Le DES de médecine générale en 4 ans : historique de 2008 à 2023

(Ce billet est la reproduction actualisée de mon fil Twitter de septembre 2022).

Bon, un thread sur la fameuse « mesure phare » d’ajouter 1 an d’internat pour aller sauver les déserts médicaux… Depuis quand ça date, quels ont été les nombreux arguments (et critique de ceux-ci).

Historique… qui remonte à 2008 ! 🧶

2008 à 2015 : et si on faisait un DES à 4 ans ?

2008 : @ISNARIMG discute un internat en 4 ans pour :
– avoir la même taille que les autres spés (😬)
– permettre un DESC qui ne rogne pas (gériatrie, urgence… argument qui n’a plus lieu depuis la disparition des DESC)
– être plus professionnalisant

Image
Image

2012 : la Commission de la vie de l’étudiant écrit : « pour un DES en 4 ans, il est suggéré d’introduire une formation en management, droit, SHS afin d’apporter des compétences adaptées à leurs futures missions ».
(Et compta, administratif ? Non…🤦‍♂️)

2015 à 2018 : les enseignants disent « oui mais », les étudiants disent « non »

2015 : @CNGE_France et @LeSNEMG militent pour un DES en 4 ans. 5 arguments principaux qu’on va détailler (et commenter) dans les 5 tweets suivants…

1. « mettre en place une formation réellement professionnalisante »

Ah, on va apprendre à être « chef d’entreprise » la 4ème année ?
En quoi on l’apprendrait mieux en étant interne que collab/associé/autre ?
Plus professionnalisant que 6 mois de SASPAS, c’est installé pour moi…

2. « parfaire la formation des futurs médecins généralistes de demain »

Primo il manque d’enseignants en MG (et aucune perspective de recrutement).
Secundo, le modèle des MG c’est ✨la réflexivité✨… un interne qui se forme lui-même mais qui a besoin d’une 4ème année ?

3. « qualifier des professionnels aptes d’emblée à assurer les missions de soins primaires dans les territoires » et « proposer une maquette de stage plus riche en stages ambulatoires. »

Super projet, faisons ça sur les 3 ans d’internat déjà : passons de 2 à 3 stages ambulatoires.

4. « harmoniser la formation de médecine générale avec les autres spécialités ».

Ca, c’est vraiment un concours de taille… On peut aussi dire que notre formation est plus efficiente si elle tient en 3 ans que 4.
Et puis quelle est la limite : pourquoi 4 si 5 ou 6 c’est mieux ?

5. « assurer des soins de qualité pour l’ensemble de la population, lutter contre les inégalités sociales et géographiques de santé »

Absolument aucune preuve qu’une 4ème (5è…) année augmenterait le nombre d’installations, la qualité des soins ou la lutte contre des inégalités.
A noter que finir plus tard ne permet de s’installer plus tôt…
D’ailleurs les installations se sont fait de plus en plus tardives au fil des années et avec les allongements de l’internat (2 ans avant 1997, 3 ans depuis 2001).

2015 : @SNJMG dit « oui, mais… » et réclame :
– 2 semestres pour gynéco/ped (au lieu d’1)
– SASPAS systématique (déjà le cas)
– faciliter la recherche/inter-CHU
– lever « les dernières discriminations injustifiées entre la MG et les autres spécialités »

2018 : @ISNARIMG dit « oui mais » s’il y a :
– une formation optimale : nombre suffisant de stages ambulatoires (MSU), et d’enseignants généralistes
– une révision de toute la maquette pour s’adapter au parcours de formation de l’étudiant

En 2018 et 2019, environ 70 % de 175 et 825 médecins (a priori non représentatifs de quoi que ce soit) étaient contre cette 4ème année (respectivement @EgoraInfo et @LeGene_hebdo).

2019 : le CNGE trouve que la formation est insuffisante, les étudiants ne veulent toujours pas d’une 4ème année

2019 : le @CNGE_France souhaite augmenter l’internat à 4 ans, et voit ça pour 2021 !

3 arguments principaux sont avancés dans l’article en lien :

1. ‘ »Sur le plan pédagogique, la formation en DES de MG est actuellement insuffisante en 3 ans ».

Quels objectifs ?
A combien d’internes « incompétents » sommes-nous avec un internat à 3 ans ? (comment c’est défini ?)
A combien voulons-nous être avec un internat à 4 ans ?

Nous sommes en 2023, le DES à 4 ans a été validé, et à ma connaissance, aucune de ces questions n’a de réponse. On peut donc directement réfléchir à un DES à 5 ans sur le même argument : « 4 ans ça n’est pas assez par rapport à 5 », et enchaîner avec 6, 7, 8 ans… tout en prônant la réflexivité et la formation continue.

2. « N’étant pas en situation professionnelle pendant une longue durée, beaucoup d’internes ne se sentent pas prêts à s’installer »

Comme mentionné plus haut, @ordre_medecins a interrogé 15300 jeunes MG en 2019 : 75 % aspirent à l’installation, 35 % le font à 5 ans de rempla…

Dans la même enquête, les 2 grands déterminants à l’installation étaient :
– des services publics ;
– la proximité familiale.

Ce qui permet de se rendre compte que les internes et jeunes médecins sont en réalité des êtres humains normaux. C’est d’ailleurs bien illustré avec l’installation à proximité de la faculté, où il y a des services publics et où les internes, à 27-28 ans en sortie d’études, ont généralement commencé à avoir une vie familiale, amicale, etc. Notons que « se voir imposer un lieu pour boucher les trous » n’apparaissait pas en tête, désolé pour les députés qui continuent à croire à la coercition.

3. « La gestion du cabinet, c’est un peu un fantasme. Les médecins ont des comptables. L’apprentissage de la médecine, ce n’est pas l’apprentissage de la comptabilité. »

Ca n’est donc pas si clair si c’est un semestre « professionnalisant » avec la gestion du cabinet ou pas…
(En vrai, je suis un peu d’accord : chaque MSU le fait d’une façon différente… l’interne n’aura pas toujours une vision flatteuse de ce backstage du cabinet et ça sera autant incitatif qu’un frein, selon le niveau de procrastination et de propension à être débordé du MSU…)

Il y a aussi dans cette interview, l’assurance que « les internes de serviront pas de bouche-trou : nous avons des MSU formés »…

Regardons maintenant les avis d’internes :
en 2008, 52 % de 923 internes étaient contre
en 2013, 55 % de 1 508 internes étaient contre (voire 60 % pour ceux ne voulaient pas de DESC…)
en 2018, 78 % de 664 internes étaient contre (39 % contre, 39 % d’accord si la 4ème année est optionnelle)

Donc la situation fin 2018 :
– les internes sont contre
– leur intersyndicale associative est plutôt pour
– les enseignants sont pour
– les politiques comprennent rien mais s’ils peuvent dire à leurs administrés « j’ai trouvé des médecins pour vos campagnes », ça les branche…

2019 : nouvel argument : une 4ème année « pour les territoires »

En mars 2019, le CNGE aborde un nouvel argument : « l’augmentation du nombre de MSU (10700 dont 9100 pour le 3ème cycle en 2019) va permettre la mise en place de la 4e année du DES de médecine générale : c’est une solution attractive forte pour l’exercice dans les territoires.« 

En juin 2019, un amendement est déposé au Sénat pour que « la dernière année du troisième cycle (soit) une année de pratique ambulatoire en autonomie, en priorité dans les zones (où l’offre de soins est insuffisante). »

Aussitôt, les boucliers sont levés en guide de réponse au Sénat :
pour @ISNARIMG : « Le Sénat marche sur la tête et préconise de brader la formation des médecins ! »
pour @LeSNEMG : il faut un projet ambitieux de 4ème année :
pour @CNGE_France : la « solution aux problèmes démographiques pour les patients est la 4e année du DES de MG dans les territoires », en précisant que cet amendement est une très bonne idée, mais inapplicable et dangereux pour la formation sans 4ème année.
– enfin @agnesbuzyn, ministre de la Santé en 2019, se disait défavorable « pour l’instant » à une 4ème année de MG pour l’instant, en absence de consensus.

2022 : le « quiproquo » des étudiants dans les déserts

Et donc… nous voici en septembre 2022 avec une séquence de communication politique ridicule, comme les Macronistes en ont l’habitude (en gros, on teste dans la presse, et si jamais ça se passe mal on dit que les gens n’ont pas compris).

Le 23 septembre, le JDD titre « EXCLUSIF. Le gouvernement va envoyer de jeunes médecins généralistes dans des déserts médicaux » : « Les étudiants seront encouragés à aller exercer dans les territoires les moins bien dotés en médecins, à la campagne, centres-villes ou banlieues. « C’est le levier le plus rapide qu’on ait trouvé pour améliorer l’accès aux soins » ».

(Rappelons ici que s’il y a des zones sous-dotées, c’est lié aux politiques de santé imprévoyantes des 3 dernières décennies suivant le raisonnement hautement malin : « pas de médecin, pas de dépenses de santé, donc des économies »…)

Dans la majorité parlementaire, toujours pas de consensus apparemment… certains craignent découragement et « perte de vocation ».

Le 25 septembre, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, détaille ses motivations :

C’est un festival d’approximation :
– « c’est la seule spécialité à 3 ans » (toujours le concours de celui qui pisse le plus loin)
– « sans la phase de consolidation, ils ne peuvent pas exercer en autonomie supervisée » : on a depuis des années un SASPAS qui veut littéralement dire « stage (ambulatoire en soins primaires) en autonomie supervisée… »
– « cette absence de phase de consolidation est une faiblesse qui ne favorise pas une installation immédiate » : rien, nulle part, personne ne peut dire qu’avec une année de plus, les internes s’installeront plus vite ! On l’a même vu plus haut, c’est sûrement l’inverse…
– « ce sera encouragé dans les territoires les moins pourvus ».

Le 2 octobre, suite de la séquence de communication poliitque donc, avec cette fois François Braun, l’oubliable ministre de la Santé de l’époque, qui répondait dans Ouest-France que « ce ne sera pas une 4ème dans les territoires »…

… puis le 18 octobre 2022, @BrunoRetailleau a fait adopter au Sénat une proposition de loi pour que la 4eme année soit dans les déserts médicaux.

A noter ici qu’en 2026, la France sera un désert : c’est encore le creux de la démographie médicale
Et pour avoir un maître de stage, il faut qu’il y ait un médecin…


On imagine bien qu’il y a un aspect politique à avoir des internes qui exercent une année de plus « dans les territoires » à compter de novembre 2026, avant des Présidentielles en avril 2027…

… et à la fin, le 49.3 officialise la 4ème année de médecine à partir de 2023

Le 14 octobre 2022, du 28 octobre au 1er novembre, les 14 et 17 novembre 2022, les étudiants se sont mobilisés contre le projet de loi de finances de la sécurité sociale 2023 (PLFSS) et son article 23, actant la mise en place de la quatrième année de médecine générale.

Et donc le 2 décembre 2022, « après six motions de censure rejetées et cinq recours à l’article 49.3 par la Première ministre Elisabeth Borne, la quatrième année (dès la rentrée 2023 !) a été officialisée par l’Assemblée nationale » (enfin surtout par le gouvernement).

Pour l’instant, tout reste à construire, puisque la première 4ème année aura lieu en novembre 2026 (pour la promo 2023).

La promotion de 4000 internes de novembre 2026 ne sortira donc pas diplômée et en plein creux démographique, on va « perdre » ces étudiants (sauf à considérer qu’ils seront bel et bien tous thésés, et des docteurs juniors parfaitement autonomes, bossant davantage que s’ils étaient en libéral à leur compte, installés ou remplaçants).

Comme pour la COVID-19, il manque toujours des objectifs clairs, évaluables a posteriori, pour pouvoir déterminer si les actions menées ont atteint les objectifs fixés ou non. On peut adopter une réflexion scientifique avant une telle décision, avec notamment les points suivants :
1 – Quelles nouvelles compétences sont attendues pour les internes ?
–> Gérer sa compta, son cabinet ? Qui va leur enseigner vu que ça n’est pas un sujet à enseigner ?
–> Déléguer comme lors d’un remplacement ? Quelle différence avec un remplacement alors (hormis la validation et « l’obligation » à travailler) ?
2 – Pourquoi 4 ans et pas 5 ou 6 ? Quel est le seuil idéal pour avoir des internes les mieux formés possibles, sans impacter sur leur installation et le service rendu à la population ?
3 – Alors que toutes les enquêtes et études montrent que les internes s’installent avec leur famille, les possibilités de travail pour leur conjoint, d’école pour leurs enfants, etc. pourquoi croire que cette décision changera quelque chose ?
4 – Quels seront les indicateurs qui seront utilisés pour évaluer l’efficacité de cette mesure ?

Sans indicateur, il sera toujours facile de trouver le témoignage de F., 28 ans, qui s’installe dans un village de la Creuse après son stage… et ignorer ceux qui auront été dégoûtés et seront partis à l’hôpital.

Loading spinner
Publié dans Une idée de la médecine (militantisme ponctuel) | Marqué avec , | 2 commentaires

15 jours de médecine générale au pays des irresponsables – préambule

En juillet 2021, j’ai visualisé de façon indue le QR Code du Président Emmanuel Macron, au contenu notoire (il a annoncé être malade en décembre 2020, et vacciné le 31 mai 2021). J’ai déjà expliqué pourquoi, mais voici en quelques mots le fond de ma motivation : je réclamais depuis avril 2021 que l’Assurance Maladie donne aux médecins la liste des patients vaccinés (en centre, pharmacie…) pour qu’on sache qui appeler quand on recevait des flacons de 6-12 doses de façon erratique (parfois on en commandait 2 et on en recevait 1 à J+10…), plutôt que perdre un temps fou à appeler des gens pour découvrir qu’ils avaient déjà été vaccinés… C’était UN PEU une priorité de vacciner début 2021, puisque le Président de la République avait fait un pari (raté) en janvier, en refusant de prendre des mesures de freinage de la pandémie, ce qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes.

L’Assurance Maladie et la CNIL refusaient de fournir cette liste, sous prétexte que ça nous donnerait de nouveaux accès : je leur répondais que c’est faux, puisqu’un médecin a accès au numéro de sécu de tous ses patients… et si on a un numéro de sécu, de Martin Dupond ou d’Emmanuel Macron, alors on peut récupérer le statut vaccinal (ce n’était donc pas donner un nouvel accès que je réclamais, mais une simplification de l’accès au statut vaccinal pour mieux prioriser la vaccination à un moment où le Président sus-nommé avait laissé le virus tuer 300 personnes par jour pendant 6 mois).

Le 13 juillet, après avoir consulté le pass du Président, j’ai prévenu l’Elysée le soir de la facilité d’accès (< 1 minute) potentiellement gênante à 9 mois des Présidentielles, et la présence d’une erreur facilement corrigeable mais pouvant nuire à la crédibilité du Président sur la vaccination. Mais, comme toujours, il est impossible de tomber sur un responsable. Au final, rien n’a été corrigé (ni la facilité d’accès — alors qu’il « suffit » d’envoyer un mail lors de la consultation des QR Code, comme on reçoit des mails à la consultation du DMP —, ni l’erreur de date). J’ai reconsulté le pass le 26 août à 17h49…

… juste après publication d’un article dans Mediapart, car un gugus s’est dit que cette erreur de date méritait un article. C’est là que tout le monde s’est chauffé. (Petit aparté : l’Ordre a envoyé aux concernés – dont moi – la liste des gens ayant consulté… en barrant les autres noms avec un feutre de mauvaise qualité… Je peux donc voir qu’une même personne a consulté à 3 reprises en août avant la diffusion dans Mediapart. L’enquête semble si complexe, Scoubi-dou).

Du coup, en septembre 2021, la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie) a envoyé au CNOM (Conseil National de l’Ordre des Médecins) la liste des médecins qui ont fait ça, qui a transmis aux CDOM (Conseils Départementaux de l’Ordre des Médecins) en leur demandant de « prendre les mesures disciplinaires qui s’imposent ». A noter que c’est la même personne au CNOM qui signe cette phrase et qui me répond, quand je lui envoie des mails pour violation assumée de secret médical par les assureurs de santé (sujet que je porte depuis au moins 2019) qu’elle « va prendre attache », ou « mener une réflexion »…

De fait, bien qu’indépendants dans la théorie, les CDOM nous ont transféré en CDPI (Chambre Disciplinaire de Première Instance). (C’est littéralement ce que m’a dit le président du CDOM62 : « c’est pas bien méchant, faut plus recommencer, mais comme la demande vient du CNOM, c’est sûr que le conseil votera pour transférer en CDPI »).

Les délais de la justice ordinale étant ce qu’ils sont, cette affaire a été jugée en CDPI en juin 2023, avec pour ma part une réponse mi-septembre 2023, m’interdisant d’exercer la médecine du 1er au 15 novembre 2023 (bon, concrètement, j’étais en congés du 4 au 12, ils m’ont mis 4 jours de vacances en plus).

Finalement, le bureau du CNOM a fait appel de cette décision « à titre conservatoire », en attendant que le conseil se réunisse en décembre… Ils se fixent un délai de 30 jours pour faire appel, mais ils se réunissent tous les 3 mois. J’ai donc reçu ce courrier le 25 octobre…

En parallèle, l’Assurance Maladie m’a « déconventionné » sur la période (ie mes patients ne seraient pas remboursés si je faisais des actes) : les délais de l’administration étant ce qu’ils sont (bis), ils ont mis 3 semaines après la réception de la sanction pour me le signaler. J’imagine donc qu’ils m’enverront un courrier le 15 novembre pour me signaler que je ne suis plus déconventionné à partir du 1er novembre. Un mille-feuilles de gens qui se renverront la responsabilité dans ces délais foireux…

Bref, je suis en vacances pour 15 jours. Et comme ces 15 jours tombent pendant le début du « mois national d’écriture de roman » (NaNoWriMo), je me dis que ça peut faire une bonne occasion pour écrire une petite quinzaine de billets ici… à raison d’une heure (max) par jour ! « Ils se détachent du micro-blogging pour retrouver le blogging : quelle est cette mode venue des anciens temps ? » pourrait titrer Voici/Closer.

Je n’ai pas encore tellement réfléchi au contenu, au rythme, etc. Je sais juste que depuis quelques mois, j’aimerais remettre sur ce blog des éléments que je radote littéralement sur Twitter, à la fois pour garder une trace plus facile à retrouver, à sourcer, à compléter, etc. J’essaierai de donner mon avis (sourcé autant que possible) à certaines questions comme :

  • comment améliorer l’accès aux soins ?
  • comment redonner du temps médical aux médecins, sans juste faire semblant ?
  • est-ce qu’augmenter les revenus des médecins améliorera l’accès aux soins ?
  • pourquoi la coercition est impossible actuellement en médecine, et ceux qui le proposent sont déconnectés de la réalité ?
  • pourquoi faut-il que les (ir)responsables politiques rendent des comptes ?

Ca parlera évidemment de COVID, de masques, de qualité de l’air, de certificats absurdes, de lutte contre les assureurs, de patients sans médecin traitant, de choix politiques mortels, de promesses non tenues, de fraude scientifique et autres dettes immunitaires, de sociétés savantes faire-valoir… Bref, parlons donc pendant 15 jours de médecine générale au pays des irresponsables.

(Source de l’image mise en avant)

Loading spinner
Publié dans Une idée de la médecine (militantisme ponctuel) | Marqué avec , , , , | 2 commentaires

Tester, traiter, vacciner, isoler, masquer, aérer, former, informer… Les multiples rôles du généraliste face aux infections respiratoires virales (présentation à la SFM 2023)

J’ai été invité au symposium grippe / COVID de la société française de microbiologie ce mercredi 4 octobre, avec un chouette programme :

Session 1 – Le bilan de 2022-2023

Modérateur : Bruno Lina

  • Évolution des virus influenza depuis la pandémie – CNR IPP
    Étienne Simon Loriere (CNR des virus des infections respiratoires, Institut Pasteur, Paris)
  • Bilan de l’épidémie de grippe 2022-23 en France
    Sibylle Bernard-Stoecklin (Santé Publique France)

Session 2 – Prise en charge des infections respiratoires virales

Modératrice : Catherine Weil-Olivier

  • Du diagnostic au traitement
    Pierre Tattevin (CHU de Rennes)
  • Masquer, aérer, tester, isoler, traiter, vacciner, former et informer… les multiples rôles du généraliste
    Michaël Rochoy (Médecin généraliste, Outreau)

J’ai relayé les 3 premières présentations sur mon compte Twitter.

Pour la 4ème, voici ma présentation (terminée à 3h du matin – sigh). Je vous invite à la lire au format diaporama, ça sera plus sympa (et vous pouvez lancer l’audio enregistré ce matin sur la première diapo si vous le voulez).

Bonne lecture !

Loading spinner
Publié dans Non classé | 2 commentaires

2022 : 2060 actes gratuits (et 6700 payés)

Redonner du temps médical aux médecins est un sujet qui m’intéresse, et pour lequel concrètement aucun travail n’est effectué au niveau national (un peu d’agitation histoire de, mais rien de réellement entrepris).

Dans les meilleures pistes que je vois :

  • Amélioration de la qualité de l’air intérieur dans les écoles et autres lieux clos (les écoles sont la priorité à mon sens) ;
  • Port de masques dans les lieux de soins (hôpitaux, cabinets, pharmacies) ; incitation forte au port de masques dans les transports en commun (avec mise à disposition), et au port généralisé selon des seuils prédéfinis ;
  • Autoriser les arrêts de travail courts en auto-déclaration, et les certificats absence enfant malade de la même façon ;
  • Améliorer l’éducation à la santé pour limiter les consultations évitables ;
  • Supprimer de nombreux certificats absurdes.

Je milite un peu pour tout ça, notamment sur Twitter, dans des tribunes et articles de presse, dans des articles scientifiques (et peut-être une thématique centrale pour l’HDR en 2024…). Tout ça s’entremêle dans des cercles vertueux : autoriser les arrêts courts, ça permet d’éviter les consultations J1 et ça contribue à l’éducation à la santé… l’amélioration des conditions pour les généralistes incite à de nouvelles installations, qui contribuent elles aussi à améliorer l’éducation à la santé et les conditions, etc.

Concernant les certificats absurdes, nous en avons détaillé un grand nombre sur certificats-absurdes.fr, le site porté par le collège de médecine générale et lancé en mars 2023.

Mais il est toujours difficile de quantifier l’impact qu’ils peuvent avoir sur notre pratique. C’est ce que j’ai essayé de faire.

Qu’est-ce qu’un acte gratuit dans ce recueil ?

Pour cette partie, je ne m’embête pas, je reprends carrément ce que j’avais fait dans mon billet de janvier 2022 😀

Brièvement je suis médecin généraliste, j’exerce en solo, dans une ville défavorisée (indice 5/5 sur l’EDI), je suis sur Doctolib, je n’ai pas de secrétariat, je travaille lundi-mardi-jeudi-vendredi (mercredi pas au cabinet), je réponds aux patients par téléphone et mail, j’accueille 1 à 2 internes par semestre depuis 2019.

J’entends par « acte gratuit » les demandes par téléphone, sms, mail de patients (ou collègues de travail) nécessitant un avis médical, une ordonnance, un document administratif, etc. et ne relevant donc pas de la compétence seule d’une secrétaire (hors formation spécifique).

Je n’intègre donc pas : la prise de RDV (même si on a discuté 3 minutes avant pour convenir qu’il faudrait un RDV), la lecture et l’intégration d’un bilan biologique (sauf si ça a mené à recontacter le patient pour prescrire un nouveau bilan, ajuster un traitement…), et les « certificats absurdes » demandés au cours d’une consultation « payée »… A noter évidemment que toute demande n’a pas abouti à un document remis : à défaut, c’est un « avis médical » (parce qu’il y a souvent des conseils et explications qui accompagnent un refus…).

Ces demandes me prennent en moyenne 2,5 minutes (parfois 1, parfois 15…). J’avais fait la moyenne sur le recueil de janvier 2022. Et évidemment, c’est un résultat personnel, dépendant de ma vitesse de frappe au clavier, des paramétrages de mon logiciel, etc.

Les vrais « actes gratuits » nécessitant normalement une consultation — mais l’avènement de la téléconsultation et surtout le remboursement des téléconsultations téléphoniques quelques mois en 2020 ont un peu reposé la question de « qu’est-ce qu’une consultation / un acte ? »

Malgré ce terme de « gratuit » dans cette appellation, j’insiste sur le fait qu’il n’y a pas de réclamation financière ici (on en parlera un peu à la fin quand même). Il s’agit d’améliorer la qualité de travail, de redonner du temps aux médecins pour qu’ils puissent faciliter l’accès aux soins de leurs patients et leur éviter une surcharge mentale permanente (et souvent inutile). Par souci de transparence, rappelons (ou apprenons) que chaque patient dont nous sommes « médecin traitant » nous « rapporte » de l’argent chaque année, à travers le « forfait patientèle médecin traitant ».

Je ne redétaille pas les forces et limites de faire ce type d’étude. Je rappelle juste que pour je le fais au fur et à mesure (pas de biais de mémorisation), qu’il n’y a que moi qui cote « acte gratuit » (donc pas d’erreur de quelqu’un qui intégrerait par exemple le fait de lire un bilan, un courrier, de scanner le courrier, etc. Tout ça n’est évidemment pas intégré car ce n’est pas une interaction induite par le patient pour un avis médical ou une ordonnance/certificat !). Si vous voulez plus de détails, je vous renvois vers le billet de janvier 2022.

Bilan de 2022

En 2022, j’ai tenu un tableur Excel des demandes et, comme annoncé dans le titre, j’ai eu 2060 demandes d’actes gratuits pour 6696 actes payés : 23,5 % de mes actes de l’année (pas de mon temps, je vous rassure !) sont ces petits actes gratuits.

A raison de 2 min 30 en moyenne par acte gratuit, cela représente tout de même… 5150 minutes par an, soit 86 heures. Par médecin… Voilà une réflexion à mener pour libérer du temps médical, non ?

JourQuantités% du Total
L41820.3 %
M46922.8 %
Me23411.4 %
J37418.1 %
V44821.7 %
S844.1 %
D341.6 %

Mes demandes principales en 2022 ont été les suivantes :

Type de demandesNombre de demandesProportion
Avis médical (très large, et le plus chronophage…)58728%
Prescription (renouvellement paracétamol, gaviscon, éconazole, dermocorticoïdes, IPP, dépannage pilule, etc.)56928%
Administratif (APA, ALD, certificats de douche, pour obtenir un casier, pour prendre du paracétamol en classe de neige et ces conneries listées sur certificats-absurdes ; sport – parfois lorsque j’ai vu le patient dans les 3 derniers mois, je ne lui refais pas le même examen normal pour délivrer un certificat de pétanque…)1557%
Bilan biologique (complément de bilan devant une perturbation d’un précédent bilan, contrôle d’anomalie, bilan préalable à consultation comme ECBU, coproculture devant diarrhée > 5 jours, etc.)1105%
Duplicata (papier perdu, une date à modifier, une adresse…)864%
Renouvellement soins infirmiers (encore une fois, uniquement en « actes gratuits », bien sûr qu’il y en a beaucoup plus en intégrant les renouvellements faits à domicile ou lors de consultations).814%
Matériel hors lit médicalisé (chaise percée, matelas, fauteuil…)643%
Kinésithérapie (renouvellement des séances parce que c’est pas fini)633%
Prescription médicale de transport (encore une fois, uniquement sur les actes gratuits… dans quasi la totalité des cas pour suppléer la demande non réalisée par le pro de santé qui a convoqué)633%
Renouvellement hypnotique chronique (12 par an chez 6 patients avec échecs multiples de sevrage, pour ne pas passer les voir tous les mois en visite à domicile…)573%
Courrier (courrier de synthèse, pour voir un spécialiste devant un résultat de bilan, etc. Si ça se fait en 2 minutes, je ne bloque pas forcément une consultation : là encore, le but est d’abord de préserver l’accès aux soins pour les malades… même si ce serait plus rentable de voir le patient !)533%
Podologue, pédicure, semelles, chaussures 392%
Cystite (diagnostic téléphonique, envoi de fosfomycine…) 291%
Arrêt court (patient vu la veille, arrêt à prolonger, arrêt COVID, etc.)241%
Enfant malade (régularisation pour enfant gardé à la maison et pas d’intérêt de le voir cliniquement – diarrhées ayant cédé, fièvre 1 jour, etc.)201%
Renouvellement de lit médicalisé (… parce que tout le monde a le droit de dormir)191%
Imagerie (complément d’imagerie suite à bilan paraclinique, acceptation d’une imagerie proposée mais refusée lors d’une précédente consult, etc.)171%
Orthophoniste (souvent la veille du RDV pris 6 mois auparavant sur conseil avisé de l’enseignant)131%
Contention (chaussettes, bas… les gens appellent parfois quand ça se troue. Les voir en consultation pour ça serait abusé…)100%
Orthoptiste (une seule demande en acte gratuit !)10%

Evidemment, on pourrait parler de ces résultats pendant des heures.

Il s’agit de ma pratique : un secrétariat peut filtrer une partie de ces demandes (encore une fois pas y répondre, mais filtrer), mais in fine, il faudra que les papiers sont imprimés et signés, lors d’une consultation ou téléconsultation… ce qui allonge forcément le temps consacré pour répondre à la demande. La limite entre « je peux régler ce problème par téléphone en 2 minutes » et « il faut qu’on se pose 10 ou 15 minutes pour aborder ce problème lors d’une (vidéo)consultation » n’est pas toujours simple à apprécier.

Ma pratique est aussi en milieu défavorisé. J’ai régulièrement des demandes pour du paracétamol, gaviscon, des bilans de bêta-hCG…

Enfin, la codification est discutable et aurait pu être améliorée avec un double codage, mais peu iporte (j’ai sûrement mis en « prescription » des « avis médicaux » par exemple, qui demandaient une expertise plus importante que « juste » prescrire / renouveler un traitement…). Par exemple, un patient peut m’appeler pour demander une IRM parce qu’il a mal au dos :

  • Je vais normalement refuser et lui proposer un RDV. S’il prend un RDV, je ne compte pas ça en « acte gratuit » (c’est juste une prise de RDV, même si on a discuté un peu avant… je considère qu’on a préparé la consultation…)
  • S’il ne prend pas de RDV, mais qu’on a passé le même temps à discuter de lombalgie, du fait qu’il faille marcher un peu, je cote en « acte gratuit : avis médical »
  • Si par contre il a mal depuis 3 mois, j’avais proposé une IRM la semaine dernière, il a refusé, et finalement il a changé d’avis… eh bien je lui envoie par mail et je cote ça en « acte gratuit : imagerie ».

Bilan de 2023

J’ai arrêté de tenir une liste des demandes au 31 décembre 2022. Par contre, depuis le 1er janvier 2023, je cote dans mon logiciel de comptabilité un « acte gratuit » (en feuille de soin papier que je n’imprime pas, juste pour garder une trace).

Au 7 septembre, j’ai 4218 actes payés et 1315 gratuits… soit 23,8 % !

Est-ce que le nombre d’actes gratuits a augmenté dans le temps ?

En 2022, j’étais donc à 23,5 % d’actes gratuits (2060 versus 6700 payés) ; en 2023 à 23,8 %.

De façon anecdotique, en novembre 2017 (oui, c’est un sujet qui m’intéresse depuis un petit moment), j’avais noté que sur une journée, j’avais réalisé 9 actes gratuits et 25 payés, soit 26,5 %… Je n’avais pas fait de recueil plus long, et une journée est évidemment difficile à comparer à 1 mois ou 1 an.

https://twitter.com/mimiryudo/status/928681525343932417?s=20

Quelles solutions ?

Identifier un problème, c’est bien. Proposer des solutions, c’est mieux.

Ces actes gratuits ont plusieurs impacts : ils augmentent la charge mentale au quotidien, créent un sentiment de « perdre » du temps et ils dissuadent à l’installation par la surcharge administrative induite, qui passe 1000 km au-dessus de la tête de nos gouvernants au sens large (CNAM, gouvernement, députés, etc.) car ils sont invisibles !

Tout l’intérêt de ces « actes gratuits » est de continuer à faire tourner le système entre deux patients, sur une pause repas, le soir ou le week-end, en assurant le maximum d’accessibilité pour les vrais problèmes médicaux. Il est facile de les réduire en les transformant… en actes payés, notamment via les téléconsultations ! Il est tentant de réserver 5 à 10 créneaux de téléconsultations de 5 minutes de 18h30 à 19h, pour absorber ces demandes et gagner quelques dizaines de milliers d’euros par an en faisant le même travail. Quant aux patients qui souhaitaient un RDV en fin de journée, ils attendront un autre jour…

Dit autrement : transformer les actes gratuits téléphoniques (ou mail) en (télé)consultations est favorable pour les finances du médecin, mais pas pour l’accès aux soins.

A ce stade, sur le sujet des « actes gratuits », je vois donc 2 grandes solutions à envisager, non mutuellement exclusives :

1/ payer ces actes gratuits… Rendre remboursables les actes téléphoniques ou mails menant à une action sur le dossier du patient, même de façon symbolique (5€ ou que sais-je).
Ca diminuerait ce sentiment de « perte de temps » sans nuire dramatiquement au budget de l’AM, et ça serait une façon de reconnaître le travail invisible. Plutôt que juste majorer des forfaits ou des actes, déjà payer et reconnaître le travail réellement effectué pourrait être une façon pertinente d’aborder la nouvelle convention à venir.
D’autres pays font ça : en Suisse, l’ouverture et consultation du dossier (par exemple pour intégrer un bilan biologique) est facturée au patient ! Totalement inimaginable chez nous… où les gens (patients et professionnels de santé) sont perçus comme des « irresponsables » à « responsabiliser » par un gouvernement visiblement en manque de miroir.
(Quant à la lutte contre la fraude, un patient qui voit une cotation « acte téléphonique », il doit pouvoir tracer avec sa demande ayant mené à remettre un courrier, une ordonnance…)

2/ réduire les actes, par la suppression des « certificats absurdes ». Et sur ce sujet, les idées ne manquent pas sur certificats-absurdes.fr. Il faut « juste » que les députés et le gouvernement décident d’agir réellement pour l’accès aux soins.

Ca viendra sûrement, quand ça sera davantage médiatisé… mais ça viendra trop tard.

Loading spinner
Publié dans Une idée de la médecine (militantisme ponctuel) | Marqué avec , , , | 2 commentaires

Les trois petits canulars

J’ai longuement détaillé l’histoire du canular « accidents de trottinettes et hydroxychloroquine », co-écrit avec Matthieu Rebeaud, Florian Cova et Valentin Ruggeri dans mon billet de blog intitulé « le meilleur article de tous les temps« . J’en ai aussi parlé au congrès CNGE 2021, CMGF 2022… et en Suisse au SSMIG en septembre 2022 pendant 1 heure, sur invitation du Pr Dagmar Haller (grand témoin au CNGE 2021, qui m’y avait entendu).

Une heure, c’est long… alors j’ai complété par d’autres incursions dans le monde absurde des revues prédatrices ! Voici la suite !

Episode 2. Etre reviewer pour une revue prédatrice.

J’en avais parlé aussi dans le premier billet de blog : en septembre 2020, Science Domain International (l’éditeur de l’Asian Journal of Medicine and Health dont on avait démasqué au grand jour la supercherie) m’a contacté pour être relecteur d’un article dans un autre de leur journal… Cocasse…

Leur demande : que ça aille vite en 3 jours, parce que l’auteur en avait besoin pour sa thèse !

Ma réponse a été simple et contenait surtout l’incitation à « ne surtout pas publier dans un journal de Science Domain International qui publie des revues prédatrices » (transmis aussi via Messenger pour m’assurer que l’auteur le lirait).

L’éditeur m’avait répondu pour me remercier de contribuer à la qualité de la revue…

… et bien qu’ils m’ont retiré des reviewers, et que l’article a été publié, ils m’ont quand même envoyé un joli diplôme de contribution à la qualité du journal.

J’habite à Ankh-Morpork, oui.

Il semble difficile de faire changer les choses même en répondant aux reviewing pour dissuader les auteurs…

Interlude. En savoir plus sur les revues prédatrices et les canulars

La définition des revues prédatrices est qu’elles donnent priorité à l’intérêt personnel sur l’érudition, sont caractérisées par des informations fausses ou trompeuses, avec des écarts par rapport aux meilleurs pratiques éditoriales et de publication, un manque de transparence et/ou des pratiques de sollicitation agressives et sans discernement. La définition reste volontiers floue, car il existe une vaste zone grise de revues difficiles à faire entrer dans la case « prédateur » ou la case « non prédateur »…

En réalité, les revues prédatrices sont une partie du problème, et aussi une conséquence du problème plus vaste au sein des revues médicales. En pratique, les chercheurs paient les éditeurs pour avoir accès aux articles qu’ils ont eux-mêmes financés, écrits, publiés (parfois en payant), relus et corrigés pour leurs pairs… Le tout en le faisant aussi souvent et aussi rapidement que possible (« Publish or perish », une expression utilisée pour la première fois en 1928 en Sociologie et recherche sociale).

A cela s’ajoute l’examen accéléré (et toute la zone grise où il est difficile et parfois long de déterminer si une revue / un éditeur est prédateur ou non donc…), les conflits d’intérêts (avec le comité de rédaction par exemple), les preprints repris dans la presse, « l’infodémie » ou encore les fakenews relayées à tout va — parfois sous forme d’article, d’interview télévisée, de livre chez un éditeur aussi prestigieux qu’Albin Michel… Tout le monde est concerné par ces fake-news en santé, y compris le directeur général de l’Assurance Maladie par exemple.

Il existe des outils pour repérer et éviter les revues prédatrices :

Et évidemment, il y a de nombreuses personnes et associations qui luttent contre les revues prédatrices : Hervé Maisonneuve, Leonid Schneider, Elisabeth Bik, CoopIST, Retraction Watch, PubPeer

Notre article a sûrement été le canular le plus largement diffusé auprès des non-scientifiques (une blague par phrase, pop-culture, sujet qui captivait tout le monde à un moment particulier de nos vies – COVID-19 et HCQ)… mais ce n’était pas le premier ! Citons par exemple :

  • Who’s afraid of peer review? (Bohannon, Science 2013) – global map of journal fraud : l’auteur a diffusé le même modèle d’article à 304 revues prédatrices, est passé dans 255 comités de lecture et a été accepté 157 fois (60 %) et rejeté 98 fois. Les articles étaient sur le modèle « Molecule X from lichen species Y inhibits the growth of cancer cell Z » avec des conclusions non étayées par les données, des faux auteurs et de fausses affiliations.
  • David Philips and Andrew Kants (Bentham Publisher, 2009): Deconstructing access points. Non publié, car aurait coûté 800$
  • Alain Sokal (Social Text, 1996) — Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity
  • ou encore l’incroyable canular de David Mazières and Eddy Kohler (soumis au congress WMSCI 2005… puis soumis par Peter Vanplew à International Journal of Advanced Computer Technology, 2014). L’article a été accepté mais n’a pas été publié (quel dommage !) car l’éditeur — qui a noté « excellent » — réclamait 150$.

Il y a également de nombreuses blagues / poissons d’avril :

  • Tous les BMJ de Noël…
  • Georges Perec et son Experimental Demonstration of the Tomatopic Organization in the Soprano (Cantatrix sopranica L.) publié dans la section « Pitres et travaux » du JIM 103 en 1980

… et parfois des fraudes (fausse photo de Nessie par le chirurgien Wilson en 1934, fausse autopsie alien par Fox TV en 1995…). On peut s’amuser à différencier les fraudes et canulars par un tableau croisé :

Ne pas tromper le lecteurTromper le lecteur
Ne pas tromper le journalPublication « normale »Canular pour une blague / Poisson d’avril (le journal est complice)
Tromper le journalCanular pour démontrer une fraude (le lecteur est complice)Fraude
Fraude ou canular ?

Episode 3. A New Hope for General Medicine in A Start-Up Nation (Journal of Clinical Medicine: Current Research, ACAD-WISE)

Revenons au vif du sujet !

Quand j’ai appris que j’avais une présentation d’une heure à faire en Suisse, je me suis posé quelques questions fin juin 2022 : est-ce encore aussi facile de publier dans une revue prédatrice ? Peut-on négocier les tarifs ? (certains canulars réalisés par d’autres n’ont pas pu aller au bout de leur démarche à cause des sommes d’argent réclamées).

J’ai donc simplement ouvert ma boîte de courrier indésirable et répondu à « Lucy » d’ACAD-WISE qui souhaitait un commentaire sur un article publié sur les bodybuilders.

J’ai construit un texte automatique en équivalent start-up de lorem ipsum, via Corporate Ipsum, je l’ai appelé « A NEW HOPE FOR GENERAL MEDICINE IN A START-UP NATION« , et j’ai soumis le 7 juillet.


Le 11 juillet, il était accepté sans changement (quelle bonne nouvelle !)

… mais avec des frais de publication à 919$ ! J’ai donc négocié : d’abord ils m’ont proposé 619$…

Mais en continuant, nous sommes arrivés 5 jours plus tard à nous mettre d’accord sur… 39$ !

L’article est publié

Vous pourrez lire l’article directement derrière ce lien… ou ci-dessous ! En page 2, j’ai inventé le « moulin à vent de l’accès aux soins » (on appréciera l’ironie en haut à gauche où j’incite à communiquer sur les « revues prédatrices (comme celle-ci, où j’ai payé 39$ au lieu de 919$ — toujours essayer de négocier !) »

Episode 4. A New Hope for General Medicine an a Start-up Nation (Journal of Medicine and Public Health, Medtext Publications)

J’ai senti quand même que je pouvais faire mieux dans les négociations. Maintenant que j’avais obtenu un nouveau seuil (39$ au lieu de 919$… nous n’avions pas négocié les 85$ pour l’article « trottinette-hydroxychloroquine), et que l’article était publié pour illustrer mon propos au congrès de la SSMIG en Suisse, je pouvais m’amuser encore davantage.

J’ai donc soumis le même article (sans la figure cette fois) à une autre revue en août (toujours en répondant dans mes spams). Ca a été rapidement accepté…

La facture était par contre salée : 2042,25$ pour une page !

On ne se mouche pas du coude ! (Pourtant, c’est recommandé contre la COVID)

S’en est suivie la conversation la plus bornée que j’ai eue ces derniers mois, où j’ai répété mécaniquement que je ne pouvais pas au-delà de 20$.

Je propose 20$
Ils répondent : -50% (1000$)
Je réponds que je ne peux pas
Ils proposent 500$
Je réponds que je suis limité à 20$
Ils proposent 200$, leur minimum
Je réponds : 20$
Ils me disent : 50$…
Je réponds : 20$…
Ils acceptent à 24$…

Et finalement… je n’ai pas payée, car l’article était mis en ligne pendant les négociations ! Ils l’ont même réaugmenté à 236$ discrètement le 10 novembre 2022… Mais toujours pas réglée au 22 mars 2023, et l’article est pourtant toujours en ligne…

24$, en retard au 1er septembre 2022
Réaugmentation à 236$ en novembre

Vous pouvez lire cet article derrière le lien ou ci-dessous… C’est exactement le même que le précédent. L’humour n’était pas dans l’article, mais dans les échanges…

Episode 5. Incessant Solicitations: You’re not Alone! (Archives in Biomedical Engineering & Biotechnology)

Enfin, après avoir démontré qu’on pouvait négocier très largement les prix dans ces revues prédatrices pour avoir des canulars, je me suis dit qu’il était temps de publier un article sur comment éviter les revues prédatrices dans une revue prédatrice.
J’ai donc répondu à Archives in Biomedical Engineering & Biotechnology dans mes spams, et nous avons débuté une correspondance par mail à l’image de celles ci-dessus.

Vous pouvez lire l’article derrière ce lien, ou ci-dessous.
Au point 8, j’explique notamment les négociations : « Huitièmement, ne payez pas… au moins pas autant. Négociez ! Divisez le prix par 100. Expliquez que vous ne pouvez pas payer 1000$ mais que vous voulez bien payer 25$ ! J’ai négocié de 919 à 39$ pour J Clin Med Current Res et celui-ci je l’ai eu pour 30$. Une bonne affaire. Et vous pourriez avoir des échanges drôles et surréalistes, valant presque cette somme d’argent ». En page 2, je suis aussi ravi d’avoir pu faire enfin publier dans une revue la figure de David Mazières, Eddy Kohler et Peter Vanplew sur « Get me off your fucking mailing list ».

En espérant qu’ils finissent par nous entendre…

Cette incursion dans leur monde pour mieux comprendre les revues prédatrices fera l’objet d’une présentation cette après-midi au CMGF2023 ! Venez nombreux 😉

EDIT du 16 septembre 2023 :

EDIT du 6 juin 2024 : via Google Scholar, j’ai appris que mon patronyme avait été cité dans un article hongrois.

Ou en version française par DeepL :

Loading spinner
Publié dans Non classé | Un commentaire