderez si vous préférez le faire de mémoire avec une petite dose de spontanéité (ma préférence), de mémoire par coeur, de mémoire avec un support (papier ou dans les notes de chaque diapositive), ou en lisant (papier ou, idéalemnet, notes de chaque diapositive).

Enfin, et ça pourrait être le premier conseil, jetez un œil sur le web sur des présentations de TED Talks, de keynotes Apple, de « best presentations ever »… Les TED Talks appuient bien mon propos : en général, le diaporama illustre et sert de pense-bête à l’auditeur (excellents au demeurant), mais n’est jamais un support qu’ils lisent.

Inspirez-vous de ce qu’ils font, et faites une présentation intéressante pour votre jury et pour votre public. Si la personne non-médecin la plus âgée du public vous dit « c’était bien » et a vaguement compris votre objectif et votre conclusion, vous avez réussi.

Règle n°11 : Dépassez les règles…

… évidemment ! Ces « règles » n’ont aucune prétention, ce sont des conseils et des avis. Amusez-vous, c’est votre thèse et pour l’immense majorité d’entre vous, ça sera la seule !

Votre directeur de thèse peut également être de bon conseil pour la présentation en amont de sa préparation, ou une fois terminée, pour vous conseiller (sans doute) de réduire encore le texte !

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